Plus digne la vie » annonce http://plusdignelavie.com Le site du collectif Plus digne la vie, défenses et réflexions autour de la dignité de la personne, notamment en situation de handicap et de fin de vie Sun, 05 May 2019 23:10:46 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=3.8.29 Moraliser la vie publique, à quelles conditions ? http://plusdignelavie.com/?p=2964 http://plusdignelavie.com/?p=2964#comments Tue, 25 Jul 2017 09:42:58 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2964 Vincent Lambert, ce que devrait être la décision collégiale

 Emmanuel Hirsch

 

Les conditions de l’arbitrage

La décision que rend ce 19 juillet 2017 le Conseil d’État à propos du maintien ou de l’arrêt des traitements de M. Vincent Lambert n’a rien de surprenant. Il revient effectivement à l’équipe médicale, selon des conditions fixées . . . → Read More: Moraliser la vie publique, à quelles conditions ?]]> Vincent Lambert, ce que devrait être la décision collégiale

 Emmanuel Hirsch

 

Les conditions de l’arbitrage

La décision que rend ce 19 juillet 2017 le Conseil d’État à propos du maintien ou de l’arrêt des traitements de M. Vincent Lambert n’a rien de surprenant. Il revient effectivement à l’équipe médicale, selon des conditions fixées par la loi, de mettre en œuvre une procédure collégiale dans les circonstances qui la justifie. Une telle démarche relève des bonnes pratiques professionnelles et ne suscite aucune controverse dès lors que les règles sont respectées. La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a clarifié les approximations que certains dénonçaient, au risque de simplifier voire de systématiser des arbitrages dont on sait la complexité et la gravité.

Inutile de revenir une fois encore sur les conditions de la consultation collégiale qui le 11 janvier 2014 préconisait l’interruption de l’alimentation et de l’hydratation de M. Vincent Lambert. Nous sommes les témoins involontaires d’un chaos qui ne tient pas aux seules positions idéologiques ou religieuses des différents protagonistes associés à ce désastre humain, à cette débâcle qu’aucune instance éthique n’aura permis d’éviter.

Le Conseil d’État ne se substitue pas au médecin qui devra se prononcer à la suite de la délibération qu’il instruira. Il confirme la règle de droit sans autre commentaire. Ainsi, dans sa décision, la haute juridiction n’estime pas justifié de s’interroger sur ce qu’éprouvent les soignants qui accompagnent au CHU de Reims M. Vincent Lambert depuis des années, avec sollicitude et bienveillance.  De même il n’estime pas préférable l’accueil de M. Vincent Lambert dans un autre contexte médical, entaché d’aucune suspicion, afin d’engager un processus décisionnel dont chacun devrait alors comprendre qu’aucun passif ne risquerait de le déterminer.

La procédure collégiale relève de l’examen scrupuleux de données et d’arguments scientifiques qui contribuent à l’arbitrage d’une décision qui se doit d’être incontestable. Mais la consultation justifie également la prise en compte de l’ensemble des éclairages permettant de cerner au mieux ce à quoi engage, dans ces circonstances, le devoir de respecter l’intérêt supérieur de la personne concernée. Le médecin responsable doit être en capacité de prononcer sa décision à partir de cette instruction, avec pour autre souci de créer les conditions favorables à ce qu’elle puisse être considérée non seulement acceptable mais également comme la plus pertinente – celle qui s’impose – quelle qu’en soit la gravité. C’est dire à quel point la sérénité, la rigueur, l’esprit de discernement, la loyauté et l’indépendance doivent prévaloir. Chaque jour des décisions d’arrêt ou de limitations de traitement sont prises dans des services hospitaliers sans susciter la moindre polémique, dès lors que sont respectées les règles de bonnes pratiques professionnelles et que l’équipe soignante les accompagnent par une communication soucieuse d’attention, de bienveillance et de compassion.

C’est parce que M. Vincent Lambert n’avait pas exprimé dans des directives anticipées une volonté explicite, que les controverses se sont développées à travers des interprétations contradictoires de ce qu’aurait été sa position en de telles circonstances. Les ambiguïtés ont été renforcées par les incertitudes relatives à la caractérisation de ses incapacités cérébrales et à l’irréversibilité de son handicap, en dépit des expertises compétentes sollicitées par le Conseil d’État. La polémique devenant publique a été attisée par des prises de positions inconsidérées et volontairement outrancières qui ont bénéficie du contexte favorable de la concertation nationale sur la fin de vie lancée par François Hollande en juillet 2012.

Aucune instance légitime à intervenir lorsque l’éthique et la déontologie médicales sont saccagées par des manquements au secret professionnel, n’a daigné prendre position afin d’éviter cette indécente mise à nue sur la place publique de considérations confidentielles instrumentalisées au préjudice de M. Vincent Lambert. Cela tant du point de vue du respect de sa dignité que de la neutralité nécessaire à l’examen des critères décisionnels à mobiliser dans la perspective d’une éventuelle cessation des traitements.

Les motifs peu convaincants de la suspension, le 23 juillet 2015, de la troisième procédure collégiale ont, eux aussi, à la fois surpris et interrogé, suscitant des zones d’approximations qui ne me semblent pas imputables au médecin qui en a pris la décision. La prudence du CHU de Reims depuis, me semble relever à cet égard du souci de restaurer une dignité et une discrétion.

 

Une certaine idée de nos responsabilités

Il me semble aujourd’hui que les conditions sont propices à l’arbitrage qui ne peut être plus longtemps différé.

Une décision va donc être prise dont rien n’indique qu’elle aboutira à la sédation profonde et continue que propose désormais notre législation dans des circonstances spécifiques. Entre autre hypothèse à investiguer au cours de cette procédure collégiale, ne négligeons pas la question de la justification de l’hospitalisation de M. Vincent Lambert dans un CHU, alors que son accompagnement pourrait relever des compétences d’un établissement spécialisé.

M. Vincent Lambert témoigne, du fait de sa vie qu’il poursuit dans le confinement d’une chambre d’hôpital, d’un non abandon, d’un non renoncement dont personne ne peut affirmer qu’il est dénué de signification. M. Vincent Lambert témoigne d’une vulnérabilité extrême partagée avec tant d’autres personnes : elle suscite des engagements d’humanité et des solidarités dont personne ne peut contester la valeur, y compris en terme de démocratie. C’est dire que le médecin qui annoncera à M. Vincent Lambert la destinée qui l’autorisera ou non à se maintenir dans la communauté des vivants, engage une certaine conception de nos principes d’humanité. Et c’est ce que j’ai compris de ces temps si douloureux pour M. Vincent Lambert, ses proches et ses soignants. Au-delà de positionnements inconsidérés, une certaine idée de nos responsabilités humaines, de nos devoirs de démocrates s’est renforcée. Elle ne peut qu’enrichir notre pensée et notre approche de la fragilité humaine, des précarités sociales et de nos obligations politiques à cet égard.

Quelque soit la décision médicale qui sera prise au CHU de Reims, je retiens que l’attention portée à M. Vincent Lambert, notre préoccupation à son égard nous ont permis de mieux comprendre l’être qu’il est, y compris en état « d’éveil sans réponse ». Sans avoir la capacité de s’exprimer, il nous a transmis, à sa façon, une leçon d’humanité, une sagesse et peut-être l’idée d’une forme inédite, voire paradoxale de résistance éthique. Chacun se devrait désormais d’en comprendre la haute signification, au moment où se refonde notre République.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2964 0
Vincent Lambert : les premières leçons à tirer d’une déroute http://plusdignelavie.com/?p=2921 http://plusdignelavie.com/?p=2921#comments Wed, 14 Oct 2015 10:22:16 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2921 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Vendredi 24 juillet 2015

Désormais chacun doit avoir conscience des responsabilités engagées

La décision prise par l’équipe médicale du CHU de Reims le 23 juillet, intervient trop tardivement et dans un contexte à ce point préjudiciable à l’intérêt supérieur de M. Vincent Lambert et des 1700 . . . → Read More: Vincent Lambert : les premières leçons à tirer d’une déroute]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Vendredi 24 juillet 2015

Désormais chacun doit avoir conscience des responsabilités engagées

La décision prise par l’équipe médicale du CHU de Reims le 23 juillet, intervient trop tardivement et dans un contexte à ce point préjudiciable à l’intérêt supérieur de M. Vincent Lambert et des 1700 personnes éprouvées par un même handicap, pour que l’on puisse s’en satisfaire. Depuis des mois et à travers un enchaînement de péripéties et de rebondissements déplorables, nous sommes témoins d’une invraisemblable déroute dont il nous faudra tirer toutes les conséquences. Car elles sont désastreuses à la fois pour ceux qui sont les plus directement concernés (personnes handicapées, proches, professionnels à leurs côtés), mais également dans ce qu’elles semblent révéler de dysfonctionnements qui n’ont pu être caractérisés et en quelque sorte contrés qu’en recourant à des procédures judiciaires poussées jusqu’à l’extrême. Certains s’interrogent désormais sur la légitimité et pertinence des procédures collégiales ayant été mises en œuvre pour engager une limitation ou un arrêt de vie d’un être cher. De même que des parents expriment auprès des équipes médicales, dans des services de médecine physique et de réadaptation (accueillant dans leur projet de vie des personnes aussi dépendantes que l’est M. Vincent Lambert), leur inquiétude au regard de possibles décisions arbitraires d’arrêt des soins dans les conditions discutées à propos du CHU de Reims. Le principe fondamental de la relation de confiance indispensable à l’approche de circonstances dramatiques et redoutables pour lesquelles une concertation intègre s’impose entre les membres d’une famille et une équipe médicale afin d’envisager l’issue estimée préférable, parfois « la moins mauvaise », est entamé, entaché de soupçons. C’est une injure faite aux professionnels, notamment de la réanimation, qui ont su initier des procédures de limitation et d’arrêt des traitements (en 2002, puis revues en 2009) solidement étayées et relevant de considérations à la fois éthiques et scientifiques rigoureuses.
Alors que la concertation nationale sur la fin de vie engagée le 17 juillet 2012 semblait aboutir avec la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, il est désormais évident que l’impact des circonstances présentes qui ont fait irruption sur la scène publique le 4 mai 2013 (première tentative d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de M. Vincent Lambert entreprise le 10 avril et interrompue sur décision de justice) ne pourra être négligé ainsi que les sénateurs l’ont démontré le 23 juin. Le droit fondamental de personnes handicapées comme M. Vincent Lambert, n’est-il pas déjà de bénéficier des soins et de l’accompagnement social les plus adaptés, sans être considérés, selon des évaluations fragiles, « en fin de vie » ? Les conditions de suivi médical de M. Vincent Lambert incarcéré depuis des années dans sa chambre, dans un contexte dont on peut aujourd’hui se demander s’il relève effectivement des droits reconnus et détaillés dans la circulaire du 3 mais 2002 relative à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci relationnel, n’affectent-elles pas de manière difficilement réversible sa qualité de vie ? Plutôt que d’évoquer des menaces pesant sur l’équipe médicale, nous aurions pu attendre du communiqué diffusé le 23 juillet par la Direction du CHU de Reims une attention à cet égard. Ce cumul de manquement à une expression de la compassion altère pour beaucoup la respectabilité des positions qui se sont radicalisées ces derniers mois, au point de contester la neutralité même d’une équipe médicale en fait dans l’incapacité d’arbitrer dans l’impartialité une prise de décision collégiale. Que l’on ne nous affirme donc pas que les pressions idéologiques, voire terroristes (on ne peut qu’être stupéfait, dans le contexte international présent, du recours à cette terminologie par un des proches de M. Vincent Lambert à l’annonce du renoncement à mettre en œuvre la procédure létale) ont entravé le processus décisionnel. Il est davantage probable qu’à un moment donné, et de manière tardive, les pouvoirs publics ont estimé qu’il convenait de mettre un terme à une situation à ce point désastreuse qu’on ne parvenait plus à en maîtriser les dédales et les effets pernicieux. À de multiples reprises j’ai évoqué la dimension politique de ces circonstances. Son dénouement prudentiel, transitoire, au cœur de l’été en atteste, et désormais chacun doit avoir conscience des responsabilités engagées.

Un légalisme poussé à ses limites

Je reviens brièvement sur l’analyse du renoncement de l’équipe médicale du CHU de Reims à persévérer dans sa position, selon toute vraisemblance à la suite de la procédure collégiale qui a fait apparaître la fragilité des convictions et l’impossibilité de justifier une procédure de fin de vie. Le 7 juillet 2015, le médecin assurant le suivi de M. Vincent Lambert annonçait la réunion d’un Conseil de famille, le 15 juillet, afin « d’engager une nouvelle procédure en vue d’une décision d’arrêt de traitement ». La convocation adressée aux membres de la famille ne présentait en effet aucune autre perspective que celle de convenir, de manière autant que faire consensuelle, des conditions de mise en œuvre du processus aboutissant à la mort de M. Vincent Lambert. Ni dans la méthode ni surtout dans la forme retenue pour entreprendre la concertation, n’apparaissait la moindre considération autre que le strict respect d’une procédure administrative consécutive aux arrêts du Conseil d’État et plus récemment, le 5 juin, de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce légalisme poussé à ses limites semblait révoquer toute approche circonstanciée, toute mesure, pour ne pas dire toute décence, alors que le Conseil d’État avait, pour ce qui le concerne, témoigné de valeurs d’humanité et d’une infinie retenue dans son arrêt du 24 juin 2014. Depuis deux ans, nous avons appris à mieux comprendre les responsabilités et les défis auxquels les personnes dites en « état d’éveil sans conscience » nous confrontent. Leur vulnérabilité même en appelle de notre part à l’expression d’obligations morales qui ne peuvent se satisfaire de procédures et de protocoles ainsi départis de la moindre sollicitude. Comme s’il s’agissait d’une « gestion de cas », là où doit prévaloir l’esprit de discernement, la pondération, la justesse et tout autant la considération à l’égard d’une personne vulnérable ainsi que de ses proches.
Il importait de tenir compte du caractère emblématique de la situation de M. Vincent Lambert ainsi que des conséquences de la décision qui ferait de manière certaine jurisprudence (en dépit des réserves émises à cet égard par le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme) : sa portée éminemment politique justifiait une argumentation incontestable et une discrétion inconciliable avec des postures partisanes revendiquées publiquement. Dès le 5 juin 2015, j’ai ainsi considéré nécessaire que le processus décisionnel relatif au devenir de M. Vincent Lambert puisse bénéficier de l’étayage des instances nationales compétentes dans le champ de l’éthique dont l’expertise avait été sollicitée par le Conseil d’État en 2014. Si la prise de décision collégiale relève de la seule autorité d’un médecin, il nous fallait être assurés que dans un contexte inédit et des plus complexe elle bénéficierait des arguments les plus fondés. Aucune de ces instances n’a estimé de l’ordre de ses responsabilités la moindre approche à cet égard (estimant que les rapports qu’elles avaient produits sur demande du Conseil d’État n’en appelaient pas à d’autres formes d’implications), si ce n’est le Conseil national de l’ordre des médecins en soutenant publiquement l’équipe médicale du CHU de Reims… L’accueil de M. Vincent Lambert dans un autre établissement qui permette à l’ensemble des membres de la famille d’avoir la conviction que l’arbitrage se ferait sans le moindre soupçon, semblait une option sage, voire évidente. Il convenait de rétablir un rapport de pleine confiance, susceptible, peut-être, d’atténuer les clivages au nom d’un intérêt estimé supérieur : celui de M. Vincent Lambert. Il s’avérait indispensable que ce temps du dénouement, à la suite de l’arrêt de la CEDH, puisse relever de ces conditions de dignité et de sérénité si souvent invoquées pour accompagner au mieux des circonstances humaines de haute vulnérabilité. Il s’agissait selon moi d’un droit que l’on devait reconnaître à M. Vincent Lambert, à ses proches et ceux qui à ses côtés expriment au nom de la société la sollicitude d’un soin et d’une indéfectible solidarité. À cet égard je tiens à redire toute ma considération à l’équipe des soignants de M. Vincent Lambert, dont les compétences et le dévouement sont reconnus. Mais au-delà des communiqués officiels, s’est-on préoccupé de ce qu’éprouvaient à titre personnels ces professionnels confrontés aux soubresauts de décisions contradictoires, d’interprétations et de commentaires inconciliables avec les valeurs du soin ; eux qui auraient pu demain contribuer à la procédure de fin de fin de M. Vincent Lambert qu’elles accompagnent dans sa vie depuis des années ?

Décrypter sans concessions ce qui s’est passé

Mes deux suggestions qui n’ont fait l’objet d’aucune suite, intervenaient probablement à mauvais escient, ou alors elles contrariaient des positionnements et des stratégies rétifs à toute forme d’atermoiement. Comme s’il y avait urgence à conclure, et que les recours juridiques ayant été épuisés rien ne devait plus faire obstacle à la seule décision qui s’imposait. Certaines considérations ont néanmoins entravé – à la stupéfaction de nombreux observateurs ce qui en soi interroge – un processus qui devait bénéficier de la torpeur estivale et permettre, à la rentrée, de reprendre le cours des choses, de conclure la discussion parlementaire de la loi relative à la fin de vie comme si rien ne s’était passé. L’assistance médicalisée en fin de vie, au cœur d’une législation qui vise à reconnaître de « nouveaux droits » à la personne malade au terme de son existence, n’est certainement pas le recours adapté aux personnes qui, comme M. Vincent Lambert, n’ont pas anticipé une situation et une décision en soi inconcevable. Se refuser ainsi de circonscrire la situation de M. Vincent Lambert aux controverses que l’on a connu à propos de son droit ou non à la vie, et plus encore aux conditions de sa mort, me semble constituer l’étape attendue. Elle nous permet de poser autrement les enjeux démocratiques de la place parmi nous de personnes affectées par un handicap si profond que l’on s’interroge parfois sur la réalité même (voire la justification…) de leur existence.
Désormais il nous faudra décrypter sans concessions ce qui s’est passé au CHU de Reims pour aboutir à cette situation chaotique. Il ne s’agit pas de mettre en cause des personnes dignes de notre respect, mais de comprendre un cumul de dysfonctionnements dont on peut craindre qu’ils interviennent également dans d’autres espaces du soin : ils ne suscitent pas, pour ce qui les concerne, la réactivité d’une famille que je refuse de caricaturer dans les positions, elles aussi respectables, qu’elle défend. De même je réprouve la mise en cause a priori de toute position qui serait réfractaire aux courants de pensées dominants qui s’érigent en censeurs et s’estiment détenteurs d’une vérité, voire d’une compétence, qui légitimerait leurs positions plus idéologiques qu’on ne le pense. En démocratie chacun doit être reconnu dans un point de vue argumenté, soucieux du bien commun. Je rends hommage à la qualité de l’arbitrage du Conseil d’État qui a permis, dans le cadre d’une instruction remarquable, de comprendre la complexité de circonstances humaines si délicates et complexes qu’elles imposent des approches attentionnés, rigoureuses et d’une extrême prudence. Je souhaite adresser, comme je l’ai déjà fait, un message de compassion à la famille de M. Vincent Lambert dont je comprends le cheminement qu’il lui revient d’assumer aujourd’hui afin de ne tenir compte que de ce que serait le bien-être et le choix profond de cette personne trop souvent négligée dans nos débats. Enfin, je tiens à rendre hommage à celles et ceux qui, confrontés au handicap, à la maladie, aux détresses humaines et sociales consécutives aux situations de vulnérabilité et de dépendance demeurent attachés aux valeurs de notre démocratie, y compris lorsqu’elles peuvent leur apparaître défaillantes au regard de leurs véritables urgences. J’estime que nos obligations de démocrates justifient que notre société se mobilise à leurs côté, les soutiennent dans la dignité de leur existence et ne s’en remette pas à des procédures médico-légales voire administratives pour les accompagner jusqu’au terme de leur existence.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2921 0
Alzheimer et maladies neuro-dégénératives : le sens d’une mobilisation http://plusdignelavie.com/?p=2914 http://plusdignelavie.com/?p=2914#comments Fri, 02 Oct 2015 10:58:41 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2914 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Ce que représentent ces maladies du cerveau

Les maladies neurologiques dégénératives (MND) sont en progression de 22 % depuis 2010 : plus de 44 millions de personnes dans le monde en sont atteintes, et elles devraient être 115 millions vers 2050. La France a su développer . . . → Read More: Alzheimer et maladies neuro-dégénératives : le sens d’une mobilisation]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Ce que représentent ces maladies du cerveau

Les maladies neurologiques dégénératives (MND) sont en progression de 22 % depuis 2010 : plus de 44 millions de personnes dans le monde en sont atteintes, et elles devraient être 115 millions vers 2050. La France a su développer à cet égard des approches innovantes, soucieuses de la dignité de la personne et de ses proches. Encore est-il nécessaire d’aller plus avant et de mieux comprendre les enjeux humains et sociaux de ces maladies. Elles en appellent à une évolution de nos mentalités, de nos attitudes, de nos modes de penser le vivre ensemble. À l’expression de solidarités pratiques témoignées à ceux qui s’éprouvent d’autant plus relégués dans le vécu de ces maladies ayant, entre autres effets, d’altérer plus ou moins intensément et de manière parfois irréversible leur autonomie, voire leurs capacités décisionnelles et relationnelles.
Les limites de l’efficacité des traitements actuellement disponibles (dans le meilleur des cas ils contribuent à ralentir l’évolution de la maladie ou à en atténuer les symptômes) font de l’annonce de la maladie une sentence difficilement supportable pour la personne ainsi que ses proches. Le projet de vie semble d’emblée soumis aux aléas de circonstances peu maîtrisables. Le parcours de soin, lui aussi, procède de dispositifs incertains et complexes ramené dans trop de cas au dédale de procédures peu adaptées aux besoins immédiats. Ainsi, l’évolutivité de certaines formes de MND expose aux situations de crises et de ruptures qu’il n’est que difficile d’anticiper et d’accompagner de manière cohérente et continue. Les représentations négatives de ces pathologies contribuent pour beaucoup à la solitude et à l’exclusion, aux discriminations mais également au sentiment de perte de dignité et d’estime de soi. Les MND affectent parfois les capacités cognitives de la personne, par conséquent le rapport à sa propre identité ainsi que les conditions de relation à l‘autre et avec l’environnement social. Le modèle prôné de l’autonomisme, dans un contexte sociétal où l’individualisme et les performances personnelles sont valorisés, rajoute à l’expérience d’une disqualification éprouvée durement comme une seconde peine par ceux qui vivent une vulnérabilité d’autant plus accablante qu’elle accentue leurs dépendances. Les répercussions sur les proches se caractérisent par la sensation d’un envahissement de l’espace privé par une maladie qui contribue parfois à dénaturer les rapports interindividuels, à déstructurer l’équilibre familial, à précariser ne serait-ce que du fait de réponses encore insuffisantes en termes de suivi au domicile ou d’accueil en structures de répit ou en institution. C’est dire l’ampleur des défis qu’il convient de mieux comprendre afin de les intégrer à nos choix politiques.

Une forme singulière de chronicité

Ces maladies qui affectent le cerveau se caractérisent par une forme singulière de chronicité qui doit être prise en compte dans les dispositifs de notre système de santé. Comment penser un parcours de soins tenant compte des besoins des personnes malades et de leurs proches, suffisamment adapté et réactif pour répondre à des situations évolutives et parfois urgentes ? Comment, dans ce contexte, faciliter la vie à domicile des personnes dans un contexte humain et social bienveillant ? Qu’en est-il de la poursuite d’une activité professionnelle, d’un projet de vie lorsque les premiers signes de la maladie se manifestent chez des personnes jeunes ? Par quels dispositifs maintenir la continuité de soutiens professionnels indispensables, en phase évoluée, de la maladie sans que le coût financier imparti aux familles accentue l’injustice ou incite à renoncer aux soins ? De quelle manière implémenter le recours aux nouvelles technologies susceptibles de compenser une progressive perte d’autonomie et de maintenir la personne dans un cadre de vie adapté à ses choix ainsi qu’à ses possibilités ?
Plus encore que les autres maladies chroniques, les maladies neurologiques dégénératives doivent mobiliser la capacité d’une société à créer des solidarités appelant ainsi à une approche moins strictement médicale et curative du soin que préventive, accompagnatrice et en mesure de préserver les liens sociaux dans un contexte où la maladie peut affecter les facultés relationnelles de la personne. La fragilisation des repères identitaires et temporels gère chez la personne malade une forme singulière d’inquiétude et/ou de honte sociale au regard de la perspective d’un déclin toujours possible des capacités. Ces maladies sollicitent l’implication et la responsabilité des proches d’une façon particulièrement intense dès les premiers symptômes et l’annonce du diagnostic. Le sentiment d’abandon qu’ils éprouvent trop souvent encore conduit parfois à des situations dramatiques de précarisation, voire des cas tragiques de rupture, voire de maltraitance.
Parce qu’elles mettent en jeu, au-delà d’un savoir médical et technique, la capacité d’une société à maintenir et à adapter les solidarités concrètes entre citoyens, ces maladies représentent donc un enjeu significatif en termes de santé publique et de vie démocratique. Il apparaît dès lors urgent de faire émerger la cohérence d’une mobilisation adaptée. Elle ne saurait également négliger la cause des pays émergents eux-mêmes confrontés à la montée en puissance de ces maladies .
Au-delà de l’urgence d’attribuer à la recherche biomédicale ainsi qu’aux dispositifs sanitaires et sociaux les moyens nécessaires à des avancées et à des adaptations nécessaires, il convient, en partenariat avec les associations et les différents acteurs concernés, de s’investir dans une dynamique de sensibilisation effective de la société. Il nous faut être ensemble, inventifs d’une approche politique digne et courageuse, là où nos mentalités, nos représentations et nos quelques certitudes sont profondément interrogées.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2914 0
« Dès qu’on se sait atteint par cette maladie, on se sait condamné… » http://plusdignelavie.com/?p=2862 http://plusdignelavie.com/?p=2862#comments Tue, 28 Oct 2014 14:04:43 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2862 Mireille Depadt Philosophe

Si l’on m’avait demandé, il y a quelques années, comment je souhaiterais que ma vie se termine, j’aurais certainement répondu : sans que je m’en aperçoive, sans que j’aie le temps de souffrir, en pensant autant à la souffrance morale de la dépendance qu’à la souffrance physique et l’idée d’une fin . . . → Read More: « Dès qu’on se sait atteint par cette maladie, on se sait condamné… »]]> Mireille Depadt
Philosophe

Si l’on m’avait demandé, il y a quelques années, comment je souhaiterais que ma vie se termine, j’aurais certainement répondu : sans que je m’en aperçoive, sans que j’aie le temps de souffrir, en pensant autant à la souffrance morale de la dépendance qu’à la souffrance physique et l’idée d’une fin de vie relativement programmée par une maladie dégénérative me serait sans doute apparue commet une des pires éventualités, puisqu’à la déchéance et aux souffrances physiques devait s’ajouter l’angoisse d’une attente désespérée.
Et puis, cette maladie est arrivée. Peu après que j’aie eu 70 ans, on a diagnostiqué ce qu’on m’a dit être une « maladie des motoneurones », qui était en fait la SLA.

Elle a arrêté tout net ce qu’était notre vie, une vie de parents et de grands parents comblés, de retraités bien occupés, bien insérés dans le tissu associatif et culturel de la ville où nous vivions. Tout cela, brutalement, s’est effondré. Il ne restait plus que la perspective d’une évolution inexorable.
Une maladie grave, à cet âge, ce n’est pas un scandale. Il était normal que je me prépare à la fin. Mais la SLA, ce n’est pas « seulement » si l’on peut dire, une maladie grave qui peut amener à une issue fatale. C’est une maladie neurologique dégénérative, une maladie réputée « terrible », qui suscite l’effroi parce qu’elle s’annonce avec un pronostic « sombre » : mortelle à moyen terme et qu’elle condamne le malade et ses proches à vivre la déchéance physique dans l’absence de tout espoir. D’emblée, on sait qu’on ne guérira pas, que rien ne pourra réparer ce qui s’est détérioré et que les efforts pour lutter contre sa progression, non seulement ne serviront pas à grand chose, mais peuvent même produire l’effet inverse. Dès qu’on se sait atteint par cette maladie, on se sait condamné. Et, autour du malade, tous le savent.

Je n’ai jamais oublié le jour où mon mari a vu entrer dans son bureau, à l’hôpital, un collègue qui était aussi un ami, lui dire qu’il était « foutu » ; il venait d’apprendre qu’on lui avait diagnostiqué une SLA !
Si l’on m’avait dit, au moment des premiers signes, ce que serait ma vie quelques mois plus tard, j’aurais pensé, comme cet ami, que pour moi, « c’était foutu » ! Que je n’avais plus qu’à attendre la fin dans l’affaiblissement et la disparition progressive des fonctions de la vie.

C’est peut-être la raison pour laquelle je n’aime pas qu’on me rappelle ma maladie. Quand le nom de la SLA ou de la maladie de Charcot est avancé, c’est cette image sinistre qui vient avec elle. Or, dans cette image, je ne me reconnais pas, je ne me sens pas « malade » en ce sens.
Il ne s’agit pas de déni. Je sais bien que je suis atteinte de cette maladie terrible et que les aides qui me sont apportées sont les conditions de ma survie. Mais ma vie ne ressemble pas à ce que laisse penser la description de la maladie ; elle ne ressemble pas à ma propre anticipation de ce que je me voyais condamnée à subir.
Si j’avais imaginé au début, la vie qui est la mienne aujourd’hui, j’y aurais surtout vu le désespoir d’un bonheur perdu. J’aurais vu l’ombre sinistre de la maladie « mortelle à moyen terme » s’étendre tout autour de moi, et rendre douloureuses les relations avec ceux que j’aime, et puis j’y aurais vu toutes les incapacités, tous les handicaps qui me sont advenus comme une telle succession de pertes et de défaites. J’aurais eu du mal à y reconnaître une vie qui vaille la peine d’être vécue.

Les événements prévisibles sont en partie arrivés. Aujourd’hui, je ne peux plus parler et je suis hydratée et alimentée par une sonde gastrique. S’ajoutent à cela, une altération progressive des mouvements, des difficultés respiratoires et des étouffements qui me laissent parfois pantelante, comme vidée de toute force.
Les événements étaient prévisibles, mais pas la vie qui serait la mienne sous l’effet de ces événements, et qui n’est pas ma vie d’avant plus le poids de tous ces handicaps ou moins les capacités que j’ai perdues. Mais une vie différente.

Une amie très proche, qui est aussi atteinte d’une maladie neurologique, m’a posé il y a quelque temps cette question apparemment absurde : « si, par un coup de baguette magique, ou disons par une découverte extraordinaire de la médecine, tu pouvais effacer ta maladie, redevenir celle que tu étais avant elle, est-ce que tu le souhaiterais ? » et elle ajoutait : « réfléchis bien avant de me répondre. »
Qui, atteint, d’une SLA, ne souhaiterait pas retrouver la santé perdue ? Souvent je rêve que je parle, que je mange et que je bois normalement. Bien sûr que je « rêverais » comme on dit, de retrouver toutes les capacités que la maladie m’a ôtées.
Mais je sentais bien que cette réponse simpliste ne suffisait pas. Mon amie m’avait prévenue : « réfléchis bien » !
Et en y réfléchissant bien, je me suis rendue compte que la réponse n’était pas si évidente, et même qu’il n’y avait pas de réponse à cette question, que c’était une fausse question. Bien sûr que je souhaiterais être libérée de la maladie, qui ne souhaiterait pas être en bonne santé plutôt que malade ? Mais la maladie n’est pas un fardeau que je traînerais derrière moi et dont je pourrais être délivrée, pas plus qu’elle n’est un ennemi intérieur qui se serait insinué en moi et qu’il suffirait d’expulser pour que je me retrouve inchangée, telle que j’étais avant elle.

En fait, cette maladie n’est pas distincte de moi. Plus exactement, elle n’existe pas. Ce qui existe, c’est ce que je suis aujourd’hui, avec les handicaps et les faiblesses qui ne me sont pas seulement arrivés, mais qui m’ont changée. Je ne dis pas que j’aime ce que je suis devenue, mais seulement que c’est ma vie, ou plus exactement que c’est la vie pour moi, telle qu’elle est aujourd’hui et que l’idée que la maladie serait seulement un poids qui nous ralentit, un empêchement à être nous-mêmes, n’est pas une idée juste.

Il arrive qu’une amie qui m’a fait part de ses malheurs ou de ses souffrances, se reprenne en me disant : « je ne devrais pas me plaindre devant toi. Tout cela n’est rien auprès de ce que tu vis ! ». Ces mots me touchent par le souci d’attention dont ils témoignent, mais ils m’assignent le statut d’une exception tragique dans laquelle je ne me reconnais pas. Cette maladie ne nous met pas hors la vie.

Quand le diagnostic a été avéré, mon seul désir a été de me rapprocher de nos filles, de nos petit- enfants. Je savais que les déplacements deviendraient de plus en plus difficiles et je ne voulais pas être privée du bonheur de les voir aussi souvent que possible. Je savais qu’elles m’accompagneraient, que nous pouvions, mon mari et moi, compter sur leur aide. J’ai essayé au début de leur cacher la nature exacte de la maladie. L’idée de vivre ensemble le désespoir d’une évolution inexorable m’était insupportable. Mais elles ont très vite appris ce qu’il en était et nous sommes passées de la tristesse et de l’isolement, où chacune essayait de cacher aux autres ses angoisses, à la joie d’être ensemble dans une lucidité partagée. Aujourd’hui les choses sont claires entre nous, plus claires qu’elles ne l’ont jamais été. Nous vivons dans l’ouverture du présent, quel qu’il soit et, dans cette ouverture, plus proches que nous l’avons jamais été les unes des autres.
Personne ne peut souhaiter une telle maladie. Mais elle m’a donné à vivre des moments de grâce, des moments où plus rien ne me sépare de ceux que j’aime, où les nuages de la peur ont disparu, où l’air est clair et léger et où le temps même ne pèse plus.

Il m’arrive de penser que cette maladie – je parle de celle que je connais, la mienne -, dispose d’elle-même les conditions de la vie intérieure, de la spiritualité.
La violence de la secousse a fait tomber tout ce à quoi nous étions attachés, tout ce qui nous occupait. Elle a fait le vide. Mais dans ce vide, on voit bientôt apparaître une question qu’on ne s’était jamais posée, ou jamais avec cette nécessité et cette urgence : la question de ce qui fait la vie digne d’être vécue.

Hannah Arendt, au 20eme siècle, a repris la réponse de Socrate : « une vie sans examen ne mérite pas d’être vécue ». J’ai souvent réfléchi à cette réponse et j’ai toujours pensé qu’elle me convenait. La maladie ne m’a pas fait changer d’avis, et pourtant tout a changé pour moi. Je croyais que la pensée, l’effort pour se comprendre soi-même ou ce qu’on vit était l’essentiel, ce qui fait que la vie mérite d’être vécue. Mais quand j’ai appris que j’étais atteinte de la SLA, je n’ai eu ni le désir ni la force d’essayer de comprendre ce qui m’arrivait. J’étais « sonnée », comme on dit des boxeurs qu’un coup trop dur a mis à terre. Et puis, j’ai entendu des mots qui m’ont touchée. Ils disaient cette chose toute simple, cent fois entendue : il faut vivre au présent. Mais ils m’étaient dits par le médecin que je voyais pour la première fois à la Salpêtrière et là, dans la clarté du diagnostic et la confiance d’une relation empreinte de bienveillance et d’humanité, je les ai vraiment entendus.
Ce n’était pas une révélation, mais ils m’ouvraient une nouvelle voie où la vérité devenait ce dont je faisais l’épreuve dans le moment où je le vivais et où l’attention à ce qui m’était donné devenait la seule règle. J’ai fait connaissance avec le mot, aujourd’hui rebattu et malmené, mais pour moi nouveau, de méditation et avec ce pas de côté, la vie a repris, autrement.
Je sais bien que les difficultés ne peuvent que s’aggraver, que l’évolution est inexorable, mais je sais aussi que la maladie, c’est encore la vie, et que la vie est par définition capacité de produire du nouveau, de l’imprévisible. A tout moment et dans toutes les circonstances.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2862 0
DOSSIER. Euthanasie : le « modèle » belge à la dérive http://plusdignelavie.com/?p=2783 http://plusdignelavie.com/?p=2783#comments Thu, 12 Jun 2014 06:22:56 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2783 Claire-Marie Le Huu-Etchecopar

Infirmière, Bruxelles

Comme nombre de professionnels de santé en Belgique, Claire-Marie Le Huu-Etchecopar dénonce, sur la base d’une observation de terrain, les dérives dans l’application de la loi relative à l’euthanasie du 28 mai 2002. Son témoignage est important, il contribue à la réflexion.

Naturellement, « Plus digne la vie » se fera un . . . → Read More: DOSSIER. Euthanasie : le « modèle » belge à la dérive]]> Claire-Marie Le Huu-Etchecopar

Infirmière, Bruxelles

Comme nombre de professionnels de santé en Belgique, Claire-Marie Le Huu-Etchecopar dénonce, sur la base d’une observation de terrain, les dérives dans l’application de la loi relative à l’euthanasie du 28 mai 2002. Son témoignage est important, il contribue à la réflexion.

Naturellement, « Plus digne la vie » se fera un devoir de publier, comme il l’a fait par le passé, tout autre document présentant selon des points de vue différents les pratiques dans les pays qui ont dépénalisé l’euthanasie.

Lors de sa conférence de presse le 14 janvier 2014 François Hollande a énuméré les termes de la loi belge sur l’euthanasie sans jamais évoqué le mot. En Belgique, on se targue d’une loi sans dérives, contrôlée de manière absolue par une Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. À ce jour, selon cette Commission, absolument toutes les euthanasies recensées ont été effectuées selon les conditions et la procédure prévues par la loi du 28 mai 2002.

Infirmière à Bruxelles, j’ai d’abord travaillé dans un service d’oncologie puis dans une unité de soins de support. De la sorte, j’ai rapidement été confrontée aux demandes et à la pratique d’euthanasies. Depuis six ans, j’ai observé combien cette loi ébranle considérablement les liens de solidarité que nous avons envers les malades. Plus que la mise en lumière de procédures bancales, nous assistons aujourd’hui à un changement radical des mentalités concernant la mort et l’accompagnement des mourants.

I. Euthanasies légales, éthiquement bancales

Depuis mon arrivée en Belgique en 2008, j’ai été le témoin direct de nombreuses euthanasies. Toutes ont été reconnues légales et inscrites de manière officielle dans les dossiers médicaux des patients. Dès ma prise de fonction et malgré des connaissances au départ limitées, j’ai détecté de graves défaillances d’ordre éthiques et déontologiques. À travers mon expérience personnelle dans des services de soins pratiquant l’euthanasie en Belgique, je souhaite montrer qu’il est possible, dans une chambre d’hôpital comme sur un plateau de télévision, de manipuler les opinions et les consciences, pour métamorphoser l’euthanasie en une idéologie du « mourir dignement ».

  • Monsieur R. n’a jamais demandé l’euthanasie : il a été libéré par « compassion »

C’est la parole d’un oncologue juste après l’euthanasie de Monsieur R. Quelques jours plus tôt, le médecin vient annoncer à l’épouse du malade que son mari est en phase terminale d’un cancer pulmonaire. Le médecin ajoute que le patient « souffrira énormément, bien qu’actuellement il ne présente aucun signe de douleur ni de tristesse ». L’épouse demande au spécialiste de ne dire mot à son mari « pour ne pas qu’il souffre davantage » et sollicite par la même occasion qu’on l’euthanasie pour lui épargner « l’horreur de la fin de vie ». Monsieur R. mourra par euthanasie sans jamais avoir eu connaissance de l’existence de sa maladie et sans avoir décidé ou même évoqué une seule fois le souhait d’avoir recours à l’euthanasie.

Suite à cette euthanasie, je demande des explications à mes supérieurs au cours de la réunion interdisciplinaire. En chœur, le psychologue, le chef d’unité, le chef infirmier et les oncologues, m’expliquent combien cette mort a été « douce, paisible et sans douleur », « une fin de vie digne » en somme. Sur un ton infantilisant, ils me rappellent qu’« en tant que soignant, il faut être compatissant », que « le pronostic vital  de Monsieur R. était compromis à brève échéance » et  qu’« il aurait certainement souffert de manière atroce ». L’aplomb du discours, la logique, en apparence, implacable du raisonnement, réduisent au silence les soignants. –>Lire le texte en entier

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2783 0
DOSSIER. Euthanasie : le « modèle » belge à la dérive http://plusdignelavie.com/?p=2773 http://plusdignelavie.com/?p=2773#comments Mon, 05 May 2014 06:57:59 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2773 Claire-Marie Le Huu-Etchecopar

Infirmière, Bruxelles

Comme nombre de professionnels de santé en Belgique, Claire-Marie Le Huu-Etchecopar dénonce, sur la base d’une observation de terrain, les dérives dans l’application de la loi relative à l’euthanasie du 28 mai 2002. Son témoignage est important, il contribue à la réflexion.

Naturellement, « Plus digne la vie » se fera un . . . → Read More: DOSSIER. Euthanasie : le « modèle » belge à la dérive]]> Claire-Marie Le Huu-Etchecopar

Infirmière, Bruxelles

Comme nombre de professionnels de santé en Belgique, Claire-Marie Le Huu-Etchecopar dénonce, sur la base d’une observation de terrain, les dérives dans l’application de la loi relative à l’euthanasie du 28 mai 2002. Son témoignage est important, il contribue à la réflexion.

Naturellement, « Plus digne la vie » se fera un devoir de publier, comme il l’a fait par le passé, tout autre document présentant selon des points de vue différents les pratiques dans les pays qui ont dépénalisé l’euthanasie.

Lors de sa conférence de presse le 14 janvier 2014 François Hollande a énuméré les termes de la loi belge sur l’euthanasie sans jamais évoqué le mot. En Belgique, on se targue d’une loi sans dérives, contrôlée de manière absolue par une Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. À ce jour, selon cette Commission, absolument toutes les euthanasies recensées ont été effectuées selon les conditions et la procédure prévues par la loi du 28 mai 2002.

Infirmière à Bruxelles, j’ai d’abord travaillé dans un service d’oncologie puis dans une unité de soins de support. De la sorte, j’ai rapidement été confrontée aux demandes et à la pratique d’euthanasies. Depuis six ans, j’ai observé combien cette loi ébranle considérablement les liens de solidarité que nous avons envers les malades. Plus que la mise en lumière de procédures bancales, nous assistons aujourd’hui à un changement radical des mentalités concernant la mort et l’accompagnement des mourants.

 

I. Euthanasies légales, éthiquement bancales

Depuis mon arrivée en Belgique en 2008, j’ai été le témoin direct de nombreuses euthanasies. Toutes ont été reconnues légales et inscrites de manière officielle dans les dossiers médicaux des patients. Dès ma prise de fonction et malgré des connaissances au départ limitées, j’ai détecté de graves défaillances d’ordre éthiques et déontologiques. À travers mon expérience personnelle dans des services de soins pratiquant l’euthanasie en Belgique, je souhaite montrer qu’il est possible, dans une chambre d’hôpital comme sur un plateau de télévision, de manipuler les opinions et les consciences, pour métamorphoser l’euthanasie en une idéologie du « mourir dignement ».

  • Monsieur R. n’a jamais demandé l’euthanasie : il a été libéré par « compassion »

C’est la parole d’un oncologue juste après l’euthanasie de Monsieur R. Quelques jours plus tôt, le médecin vient annoncer à l’épouse du malade que son mari est en phase terminale d’un cancer pulmonaire. Le médecin ajoute que le patient « souffrira énormément, bien qu’actuellement il ne présente aucun signe de douleur ni de tristesse ». L’épouse demande au spécialiste de ne dire mot à son mari « pour ne pas qu’il souffre davantage » et sollicite par la même occasion qu’on l’euthanasie pour lui épargner « l’horreur de la fin de vie ». Monsieur R. mourra par euthanasie sans jamais avoir eu connaissance de l’existence de sa maladie et sans avoir décidé ou même évoqué une seule fois le souhait d’avoir recours à l’euthanasie.

Suite à cette euthanasie, je demande des explications à mes supérieurs au cours de la réunion interdisciplinaire. En chœur, le psychologue, le chef d’unité, le chef infirmier et les oncologues, m’expliquent combien cette mort a été « douce, paisible et sans douleur », « une fin de vie digne » en somme. Sur un ton infantilisant, ils me rappellent qu’« en tant que soignant, il faut être compatissant », que « le pronostic vital  de Monsieur R. était compromis à brève échéance » et  qu’« il aurait certainement souffert de manière atroce ». L’aplomb du discours, la logique, en apparence, implacable du raisonnement, réduisent au silence les soignants.

  • Monsieur L. a « bénéficié » d’une euthanasie dans l’urgence, pour pallier des douleurs aiguës non suffisamment soulagées

Monsieur L. souffre d’un ostéosarcome du fémur droit. Hospitalisé, il a évoqué l’euthanasie au cas où son état se dégraderait. Un jour, alors qu’il est pris d’une crise de douleur foudroyante, sa femme, désespérée, appelle au secours le personnel médical : selon elle, il faut impérativement répondre à la demande d’euthanasie de son mari. Les infirmiers, paniqués, appellent d’urgence l’oncologue. Ils proposent d’augmenter les doses de morphine et de mettre en place un protocole de sédation provisoire, afin d’apaiser les symptômes et l’état de détresse. Mais l’oncologue refuse. Au milieu de l’angoisse et de l’agitation, le médecin ordonne aux soignants une préparation létale qu’il administre aussitôt à monsieur L. Un an après, l’épouse revenait dans le service et accusait les soignants d’avoir « assassiné son mari ».

L’oncologue est réticent à employer des traitements morphiniques. Aujourd’hui encore, malgré l’usage fréquent et bien maîtrisé de la morphine, certains médecins en ont encore peur. De nombreux patients subissant des souffrances terribles ne sont pas suffisamment soulagés. Dans ce contexte, nous pouvons aisément imaginer combien le désespoir peut être à l’origine d’une demande d’euthanasie. D’autre part, le contexte d’urgence dans lequel a été pratiqué cette euthanasie a conduit à une mort brutale, inhumaine et profondément choquante, aussi bien pour l’épouse que pour les soignants. Pourtant, rappelons-le, le patient entre dans les critères de la loi : demande réitérée/souffrance insupportable/maladie incurable, etc.

  • Madame G., « délivrée » d’une agonie trop longue

Une sédation palliative a été administrée  à Madame G. : elle est dans le coma depuis cinq jours. Sa famille, angoissée, guette le moindre signe de fin de vie. L’équipe soignante, continuellement sollicitée, est éprouvée par l’agitation incessante. C’est alors que le médecin, manifestement lassé par l’agonie, décide d’« abréger les jours » de Madame G., pour la « délivrer de la déchéance ». Personne ne dénonce ce geste, qui, dans l’imaginaire de la famille et des soignants, témoigne de l’altruisme et de l’humanité du médecin. Un geste pourtant brutal qui règle de manière radicale le « problème de l’agonie ».

 

En Belgique, les mentalités ont changé

Après onze ans de pratique légale d’euthanasie en Belgique, les mentalités autour de l’image de la mort changent profondément. De plus en plus, contrairement à l’euthanasie, la sédation palliative en fin de vie est considérée comme une mort sans aucun sens, dénuée d’humanité et décourageante. Certains médecins la considèrent même comme hypocrite si on l’assimile à une mort naturelle : « Assimiler sédation et mort naturelle est en fait une construction qui permet d’évacuer un sentiment de culpabilité et de considérer l’acte comme moralement bon, supérieur aux autres interventions médicales possibles. »[1]

Il est certes difficile pour les proches d’accompagner une personne en fin de vie. Cependant, j’ai remarqué au fil de mes différentes expériences (en unité de soins palliatifs en France puis en oncologie et unité de soins de supports en Belgique), combien les idées et les choix d’une famille sont influencés par l’image que l’équipe soignante leur renvoie du patient, d’eux-mêmes et de leur situation. La difficulté pour une famille de vivre l’agonie de proche, est en grande partie liée à la perception que l’environnement (soignants, institution, société) a de l’agonie.

Lorsqu’une équipe soignante est au clair sur un projet commun d’accompagnement des personnes en vie, mais également sur sa représentation de la mort et sur l’intention qu’elle met derrière la sédation palliative (elle n’est pas « faire mourir la personne » mais « soulager les souffrances »), l’accompagnement de la famille est beaucoup plus serein. Au contraire, lorsqu’il existe la possibilité d’euthanasie, peut s’ancrer dans les esprits l’idée d’une mort plus « rapide, indolore, propre, nette ». Le temps de l’agonie ne possède alors plus de valeur, plus d’existence, c’est un morceau de vie qui est considérée comme superflu. Cette confusion tient au fait que la loi belge, contrairement à la loi Léonetti,  n’encadre pas la pratique de la sédation, ne la définit pas et ne l’intègre pas dans la pratique des soins.

 

II. Omerta et marginalisation des soignants

C’est à partir de ces situations vécues que je me suis rendue compte que les soignants étaient délibérément maintenus dans l’ignorance ou contraints au silence.

 

La méconnaissance de la loi sur l’euthanasie et la fin de vie

Dans un des services où j’ai travaillé, certains patients sont accueillis le matin dans une chambre et en sortent deux heures après en direction de la morgue, après l’euthanasie programmée par l’oncologue. Les infirmiers ne sont pas mis au courant. On peut aisément se figurer le choc émotionnel que ce manque délibéré d’information et de communication, peut provoquer. Même s’ils sont ébranlés, les soignants ne se révoltent pas car ils connaissent peu ou mal la loi. Aucune formation ne leur est proposée.

 

La peur des représailles

Dans ce même service, la direction (médecins, directrice des soins, cadres de santé) place les soignants dans la peur des représailles. Beaucoup d’entre eux expriment régulièrement la peur de perdre leur emploi s’ils venaient à remettre en question le système. Cette peur est fondée : certains soignants désireux de quitter le service ont été menacés d’exclusion de l’ensemble du réseau dont la structure hospitalière fait partie, la direction pouvant exercer des pressions pour qu’ils ne retrouvent pas de travail.

 

La parole des infirmiers tue

Lors des réunions d’équipe pluridisciplinaire, créées à l’origine pour échanger nos points de vue sur la prise en charge des patients, la parole des infirmiers est complètement tue. Personne n’ose parler des euthanasies vécues difficilement ou des questionnements par rapport à certaines décisions médicales. Lorsqu’un infirmier remet en question une euthanasie, la conversation portant sur le fond et les faits est détournée. Les médecins et cadres de santé y répondent systématiquement par la même antienne : « l’acte était choisi, humain ».

 

Aucune voie de recours

N’ayant pas été entendue par mes responsables directs, je me suis rendue auprès de la direction pour dénoncer ces actes illégaux. La directrice des soins ne m’a pas écoutée. Elle m’a enjoint de me taire. Aussi, les recours en justice paraissent impossibles, il faut pour cela des preuves, des témoignages de familles qui souhaitent s’engager et dénoncer, et le courage des soignants d’affronter tout un système de santé qui protège les médecins.

Depuis onze ans, la Commission de contrôle et d’évaluation des euthanasies n’a jamais, pas une seule fois, transmis de dossier à la justice[2], ni retenue de pratique inquiétante parmi les dossiers pour lesquels il a été demandé des précisions. Cela montrait-il que la loi n’est pas si restrictive et que les conditions réunies peuvent être facilement manipulées ?

S’ajoutent à ce contexte, des demandes de plus en plus importantes d’euthanasie pour cause d’une souffrance morale insupportable lorsque la personne est lasse de vivre dans son état de vie, même lorsqu’elle ne souffre pas de maladie incurable ou de souffrance physique.

 

III. La souffrance morale : le nouvel éden de la « bonne mort »

 

À travers des exemples de mise en scène médiatique de morts jugées « exemplaires » ; puis à travers une euthanasie vécue récemment, je voudrai montrer comment l’euthanasie s’érige comme une idéologie. Onze ans après la dépénalisation de l’euthanasie, de plus en plus de demandes ont trait à la souffrance morale. Au niveau éthique, ces demandes posent de nombreuses questions, elles font souvent l’objet de discussions et de désaccords entre soignants, tant elles sont à la frontière du légal.

Les médias, eux, n’émettent aucune contradiction ou sollicitation à la prudence. Les euthanasies qu’ils exposent peuvent ainsi apparaître comme une étape logique d’extension naturelle de la loi.

 

1. Cas médiatiques qui façonnent le dogme de la « bonne mort »

 

Anticipation d’une souffrance future

Il s’agit de personnes qui ne souffrent pas dans le présent mais qui anticipent de probables souffrances liées, par exemple, à la perte d’autonomie.

« Marc et Eddy Verbessem, des jumeaux monozygotes (vrais jumeaux) nés sourds. Tous deux cordonniers dans la région anversoise, les frères – inséparables –  ont toujours vécu sous le même toit. C’est l’annonce d’un diagnostic d’une maladie oculaire dégénérative, un glaucome avec perte progressive de la vision pouvant mener à la cécité, qui fut l’élément déclencheur de l’issue fatale, révélée ce week-end dans la presse néerlandophone. Car si pour ces deux hommes de 45 ans, nés avec ce handicap, le fait d’être privés de l’ouïe n’était pas un réel problème, l’idée de ne plus pouvoir se voir et de perdre toute autonomie leur est apparue littéralement insupportable. Une longue réflexion les a amenés à prendre peut-être la plus lourde des décisions : demander l’euthanasie. Voici un an, donc, que les deux frères ont entamé les démarches nécessaires. Le 14 décembre dernier, réunissant apparemment toutes les conditions légales requises, ils se sont rendus à l’UZ Brussel de Jette. »[3]

 

Nous pressentons le danger éthique sous-entendu : peut-on euthanasier des personnes qui ne relèvent pas des critères de la loi, au nom d’une souffrance potentielle future ? Dans cette situation particulière, la demande d’euthanasie est justifiée en fonction de critères légaux et non éthiques. Une journaliste a demandé à Jacqueline Herremans, présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), et membre de la Commission de Contrôle des euthanasies, si « La demande d’euthanasie répondait aux conditions légales »[4], soulevant-là qu’il s’agissait exclusivement d’une « souffrance psychique ». La présidente a répondu : « En effet, ils ne souffraient pas de réelles douleurs physiques. Cela dit, si l’on s’en réfère aux trois conditions essentielles de la loi, ils répondent aux critères. Cela faisait un an qu’ils étaient en demande. Pour ce type de cas, pour lequel le décès n’est pas prévisible à brève échéance, il faut à tout le moins deux médecins consultants, le second s’attachant plus particulièrement à la qualité de la demande. Il faut voir s’il s’agit bien d’une demande volontaire, réitérée et réfléchie et si l’on a aussi bien examiné toutes les pistes possibles avant d’en arriver à cette décision. La deuxième condition est la souffrance, qui peut être d’ordre physique ou psychique, ce qui était en l’occurrence le cas. La troisième condition est que la souffrance est causée par une affection grave et incurable, ce qui est le cas aussi. Actuellement du moins, même si à l’avenir, on peut espérer trouver des solutions. »[5]

Les conditions de la loi sont donc réunies. En revanche, remettre en question le regard de la société face à la détresse de ces malades, ou bien soulever le manque de créativité dans les relations humaines, ou enfin, envisager d’accompagner les jumeaux à s’adapter à leur handicap, de tout ceci il n’en est pas question.

 

La vieillesse comme souffrance

Christian de Duve, Prix Nobel de médecine en 1974, est décédé par euthanasie le 4 mai 2013 à l’âge de 95 ans. En lui rendant hommage la présidente de l’ADMD ne parvient pas à démontrer que le professeur entrait dans les critères de la loi : « Doit-on encore se justifier lorsque l’on choisit l’euthanasie ? »[6] Pour quelle raison choisir la mort à 95 ans, dans un état physique et mental encore bon ? Le professeur se rendait tous les jours à la piscine et participait régulièrement à des émissions de télévision. Le premier signe de faiblesse (une chute) lui a fait comprendre la vulnérabilité naturelle due à la vieillesse.

Peu importe que Christian de Duve ne souffrait d’aucune maladie incurable, la vieillesse peut être considérée comme une souffrance. Le Premier ministre Elio di Rupo a lui-même salué « l’engagement de citoyen dont a fait preuve Christian de Duve tout au long de son existence »[7]. Cet hommage rendu nous révèle une idée centrale : l’euthanasie est un « geste citoyen », un modèle de société. L’exemple de sagesse du Prix Nobel a eu les honneurs de la presse : tous ont applaudi sa lucidité et sa force. Une journaliste du quotidien Le Soir nous raconte sa dernière entrevue avec le vieil homme : « Je suis beaucoup plus proche de la mort que ça, je dois organiser ma disparition », m’a-t-il dit. Il avait eu un malaise et il est resté par terre, sans pouvoir se relever. Il a reconnu que ça a été le signal. C’est un homme extrêmement digne, heureux et satisfait de sa vie […] mais de fait, affaibli. »[8]

Son euthanasie apparaît comme un choix évident, même, un acte de générosité, d’avoir décidé de mourir avant de coûter à la société. La valeur de la vie dépendrait donc de sa capacité à produire de bon et d’utile dans une société (mobilité, vitalité, prouesse), jusque dans la maîtrise de sa mort. Peut-on demander l’euthanasie en prévision d’un état de déclin dû à l’âge ? Quelle image relayée à travers les médias cela donne-t-il  à la personne âgée ?

 

La solitude

Les soignants commencent à être préoccupés par le nombre croissant d’euthanasies de personnes profondément seules. Il s’agit du cas médiatique de Nathan, la personne transsexuelle dont on pressent le désespoir de ne pas être entouré. Rejeté et maltraité par sa famille, sa mère aura ces mots avant de lire la lettre de Nathan écrite avant sa mort : « Sa mort ne me fait rien. Je ne ressens aucune douleur, aucun doute, aucun remords. »[9]

« Nathan est né Nancy dans une famille qui comptait trois garçons, et avait été rejeté par ses parents, qui souhaitaient un nouveau garçon, selon le quotidien, qui l’a interrogé la veille de sa mort. Rêvant depuis son adolescence de devenir un homme, il avait successivement, entre 2009 et juin 2012, subi un traitement et deux opérations : une cure d’hormones, une ablation des seins, et un changement de sexe. Des opérations dont il n’était pas satisfait : sa poitrine restait trop forte et le pénis qu’on lui avait placé était « raté ». « J’avais préparé des dragées pour fêter ma nouvelle naissance, mais la première fois que je me suis vu dans le miroir, j’ai eu une aversion pour mon nouveau corps, avait raconté Nathan. J’ai eu des moments heureux, mais au final la balance penchait du mauvais côté », avait-il résumé, estimant être « resté quarante-quatre ans de trop sur cette terre ». »[10]

 

La maladie mentale, une dépression, ont-elles été diagnostiqué ? A-t-il déjà été suivi par un psychiatre, un psychologue ? Officiellement, il ne s’agit pas de dépression, ce critère n’entrant pas dans le cadre de la loi. Pour accepter la demande d’euthanasie, il a donc été conclu que Nathan est dans une détresse morale insupportable à cause d’un corps qu’il n’a jamais accepté.

 

Un modèle de « belle mort » : le couple

« Un couple âgé du Brabant flamand a demandé et obtenu une double euthanasie. C’est une première en Belgique. L’homme, âgé de 83 ans, souffrait d’un cancer en phase terminale. Son épouse, âgée de 78 ans, qui présentait des maladies liées à la vieillesse, incurables et douloureuses, n’imaginait pas la vie sans son mari. Le couple n’avait pas d’enfant et était relativement isolé. Ils sont morts à leur domicile mardi[11]. »

 

Le Dr Marc Englert (professeur honoraire ULB, rapporteur à la Commission euthanasie) avance les arguments du Dr Marc Cosyns (généraliste à Gand), en faveur de cette euthanasie :

Objectif : minimiser les risques de souffrance due à un suicide raté (l’euthanasie étant une mort douce…) : « Je considère très important que ces personnes aient montré qu’on peut mourir ainsi et qu’un survivant désespéré ne doit pas nécessairement se procurer une corde ou un revolver mais qu’une solution légale est possible lorsque, comme cette femme, on souffre de maux incurables qui peuvent être démontrés. »[12]

Répondre à la solitude des personnes âgées :  « On sait que le nombre de suicides de gens âgés de plus de 80 ans est particulièrement élevé. Il en est certainement parmi eux qui sont restés seuls et qui souhaitent mourir pour cette raison. Ce n’est pas incompréhensible. Il y a des gens qui ont vécu une union fusionnelle avec leur partenaire, comme l’a si bien exprimé Jacques Brel dans “La chanson des vieux amants”. […] Mais en même temps, nous devons faire savoir à ceux dont les souffrances ne peuvent vraiment pas être soulagées que l’euthanasie est possible … »[13]

Le militantisme du couple leur donne tous les droits : « Bien que le fait soit rare, il ne serait pas unique. Le Dr Cosyns déclare connaître cinq cas récents similaires, dont deux qu’il a pratiqués lui-même. Il considère néanmoins que l’histoire de ce couple est particulière parce que les patients ont fait savoir dans leur nécrologie qu’ils sont morts le même jour et qu’ils remerciaient le médecin qui les avait aidés. Il estime qu’ils ont brisé un tabou et déclare qu’il les admire pour l’avoir fait[14]. »

L’épouse donc, qui « n’imaginait pas la vie sans son mari »[15], a été euthanasiée au motif de maladies liées à la vieillesse comme l’arthrite rhumatoïde. Rappelons que selon la loi belge, il n’est pas nécessaire d’être en phase terminale pour obtenir le droit à l’euthanasie et que le motif de souffrance insupportable est suffisant. Est-ce que la dégradation de la qualité de vie et la baisse de l’autonomie dues à la vieillesse peuvent justifier la pratique de l’euthanasie ? Du fait du nombre d’affections incurables (diabète, arthrose, ostéoporose, surdité, Alzheimer, etc..), les restrictions de la loi sur l’euthanasie sont une fiction.

 

2. Cas pratique à l’hôpital

 

Pour ma part, je peux  exposer le cas concret d’une des dernières euthanasies à laquelle j’ai assisté. Cette histoire fait apparaître à la fois :

- le manque de solidarité de toute une société ;

- la pression exercée sur les soignants ;

- des médecins devenus plus militants que thérapeute.

Il s’agit d’une dame d’une soixantaine d’année dont les facultés cognitives et la capacité à se mouvoir se sont dégradées à cause des effets de la chimiothérapie. Elle est par ailleurs en rémission de son cancer. Elle dit avoir fait une demande anticipée d’euthanasie et renouvelle sa demande au vu de la dégradation de son autonomie et de ses pertes de mémoires importantes.

Face à cette demande d’euthanasie, la difficulté pour les soignants était triple, du fait de :

1. Ses pertes cognitives. Un jour, elle me  demande : « mais dans le fond vous me l’avez faite cette euthanasie ou non ? », comme s’il s’agit d’un traitement quelconque. Elle ne semble pas vraiment se rappeler de quoi il s’agit. Mais pour les médecins, c’est une bonne chose, elle a enfin prononcé le mot « euthanasie » ! C’est la première fois depuis longtemps, qu’elle en parle spontanément. Pour relancer la demande, le défi est de lui faire dire « je veux une euthanasie » sans avoir l’air de lui proposer, car dans la loi, la demande doit être volontaire et réitérée.

2. De la nature floue de sa souffrance (pas de douleurs ou de symptômes réfractaires au traitement). Au niveau physique elle n’a aucune douleur et est en rémission de son cancer. Donc, pas de maladie incurable, pas de décès à brève échéance. La seule solution est de trouver à quel point sa souffrance morale était insupportable. Lorsque les soignants s’assoient à côté d’elle pour discuter, elle retrouve le sourire et réclame que l’on reste davantage auprès d’elle. Pendant des semaines elle ne demande plus l’euthanasie. Cependant, dès qu’elle se sent seule, elle en reparle de manière assez vague.

3. De son entourage à l’influence inquiétante. L’entourage, constitué d’amis et peu de famille en raison de conflits, parait totalement inadapté. Il harcèle sans cesse les soignants en réclamant l’euthanasie de la dame. Les soignants se sentent mal à l’aise car ils comprennent bien que sous la demande de la patiente il y a une autre réalité : celle du sentiment d’abandon à cause du manque de solidarité. Les accompagnants sont sans doute sincères, cherchant pour la malade son bien-être. Mais leur bienveillance est dénuée d’empathie, ce recul nécessaire à une vraie solidarité. La patiente leur demande tout le long de l’hospitalisation une brosse à dents. Au lieu de brosse à dent, ils lui apportent ce qu’ils croient être bons selon eux : du vin, des gâteaux, mais ne satisfont jamais la demande de la dame.

De plus, la majorité des soignants éprouvent de la frustration car de nombreux dispositifs auraient pu être mis en place pour améliorer son confort et son désir d’être davantage entourée. Au départ, elle a accepté des structures adaptées à ses besoins, puis, sous l’influence de son environnement, elle y renonce. Ses proches sont enfermés dans l’émotion de voir leur amie handicapée. Ils ne supportent pas la voir différente. Toute autre solution que l’euthanasie leur parait inimaginable. Sur le petit carnet où ils lui laissent des messages  lorsqu’elle dort, il est question d’euthanasie à chaque page. On peut y lire des mots tels que : « N’oublie pas ton euthanasie, c’est ton droit, il faut que tu demandes aux médecins sinon ils ne te la feront jamais… ».

 

C’est dans ce contexte, que les médecins favorables à la pratique de cette euthanasie, ont dû trouvé des arguments. Afin de contourner chacune de ces difficultés, et répondre légalement à la demande d’euthanasie, des « solutions » ont été trouvées :

1. Pour l’impossibilité d’évaluer correctement sa demande d’euthanasie à cause des pertes cognitives, il a été décidé de favoriser les convictions et demandes antérieures aux pertes de mémoire, (appuyés par la lettre anticipée d’euthanasie), plutôt qu’un changement d’avis qui pourrait être dû à ses pertes de mémoire.

2. D’autre part il fallait déterminer la nature de la souffrance morale. La diminution de son autonomie étant irréversible, c’est celle-ci qui crée une souffrance morale insupportable.

3. Enfin, en ce qui concerne la défaillance de solidarité influençant ses choix, l’argument en faveur de l’euthanasie a été : son entourage fait partie de son bien-être, même si l’influence sur sa personnalité et sur ses décisions sont néfastes, ce n’est pas à nous d’en juger. De même, ce n’est pas aux soignants de pallier le manque de solidarité.

 

 

Conclusion : l’interprétation de la loi sans réelles limites se refuse à toute réflexion éthique

 

La médiatisation de ces « belles morts » semblent induire l’idée que l’euthanasie représente la mort la plus digne, la plus humaine. Elle devient un modèle du bien-mourir selon des critères de beauté et de dignité. En ce sens, il peut s’instaurer chez les malades, une culpabilité à continuer à vivre. L’acte d’euthanasie deviendrait un acte humain exemplaire. La dichotomie mentale qui en résulte entre « bonne » et « mauvaise » mort, dénature les liens de solidarité dans une communauté et rend la mort définitivement taboue.

D’autre part, l’interprétation de la « souffrance morale » est si large qu’il ne semble pas y avoir de limites légales à la pratique de l’euthanasie (baisse de l’autonomie due à la vieillesse, peur d’être seul, peur d’une souffrance future, lassitude de vivre, etc.).

Il en est de même pour le critère de « maladie incurable ». La loi autorise l’euthanasie pour des diagnostics de maladies dont le décès n’est pas prévu à brève échéance : Alzheimer, asthme, diabète, arthroses, arthrites, cécité, etc..

Enfin, la non-nécessité d’être en phase terminale d’une maladie, donne la possibilité d’anticiper une souffrance future, qui n’est donc pas une réalité, mais qui génère une peur toujours plus grande de la mort.

Ces complaisances de la loi ne dissimulent-elles pas une réalité d’abandon des plus fragiles ? Cet état des lieux n’est-il pas symptomatique d’une société en proie à la solitude, à la peur d’être mal accompagné, et à une carence de confiance envers les soignants ?

L’ouverture désormais de l’euthanasie aux mineurs n’est que la résultante d’une banalisation progressive de l’euthanasie dans les mentalités et révèle de plus en plus la fracture entre les militants et les médecins de terrain. Cent-soixante pédiatres ont adressé une lettre ouverte aux députés disant qu’il n’y avait ni urgence, ni utilité à l’extension aux mineurs. Les pédiatres argumentaient, exprimant leur avis en tant que spécialistes de terrain. Ils n’ont pourtant pas été intégrés au débat. Celui-ci a bien eu lieu, mais, semble-t-il, entre militants uniquement.

La question de l’accompagnement de la fin de vie apparaît dès lors, comme relevant d’un choix de société significatif des valeurs qu’elle porte : quelle place donnons-nous aux malades ? Quelle image avons-nous d’eux ? Qu’est-ce qu’accompagner humainement une personne ? Ces questions sont d’autant plus primordiales que les idées et les choix d’une famille sont influencés par l’image que l’équipe soignante leur renvoie du patient, d’eux-mêmes et de leur situation.

Il paraît aujourd’hui urgent pour les soignants, de se réapproprier une vision du bien-commun, ne serait-ce que pour assurer à la personne malade une sollicitude et une dignité jusqu’au terme de leur existence.



[1]Lossignol D., Damas, F., « Sédations continue : considérations pratiques et éthiques »,  Rev. Med Brux.,  2013, p.27.

[2]Rapport aux chambres législatives de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, tous les deux ans depuis 2004.

[3]Dardenne L., La Libre.be, « Euthanasie: unis, à la vie. Et à la mort. », 14 janvier 2013.

[4]Ibid.

[5]Dardenne L., La Libre.be, « La demande d’euthanasie répondait aux conditions légales », 14.01.2013.

[6]Herremans J., « Christian de Duve, merci ! » in Bulletin de l’ADMD, n° 128, juin 2013, p.8.

[7]de Decker C., Colart L., « Décès de Christian de Duve : Une personnalité scientifique exceptionnelle», Le Soir, 6 mai 2013.

[8]Propos recueillis par Delvaux B., « Si on continue comme cela, ce sera l’apocalypse, la fin », Le Soir, 10 avril 2013.

[9]Rebillat C., « Un transsexuel euthanasié après avoir changé de sexe », Paris Match, 02 octobre 2013.

[10]Le Monde.fr, « Après un changement de sexe raté, un Belge obtient le droit à l’euthanasie », Le Monde, 02 octobre 2013.

[11]D’après « La Libre » du 28.03.2011, Englert M., « Mourir ensemble par euthanasie : une première ? », in Bulletin de l’ADMD Belgique, n° 120, juin 2011, p.11.

[12]D’après « De Morgen » du 28.03.2011, Englert M., « Mourir ensemble par euthanasie : une première ? », in Bulletin de l’ADMD Belgique, n° 120, juin 2011, p.11.

[13]Ibid.

[14]Ibid.

[15]Ibid.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2773 0
Maladie grave, maladie évolutive…et maintenant ? http://plusdignelavie.com/?p=2708 http://plusdignelavie.com/?p=2708#comments Mon, 20 Jan 2014 19:40:13 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2708 Brochure écrite en partenariat par les associations :  AIM (Accompagner ici et maintenant), ASP fondatrice, ASP Yvelines, ASP 91, JALMALV Paris Île-de-France, Les petits frères des Pauvres, Rivage, Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), Vivre son Deuil Île-de-France.

« À l’annonce d’une maladie grave, évolutive, suite à un accident entraînant un handicap sévère, ou en fin de vie des questions viennent . . . → Read More: Maladie grave, maladie évolutive…et maintenant ?]]> Brochure écrite en partenariat par les associations : 
AIM (Accompagner ici et maintenant), ASP fondatrice, ASP Yvelines, ASP 91, JALMALV Paris Île-de-France, Les petits frères des Pauvres, Rivage, Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), Vivre son Deuil Île-de-France.

« À l’annonce d’une maladie grave, évolutive, suite à un accident entraînant un handicap sévère, ou en fin de vie des questions viennent à l’esprit : Vais-je souffrir ? Vais-je aller mieux ? Puis-je refuser des traitements ? Comment rédiger mes directives anticipées ? Qui va m’accompagner ?… »

Lire la brochure
Sans titre

Conception graphique  : Céline Debrenne
Avec le soutien de la Fondation des petits frères des Pauvres, de l’ASP fondatrice et de ses donateurs.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2708 0
Prise en charge de la fin de vie : « Position du conseil national de l’ordre des infirmiers » http://plusdignelavie.com/?p=2640 http://plusdignelavie.com/?p=2640#comments Sun, 22 Dec 2013 18:34:10 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2640 Le Président de la République, dans le cadre de son programme présidentiel, avait pris l’engagement suivant(1) :

« Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à . . . → Read More: Prise en charge de la fin de vie : « Position du conseil national de l’ordre des infirmiers »]]> Le Président de la République, dans le cadre de son programme présidentiel, avait pris l’engagement suivant(1) :

« Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant
une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des
conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité
».

En vue de la mise en oeuvre de cet engagement, le Président de la République a confié au Professeur Didier SICARD, ancien Président du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé), une mission d’évaluation de l’application de la loi du 22 avril 2005 (dite loi Leonetti). Dans sa lettre de mission en date du 17 juillet 2012, le Président recommandait au Pr. SICARD d’accorder «une attention toute particulière aux priorités que représentent l’information de la population et la formation des professionnels, en particulier les personnels de santé, y compris dans leur formation initiale » et que sa mission reflète «la nécessaire pluridisciplinarité des approches »(2). Le rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie en France a été rendu le 18 décembre 20123. A la suite de la remise de ce rapport, le Président de la République a saisi le CCNE en lui posant trois questions :

- Comment et dans quelles conditions recueillir et appliquer des directives anticipées émises par une personne en pleine santé ou à l’annonce d’une maladie grave, concernant la fin de sa vie ?
- Comment rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants ?
- Selon quelles modalités et conditions strictes permettre à un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, d’être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ?
Le CCNE dans son avis n°121 du 30 juin 2013 émet plusieurs recommandations concernant la dignité de la personne, le droit aux soins palliatifs, le respect des directives anticipées et le droit à une sédation profonde.
Cependant, la majorité de ses membres demande de ne pas légaliser l’assistance au suicide et/ou l’euthanasie.
Le CCNE considère que la réflexion sur le sujet de la fin de la vie n’est pas close et qu’elle doit se
poursuivre sous la forme d’un débat public. Suite à de nombreux échanges avec les infirmiers et infirmières ainsi que les usagers du système de santé, après une revue de littérature et l’étude des textes législatifs par une commission ad hoc, le Conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI) souhaite faire connaitre sa position quant à cette problématique de la fin de vie.

Prise en charge décembre 2013
Télécharger le document entier

1/François Hollande, Le changement c’est maintenant – Mes 60 engagements pour la France, engagement n°21, http://www.parti-socialiste.fr/dossier/le-projet-de-francoishollande
2/Lettre de mission du Professeur Didier SICARD, 17 juillet 2012
3/Penser solidairement la fin de vie, rapport à François Hollande Président de la République française, 18 décembre 2012, http://www.elysee.fr/assets/pdf/Rapport-de-la-commissionde-reflexion-sur-la-fin-de-vie-en-France.pdf
4/Avis n°121, http://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/avis_121_0.pdf

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2640 0
« L’Affaire Amélie ». La dignité de nos enfants polyhandicapés ne se négocie pas ! http://plusdignelavie.com/?p=2609 http://plusdignelavie.com/?p=2609#comments Wed, 30 Oct 2013 12:23:15 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2609 Cédric Gicquel

Parent d’un enfant polyhandicapé, Paris

Il y a moins d’une semaine, le monde politico-médiatique s’est enflammé sur ‘’l’affaire Léoanarda’’ opposant les tenants de la loi aux tenants des « valeurs ». Plus discrète ‘’l’Affaire Amélie’’ a failli se terminer dans une mascarade sans loi ni valeurs. Amélie est atteinte du syndrome de . . . → Read More: « L’Affaire Amélie ». La dignité de nos enfants polyhandicapés ne se négocie pas !]]> Cédric Gicquel

Parent d’un enfant polyhandicapé, Paris

Il y a moins d’une semaine, le monde politico-médiatique s’est enflammé sur ‘’l’affaire Léoanarda’’ opposant les tenants de la loi aux tenants des « valeurs ».
Plus discrète ‘’l’Affaire Amélie’’ a failli se terminer dans une mascarade sans loi ni valeurs. Amélie est atteinte du syndrome de Prader-Willi, une affection génétique qui la rend dépendante et justifie un accompagnement constant. Après avoir été condamné par la justice à trouver une structure adaptée à cette jeune femme lourdement handicapée, l’État a tenté de faire appel de la décision afin d’éviter une jurisprudence qui l’obligerait à trouver une solution adaptée à de nombreuses familles en attente de propositions pour leurs enfants. Devant le tollé général, la ministre déléguée auprès des personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion vient d’abandonner ce recours. L’UNAPEI avait vivement réagi à l’annonce de la saisine du Conseil d’État en affirmant que « le ministère cherche à institutionnaliser une mort sociale pour les personnes handicapées et leurs familles ».
Après un rétropédalage pitoyable et des explications consternantes de Marie-Arlette Carlotti, avec notamment cette savoureuse proposition destinée aux familles d’appeler le 3977 (numéro vert contre la maltraitance des personnes âgées et handicapées) pour « dire leur désarroi » si les nouveaux « comités Théodule » ne trouvent pas de solution adaptées, les personnes lourdement handicapées et vulnérables se retrouvent insultées et méprisées par l’absence d’une volonté politique forte et cohérente.
En parlant de « comité Théodule », on se rend compte qu’il est bien loin le temps où Charles de Gaulle affirmait « l’essentiel pour lui, ce n’est pas ce que peuvent penser le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte, l’essentiel pour le général de Gaulle, le Président de la France, c’est ce qui est utile au peuple français… »

 

Nos enfants ne sont pas de dossiers

Nos enfants sont handicapés mais ils ne sont pas des sujets de laboratoire dont les dossiers passeraient de commission en commission, où leur histoire, leur faiblesse seraient exposées devant des inconnus même bien intentionnés qui décideraient qui est le plus vulnérable ou le plus apte à trouver une place dans un système qui gère la compassion et le déficit de structures.
C’est déjà bien trop souvent le cas : dossier à l’hôpital, dossier à la MDPH, dossier dans les institutions, dossier à la CPAM, la vie de nos enfants circule de services en services, souvent d’inconnus en inconnus. Où est la dignité de la personne lorsque sa biographie, son intimité se réduisent à une somme de dossiers sur lequel on statue, on décide ?
Nos enfants sont avant tout des êtres humains dont la dignité est consubstantielle, inaliénable et commune à celle des autres hommes. Elle ne se monnaie pas, elle ne se négocie pas.
Pourtant l’État, en ne respectant pas ses propres lois et en laissant des familles à l’abandon, amoindrit cette dignité. En créant une section d’alerte dans chaque Agence régionale de santé (ARS) pour les « cas difficiles » il ajoute une souffrance supplémentaire à ces familles qui demandent simplement un lieu où leur enfant puisse être heureux, accueilli avec humanité, des parents qui pourraient souffler un peu et ne pas être obligés de penser au pire, des parents qui pourraient redécouvrir leur enfant sans les jours d’angoisse et la culpabilité de ne plus pouvoir faire face. Non seulement nos enfants sont déjà catalogués lourdement handicapés, mais en plus s’ils ne rentrent pas dans les petites cases ou bien s’ils sont reconnus comme « ingérables » pour les établissements, ils deviennent de nouveaux sujets d’études d’une nouvelle section crée spécialement pour eux. Et ayant une confiance sans faille dans notre administration entomologiste, nous pouvons être certains que dans quelques années il se créera une sous-section de la section « cas difficiles » !
Où allons-nous ?

 

Défendre des principes d’humanité

Être parent d’un enfant handicapé, c’est faire des choix pour lui et pour soi durant toute sa vie, c’est dans la constellation du système médico-social être obligé de faire les bons choix : dois-je penser à l’orientation de mon enfant dès 10 ans sachant que sa structure d’accueil prend en charge les enfants jusqu’à 14 ans et que les autres structures trouvent qu’à 14 ans il est « trop vieux » ? Mais il a aussi établi des liens d’amitiés avec ses camarades : dois-je les rompre pour trouver un autre établissement ? Dois-je envisager de le diriger vers la Belgique et rompre ainsi les liens avec sa famille ?
Dans ce labyrinthe les associations gestionnaires renvoient parfois un peu facilement la balle en prétextant un manque de moyens ou des structures pas adaptées : on peut l’accueillir mais à condition qu’il ne développe pas de trop gros troubles du comportement, s’il n’est pas trop malade ni trop fragile. Attention il est trop autonome ! Attention il n’est pas assez autonome, parfois même il est pas assez handicapé ou trop handicapé…
Nous acceptons, parents, d’être responsable de nos enfants et de porter avec eux le handicap mais nous refusons le sur-handicap pesant induit par un système qui ne prend pas en compte l’humanité de nos enfants.

Les personnes lourdement handicapées et/ou vulnérables interrogent notre société et nous renvoient aux principes-mêmes de notre civilisation.
Ils opposent aux valeurs « modernes » (culte de la vitesse et de la toute-puissance) des principes fondateurs comme l’écoute, le respect du temps, la dignité de toute vie. Par leur vie fragile ils révèlent que toute vie mérite d’être vécue mais aussi que toute vie s’inscrit dans un large réseau de liens, dans une communauté qui tout en affirmant la singularité de chaque personne rattache tous les hommes à la Cité.
Au-delà de la question de places disponibles et de structures adaptée, la situation d’Amélie nous rappelle qu’avant toute autre considérations nous avons à assumer des devoirs envers les plus vulnérables et que la beauté du monde luit parfois dans des regards absents et des silences de vie.

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2609 0
Comprendre « l’affaire Amélie ». Polyhandicap : éthique de la responsabilité, point de vue d’un père http://plusdignelavie.com/?p=2584 http://plusdignelavie.com/?p=2584#comments Mon, 28 Oct 2013 01:42:15 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2584 Cédric Gicquel

Alors que le Conseil d’État doit se prononcer, à la demande de l’État, sur le devenir d’Amélie (jeune femme atteinte d’autisme que ses parents sont contraints de maintenir au domicile faute de structure d’accueil), il convient de mieux saisir certains enjeux qui échappent trop souvent à l’attention de tous. Ce texte d’une . . . → Read More: Comprendre « l’affaire Amélie ». Polyhandicap : éthique de la responsabilité, point de vue d’un père]]> Cédric Gicquel

Alors que le Conseil d’État doit se prononcer, à la demande de l’État, sur le devenir d’Amélie (jeune femme atteinte d’autisme que ses parents sont contraints de maintenir au domicile faute de structure d’accueil), il convient de mieux saisir certains enjeux qui échappent trop souvent à l’attention de tous. Ce texte d’une telle intensité, enraciné au plus profond de la réflexion et porteur d’un sens exceptionnel de l’engagement, nous semble à ce point important que nous vous en présentons sa version intégrale. Il nous semble de nature à inspirer aux décideurs politiques et aux différents responsables institutionnels d’autres critères de jugement afin de vivre humainement le sens d’une responsabilité politique vraie.

« Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une blessure étrange dans ton cœur. »
Léonard Cohen, Suzanne

C’est donc un papa, un jeune papa, qui va parler de la responsabilité à travers le prisme de son expérience.
Quelques éléments biographiques afin de mieux comprendre l’origine de cette parole.
Worou-Guillaume est né au Bénin, en pleine brousse, il y a cinq ans maintenant.
Grossesse normale, pas de soucis particuliers, accouchement sans problème.
Beau bébé, parents heureux !

Retour en France, à l’âge de 6 mois…nous constatons des retards dans la motricité, des « angoisses nocturnes », des mouvements stéréotypés mais on nous dit que cela n’est rien, juste un peu de retard. Au fur et à mesure, les déficits de motricité prennent de l’importance, des regards évasifs, un manque de tonicité, nous inquiètent. Une kyrielle d’examens à Necker, une attente d’un diagnostic précis, un parcours du combattant pour trouver une prise en charge adapté avec ce leitmotiv de la part de certains médecins « arrêter de vous inquiéter, tout va bien ». Arrive, une IRM a deux ans, plus énigmatiques que les autres, mais toujours pas de diagnostic étiologique.

Il n’y a pas eu d’annonce du handicap, il n’y a pas eu ce moment, cette date précise que de nombreux parents ont en mémoire où l’on vous annonce que votre fils est handicapé. C’est une annonce implicite, qui se déroule sur des mois et des mois. Des allusions parfois à l’autisme mais rien de plus. C’est grâce à une psychomotricienne du CMPP, qui avait fait un stage au CESAP, que nous avons pu à la fois trouver une structure adaptée mais aussi un nom sur le mal de Guillaume.

Polyhandicap

Les médecins ne nous avaient jamais parlé de polyhandicap et nous découvrons, au jour le jour, la signification de ce nom : polyhandicap.
Dans notre « malheur », nous découvrons que notre fils possède quelques acquis que d’autres non pas : il peut se déplacer à quatre pattes, il n’a jamais fait de crises d’épilepsie, il n’a pas de corset, il est en « bonne santé », pas de va et vient à l’hôpital, même pas de fausses routes pour les repas !
Ai-je eu de la culpabilité en regardant mon petit bonhomme qui ne marche pas, ne mange pas tout seul, fait de grands sourires, crie souvent, regarde le monde avec étonnement, a des crises d’angoisses, a des pleurs ou des rires incontrôlés, a des stéréotypies ?

Pas forcément, je ne me sens pas coupable, peut-être parce qu’il n’est pas sorti directement de mes entrailles, par contre, souvent, je me sens coupable de mon incapacité à m’occuper de lui, à prendre le temps, à vivre à son allure « Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange », J.L Fournier, On va où Papa ?

Alors qu’est-ce qu’être responsable de son enfant ? Quelle est donc cette éthique de la responsabilité que doit cultiver le parent de tout en enfant mais avec plus de force quand le petit d’homme est handicapé et qu’il est polyhandicapé.

Une éthique du quotidien

L’objet de la responsabilité c’est le vulnérable en tant que tel selon Paul Ricœur , en ce sens l’enfant polyhandicapé est bien ce vulnérable car il ne possède pas cette autonomie minimale ; non seulement il ne la possède pas en acte mais il ne la possède pas non plus en puissance.

En ce sens, le sujet polyhandicapé est vulnérable à vie. Cette vulnérabilité s’exprime dans le quotidien.

Manger, se vêtir, se laver, être propre sont pour nous un combat au jour le jour.
Guillaume mange facilement, pas de fausse route si tout est bien mixé ou assez écrasé, il sait exprimer sa faim en se mettant devant le frigidaire et en grognant mais il ne peut ni boire ni manger seul ; il faut aussi se mettre à son horaire car il ne peut pas gérer sa sensation de faim et se met à pleurer en cas de retard.
Il en est de même pour le reste de la vie quotidienne, il faut s’adapter au rythme à la fois temporel mais aussi « acquisitionnel » de Guillaume. Bien qu’il fasse des efforts pour nous aider, nous sommes obligés de coller à ses capacités et non aux nôtres.

Mais le quotidien nous interroge aussi fondamentalement. La question éthique se pose aussi de façon très concrète, dans le quotidien.

Guillaume depuis deux ans met sa main dans la bouche, se faisant baver et mouillant ses affaires ;cette stéréotypie lui est préjudiciable sur le plan physiologique(risque de déformation du palais mais blessures aux doigts) sur le plan social(refus de la part des autres de rentrer en relation avec lui car il a la main pleine de bave) mais aussi sur le plan psychologique(il se coupe volontairement de la relation à autrui pour s’enfermer dans la succion de lui-même et concentre toute son attention sur ce geste répétitif).

Nous lui avons donc, après concertation avec l’équipe du CESAP, mis des attelles au niveau du coude qui l’empêche de mettre sa main dans la bouche. Or, ce système est une contrainte tout autant physique que psychologique et provoque de temps en temps des plaies sur les bras. Depuis plus d’un an et demi, il porte ce système d’attelles en journée mais aussitôt enlevées, il remet ses mains dans la bouche. Quelle répercussion psychologique sur Guillaume avec cette contrainte quotidienne ? Une contrainte donc pour le « bien » de Guillaume mais qui nous questionne.

Autre contrainte, le brossage des dents. Guillaume refuse catégoriquement toute intrusion dans sa bouche, s’il accepte les aliments dans sa cuillère, il est impossible d’introduire quoique ce soit d’autre. Tous les soirs, quand nous ne sommes pas fatigués car parfois nous capitulons devant cette épreuve et pour lui et pour nous, il faut attraper Guillaume, le ceinturer et lui laver les dents : pleurs, cris et énervements. Mais nous savons que si nous ne lui brossons pas les dents tous les jours, il risque des caries, des problèmes de gencives ,donc pour éviter une souffrance potentielle nous sommes obligés de lui faire violence.
Une contrainte donc pour le « bien » de Guillaume.

Couper les ongles. Guillaume entre facilement en contact avec autrui avec ses mains, il attrape les cheveux, les visages, il faut donc lui couper les ongles assez régulièrement afin qu’il ne blesse pas dans sa prise de contact mais aussi qu’il ne se blesse pas lui-même (régulièrement, il se griffe le bas ventre).
De nouveau, nous sommes obligés de lui faire violence car il refuse de nous donner sa main, se met à gesticuler dans tous les sens : pleurs, cris et énervements.

Ce sont ce que j’appelle des violences paradoxales car elles sont produites avec une intention bénéfique pour Guillaume et pourtant elles sont éprouvantes et pour lui et pour nous. Le comprend-il ? Cette question me travaille toujours. Comprend-il que nous le faisons pour son bien, parce que nous l’aimons et que nous ne voulons pas qu’il souffre plus tard ?
C’est une épreuve particulièrement culpabilisante car elle nous renvoie à notre propre violence, à nos limites.

–>Lire la suite (texte intégral)

]]> http://plusdignelavie.com/?feed=rss2&p=2584 0