Plus digne la vie » soins palliatifs http://plusdignelavie.com Le site du collectif Plus digne la vie, défenses et réflexions autour de la dignité de la personne, notamment en situation de handicap et de fin de vie Mon, 09 May 2016 00:12:39 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.8.14 Fin de vie, une sédation politique http://plusdignelavie.com/?p=2925 http://plusdignelavie.com/?p=2925#comments Tue, 02 Feb 2016 09:55:13 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2925 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Le gâchis d’une concertation rompue

Après son rejet par le Sénat le 23 juin 2015, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie est discutée en seconde lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 . . . → Read More: Fin de vie, une sédation politique]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Le gâchis d’une concertation rompue

Après son rejet par le Sénat le 23 juin 2015, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie est discutée en seconde lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 octobre. À en juger par la consternante réunion de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 30 septembre, les deux rapporteurs s’étant figés dans une position de refus du moindre amendement, soit le consensus résistera aux coups de butoirs des propagandistes de cette démarche désormais imposée, soit l’hostilité à tant de désinvolture et de rigidité ramènera chacun à ses positions contradictoires d’hier. Ce rejet systématique d’améliorations nécessaires d’un texte de loi dont on sait l’importance des nuances dans sa rédaction, révèle que la concertation nationale voulue par François Hollande le 17 juillet 2012 s’achève aujourd’hui dans une précipitation et une négligence qui déçoivent, une forme d’échec inattendu. Les deux rapporteurs, recourant à des arguments trop souvent discutables, ont confisqué toute possibilité d’évolutions d’un texte en certains points approximatif, voire peu convaincant ou alors suscitant des interprétations équivoques. Ils disent s’en remettre demain à la commission mixte paritaire qui sera amenée à conclure les péripéties hasardeuses d’une nouvelle approche de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. À l’heure actuelle rares sont les personnes qui estiment les avancées qu’elle prétend promouvoir à hauteur d’enjeux dilapidés dans des joutes parlementaires et des affirmations péremptoires indignes de réalités humaines qui méritent mieux. Cette suffisance parfois insultante des réponses concédées aux détracteurs des quelques points justifiant une prudence dans la formulation de la loi, ne fait désormais qu’attiser les revendications d’une loi cohérente enfin favorable à l’euthanasie. Le voile semble désormais levé, ce qui peut être le seul avantage à tirer d’une telle palinodie : l’assistance médicalisée en fin de vie devra se comprendre, tout en préservant encore quelques apparences, comme la reconnaissance d’une sédation profonde, continue et terminale, à la demande de la personne en fin de vie ou non, sur simple rédaction de ses directives anticipées opposables et applicables sans autre forme par le médecin dans l’incapacité faire valoir sa clause de conscience. L’alimentation et l’hydratation des personnes assimilées à un traitement artificiel assimilable à une obstination déraisonnable, pourront être interrompues sur décision médicale y compris pour une personne atteinte d’un handicap profond dont on ignore, faute de pouvoir communiquer, si comme le prétendent certains parlementaires, elle aurait ainsi considéré inacceptable « de prolonger inutilement sa vie ».
Rappelons, sans être certain que cela importe encore, l’esprit et la forme des quelques amendements présentés tant par les membres des commission des affaires sociale et des lois du Sénat, que des députés mercredi dernier : tous rejetés sur la base d’arguments peu satisfaisants par les deux rapporteurs de la proposition de loi.
À l’intitulé « loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » était préféré celui plus précis de « loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie ». La légitimation du suicide assisté, voire de l’euthanasie ne devait pas apparaître induite par une formulation volontairement ambiguë.
La sédation « profonde et continue » est avancée comme une évolution majeure en terme de droit de la personne malade ou en fin de vie. Là également, le texte tel qu’il est soumis en deuxième lecture aujourd’hui, sans modification de la moindre virgule depuis son approbation à l’Assemblée nationale le 17 mars 2015, justifiait des précisions parfaitement explicitées par les membres de la commission des lois du Sénat.
« La commission des lois a marqué son attachement aux deux principes cardinaux de la législation française actuelle sur la fin de vie : d’une part, la prohibition absolue que la mort soit donnée activement et intentionnellement, d’autre part, le respect, dans ce cadre, de la volonté de la personne et de sa dignité. Pour cette raison, estimant que le recours à la sédation profonde et continue, qui place le patient dans un état d’inconscience totale jusqu’à son décès, se justifiait uniquement par le souci de soulager les souffrances d’une personne en fin de vie, elle a marqué son accord avec le choix de la commission des affaires sociales de restreindre ce recours aux cas de patients en fin de vie dont les souffrances sont réfractaires à tout autre traitement de soins palliatifs. »
Sur ce point des plus controversé, les sénateurs développent une argumentation qui n’aura pas su ébranler les convictions définitives de nos deux rapporteurs.
« Selon le cadre dans lequel elle intervient, et l’intention qui la porte, la sédation (profonde) est donc une pratique médicale acceptable ou expose à des dérives, contraires aux principes qui fondent la législation française sur la fin de vie. À cet égard, le fait qu’elle intervienne ou non dans une situation effective de fin de vie est déterminant. (…) La sédation profonde et continue ne pourrait être mise en œuvre, à la demande du patient, que si son pronostic vital est engagé à court terme en raison de l’arrêt d’un traitement ou de l’évolution de sa maladie. (…) Enfin, lier indissolublement sédation profonde et arrêt des traitements vitaux est rendre plus indistincte la frontière entre une mort causée par la maladie et une mort liée à une autre cause, voire aux conséquences d’un traitement médical. Or cette distinction permet d’écarter tout risque de dérive euthanasique. »
Les sénateurs, au même titre que les députés ayant présenté des positions estimées insignifiantes le 30 septembre, n’avaient pas limité l’examen du texte à la mise en cause des points a priori les plus litigieux. Ils estimaient également nécessaire de supprimer l’alinéa de l’article L. 1110-5-1. « La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement » qui relève du discernement médical et non d’une décision de législateur.

Vers une loi en faveur de l’euthanasie

Ainsi que certains responsables politiques l’affirment ces dernières semaines, afin de calmer l’impatience des déçus d’une démarche qui ne tiendrait pas ses promesses, cette proposition de loi n’a qu’une fonction transitoire, pédagogique, dans la perspective d’une législation déjà évoquée qui légalisera l’euthanasie. Cette vocation de certains aux stratégies politiciennes renforce donc le défi actuel à l’égard de pratiques d’autant plus pernicieuses qu’elles concernent nos valeurs de société, notre sphère privée.
Il y avait besoin d’une clarification en des domaines complexes pour lesquels certains se sont arrogés une autorité et une expertise désormais indiscutable. Leur discours tourne en quelque sorte à vide, répétitif et refermé sur un système de pensée indifférent à ce qui susciterait le moindre doute. On ne saurait se satisfaire plus longtemps d’un unanimisme inconsistant ou d’une compassion négligente. Poursuivre ces disputations dont on ne sait au juste ce qu’elles tentent d’expliciter ou de justifier, ces atermoiements qui nous enlisent et obscurcissent le réel est devenu indécent. À chacun maintenant d’assumer ses responsabilités. Plutôt que de pervertir par des propos inconvenants et en nous assénant des convictions indiscutables, j’inciterai les responsables politiques à ne pas différer plus longtemps leur préférence pour une loi créant de nouveaux droits en faveur des malades, des personnes en fin de vie, du suicide assisté et de l’euthanasie ! Ainsi, les règles du « vivre ensemble » se comprendront demain jusque dans l’obligation d’assurer comme un droit l’administration d’une sollicitude active dans la mort, là où trop souvent nous désertons face aux vulnérabilités dans la vie. Il n’est plus l’heure de se soucier de l’état d’esprit que révèle l’urgence législative visant « à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». La moindre enfreinte au consensus présent est considérée avec suspicion et réprouvée, surtout par les dépositaires de la sagesse publique : ils se sont prononcés à ce propos de manière définitive. De sondages en concertations publiques, de consultations en rapports et en avis, de concessions en renoncements, notre société « apaisée » est prête aux avancées préconisées. C’est du moins ce qu’estiment à cette heure les deux rapporteurs de la proposition de loi sans susciter la moindre réaction significative, comme si la sédation avait déjà ses premiers effets.

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Fin de vie, une sédation politique http://plusdignelavie.com/?p=2916 http://plusdignelavie.com/?p=2916#comments Tue, 06 Oct 2015 21:42:13 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2916 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Le gâchis d’une concertation rompue

Après son rejet par le Sénat le 23 juin 2015, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie est discutée en seconde lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 . . . → Read More: Fin de vie, une sédation politique]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Le gâchis d’une concertation rompue

Après son rejet par le Sénat le 23 juin 2015, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie est discutée en seconde lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 octobre. À en juger par la consternante réunion de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 30 septembre, les deux rapporteurs s’étant figés dans une position de refus du moindre amendement, soit le consensus résistera aux coups de butoirs des propagandistes de cette démarche désormais imposée, soit l’hostilité à tant de désinvolture et de rigidité ramènera chacun à ses positions contradictoires d’hier. Ce rejet systématique d’améliorations nécessaires d’un texte de loi dont on sait l’importance des nuances dans sa rédaction, révèle que la concertation nationale voulue par François Hollande le 17 juillet 2012 s’achève aujourd’hui dans une précipitation et une négligence qui déçoivent, une forme d’échec inattendu. Les deux rapporteurs, recourant à des arguments trop souvent discutables, ont confisqué toute possibilité d’évolutions d’un texte en certains points approximatif, voire peu convaincant ou alors suscitant des interprétations équivoques. Ils disent s’en remettre demain à la commission mixte paritaire qui sera amenée à conclure les péripéties hasardeuses d’une nouvelle approche de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. À l’heure actuelle rares sont les personnes qui estiment les avancées qu’elle prétend promouvoir à hauteur d’enjeux dilapidés dans des joutes parlementaires et des affirmations péremptoires indignes de réalités humaines qui méritent mieux. Cette suffisance parfois insultante des réponses concédées aux détracteurs des quelques points justifiant une prudence dans la formulation de la loi, ne fait désormais qu’attiser les revendications d’une loi cohérente enfin favorable à l’euthanasie. Le voile semble désormais levé, ce qui peut être le seul avantage à tirer d’une telle palinodie : l’assistance médicalisée en fin de vie devra se comprendre, tout en préservant encore quelques apparences, comme la reconnaissance d’une sédation profonde, continue et terminale, à la demande de la personne en fin de vie ou non, sur simple rédaction de ses directives anticipées opposables et applicables sans autre forme par le médecin dans l’incapacité faire valoir sa clause de conscience. L’alimentation et l’hydratation des personnes assimilées à un traitement artificiel assimilable à une obstination déraisonnable, pourront être interrompues sur décision médicale y compris pour une personne atteinte d’un handicap profond dont on ignore, faute de pouvoir communiquer, si comme le prétendent certains parlementaires, elle aurait ainsi considéré inacceptable « de prolonger inutilement sa vie ».
Rappelons, sans être certain que cela importe encore, l’esprit et la forme des quelques amendements présentés tant par les membres des commission des affaires sociale et des lois du Sénat, que des députés mercredi dernier : tous rejetés sur la base d’arguments peu satisfaisants par les deux rapporteurs de la proposition de loi.
À l’intitulé « loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » était préféré celui plus précis de « loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie ». La légitimation du suicide assisté, voire de l’euthanasie ne devait pas apparaître induite par une formulation volontairement ambiguë.
La sédation « profonde et continue » est avancée comme une évolution majeure en terme de droit de la personne malade ou en fin de vie. Là également, le texte tel qu’il est soumis en deuxième lecture aujourd’hui, sans modification de la moindre virgule depuis son approbation à l’Assemblée nationale le 17 mars 2015, justifiait des précisions parfaitement explicitées par les membres de la commission des lois du Sénat.
« La commission des lois a marqué son attachement aux deux principes cardinaux de la législation française actuelle sur la fin de vie : d’une part, la prohibition absolue que la mort soit donnée activement et intentionnellement, d’autre part, le respect, dans ce cadre, de la volonté de la personne et de sa dignité. Pour cette raison, estimant que le recours à la sédation profonde et continue, qui place le patient dans un état d’inconscience totale jusqu’à son décès, se justifiait uniquement par le souci de soulager les souffrances d’une personne en fin de vie, elle a marqué son accord avec le choix de la commission des affaires sociales de restreindre ce recours aux cas de patients en fin de vie dont les souffrances sont réfractaires à tout autre traitement de soins palliatifs. »
Sur ce point des plus controversé, les sénateurs développent une argumentation qui n’aura pas su ébranler les convictions définitives de nos deux rapporteurs.
« Selon le cadre dans lequel elle intervient, et l’intention qui la porte, la sédation (profonde) est donc une pratique médicale acceptable ou expose à des dérives, contraires aux principes qui fondent la législation française sur la fin de vie. À cet égard, le fait qu’elle intervienne ou non dans une situation effective de fin de vie est déterminant. (…) La sédation profonde et continue ne pourrait être mise en œuvre, à la demande du patient, que si son pronostic vital est engagé à court terme en raison de l’arrêt d’un traitement ou de l’évolution de sa maladie. (…) Enfin, lier indissolublement sédation profonde et arrêt des traitements vitaux est rendre plus indistincte la frontière entre une mort causée par la maladie et une mort liée à une autre cause, voire aux conséquences d’un traitement médical. Or cette distinction permet d’écarter tout risque de dérive euthanasique. »
Les sénateurs, au même titre que les députés ayant présenté des positions estimées insignifiantes le 30 septembre, n’avaient pas limité l’examen du texte à la mise en cause des points a priori les plus litigieux. Ils estimaient également nécessaire de supprimer l’alinéa de l’article L. 1110-5-1. « La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement » qui relève du discernement médical et non d’une décision de législateur.

Vers une loi en faveur de l’euthanasie

Ainsi que certains responsables politiques l’affirment ces dernières semaines, afin de calmer l’impatience des déçus d’une démarche qui ne tiendrait pas ses promesses, cette proposition de loi n’a qu’une fonction transitoire, pédagogique, dans la perspective d’une législation déjà évoquée qui légalisera l’euthanasie. Cette vocation de certains aux stratégies politiciennes renforce donc le défi actuel à l’égard de pratiques d’autant plus pernicieuses qu’elles concernent nos valeurs de société, notre sphère privée.
Il y avait besoin d’une clarification en des domaines complexes pour lesquels certains se sont arrogés une autorité et une expertise désormais indiscutable. Leur discours tourne en quelque sorte à vide, répétitif et refermé sur un système de pensée indifférent à ce qui susciterait le moindre doute. On ne saurait se satisfaire plus longtemps d’un unanimisme inconsistant ou d’une compassion négligente. Poursuivre ces disputations dont on ne sait au juste ce qu’elles tentent d’expliciter ou de justifier, ces atermoiements qui nous enlisent et obscurcissent le réel est devenu indécent. À chacun maintenant d’assumer ses responsabilités. Plutôt que de pervertir par des propos inconvenants et en nous assénant des convictions indiscutables, j’inciterai les responsables politiques à ne pas différer plus longtemps leur préférence pour une loi créant de nouveaux droits en faveur des malades, des personnes en fin de vie, du suicide assisté et de l’euthanasie ! Ainsi, les règles du « vivre ensemble » se comprendront demain jusque dans l’obligation d’assurer comme un droit l’administration d’une sollicitude active dans la mort, là où trop souvent nous désertons face aux vulnérabilités dans la vie. Il n’est plus l’heure de se soucier de l’état d’esprit que révèle l’urgence législative visant « à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». La moindre enfreinte au consensus présent est considérée avec suspicion et réprouvée, surtout par les dépositaires de la sagesse publique : ils se sont prononcés à ce propos de manière définitive. De sondages en concertations publiques, de consultations en rapports et en avis, de concessions en renoncements, notre société « apaisée » est prête aux avancées préconisées. C’est du moins ce qu’estiment à cette heure les deux rapporteurs de la proposition de loi sans susciter la moindre réaction significative, comme si la sédation avait déjà ses premiers effets.

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Le droit de chacun à bénéficier de soins dignes http://plusdignelavie.com/?p=2902 http://plusdignelavie.com/?p=2902#comments Mon, 27 Apr 2015 11:44:58 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2902 Clémence Joly

Médecin, responsable de l’unité de soins palliatifs, Centre hospitalier de Pont Audemer (Eure)

La proposition de loi Claeys-Leonetti, en proposant « une sédation profonde et continue (…) jusqu’au décès associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » à « la demande du patient . . . → Read More: Le droit de chacun à bénéficier de soins dignes]]> Clémence Joly

Médecin, responsable de l’unité de soins palliatifs, Centre hospitalier de Pont Audemer (Eure)

La proposition de loi Claeys-Leonetti, en proposant « une sédation profonde et continue (…) jusqu’au décès associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » à « la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie » crée un droit-créance. En cela, elle reflète parfaitement la postmodernité occidentale, avec sa tendance à réifier la personne et à utiliser chacun « comme un moyen et non toujours comme une fin ».

« Pathologisation » de la souffrance
La première condition est la demande du patient d’éviter toute souffrance. Comment « soulager la souffrance », principe même de la médecine hippocratique, peut-il se transformer en « éviter toute souffrance » ? L’Occident a pathologisé la souffrance, qu’elle soit physique, psychique, sociale ou spirituelle. Comme pour la mort, nous assistons à une désymbolisation et une désocialisation de la souffrance. En objectivant la souffrance, l’homme postmoderne espère la maîtriser. Et en réponse à cette souffrance pathologisée, la médecine propose un agir réducteur lors de sa prise en charge, par une réponse purement pharmacologique. Ainsi, « éviter toute souffrance » par une sédation est un avatar de l’illusion de pouvoir avoir un contrôle sur la souffrance. La demande de « ne pas prolonger inutilement sa vie », est significative d’une pensée utilitariste et d’une vision de la vie centrée sur la performance. Or qui peut être juge de l’utilité d’une vie : le patient, le médecin, l’entourage ? L’expérience de ceux qui accompagnent les personnes en fin de vie montre que bien souvent, c’est l’entourage qui questionne sur l’utilité de la vie qui se termine. L’assertion « ne pas prolonger inutilement la vie », si elle n’est pas liée à l’intention bienfaisante du médecin, entraîne clairement un risque euthanasique.
Le but classique d’une sédation est de diminuer la perception de la douleur, le risque d’abréger la vie étant accepté mais non voulu, contrairement à ce que laisse entendre la rédaction ambiguë de la proposition de loi. Entretenir une ambiguïté sur les termes, laisser penser qu’on peut se passer de l’intentionnalité quand on pose un acte, quel qu’il soit, c’est nier la raison, c’est se laisser emporter par ses émotions, sans prendre le temps de les analyser. Le patient, comme le soignant, est soumis à des contradictions et des projections sur la vie et la mort. Le rôle de la loi est d’encadrer ces ambivalences, pas de les laisser flotter, encore moins de les encourager.
Un effet secondaire majeur de l’altération de la vigilance du patient est la perte de la relation. Double paradoxe, quand on sait l’importance du langage et de la relation dans le soulagement des patients, et ambivalence de celui qui veut maîtriser sa vie jusqu’au bout en demandant une sédation, mais qui, pour ce faire, s’en remet sans retour aux professionnels de santé.

Favoriser le contrat ou la relation ?

Plus profondément, cette proposition de loi, éloignant la pratique médicale de ce qui fait son fondement depuis Hippocrate nous interroge sur le sens de la médecine et du soin. Car il s’agit là d’un changement de paradigme de la médecine.
Ce projet de loi purement contractualiste, réduit la relation malade-médecin à un simple contrat dans une visée hyper individualiste, avec un demandeur et un exécutant, et nie ce qui en fait pourtant son fondement : la relation. Car un malade, surtout s’il est atteint d’une maladie grave et incurable, vient d’abord chercher auprès du professionnel de santé une écoute, un accompagnement, la certitude de ne pas être abandonné. La confiance réciproque et la bienveillance du médecin n’annulent pas l’autonomie du patient, elles en sont au contraire la condition. La souffrance du soigné appelle la responsabilité du soignant. Ce projet risque d’entraîner le contraire de ce qu’il recherche, en cassant la confiance et l’alliance thérapeutique : une plus grande solitude des malades.
Changement de paradigme également en transformant la traditionnelle obligation de moyens de la médecine hippocratique en une obligation de résultat, dangereuse quand on connaît la complexité de nombre de situations de fin de vie : « les traitement n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie (…) sont suspendus » Or les décisions médicales ne peuvent résulter d’injonctions données aux médecins. Elles sont adaptées à chaque cas, et font appel à des facteurs multiples (situation clinique, environnement, singularité du patient) et à une réflexion éthique complexe, impliquant le patient, son entourage, les équipes de soins. Imposer une logique numérique du tout ou rien, c’est ignorer totalement la façon dont se prennent les décisions médicales, l’incertitude inhérente à la pratique médicale, le lent travail d’herméneutique des professionnels de santé. C’est faire fi également de la notion de proportionnalité des soins qui est au cœur de toute pratique médicale. C’est, hélas, prendre le risque de déresponsabiliser les médecins et de limiter leur créativité éthique.

Le droit de chacun à bénéficier de soins dignes

Venons-en enfin aux questions économiques. Certes, les médecins ont des progrès à faire pour faire reculer l’obstination déraisonnable. Mais n’y a-t-il pas une hypocrisie des pouvoirs publics à favoriser par la T2A les actes techniques voire l’acharnement par rapport à l‘accompagnement ? Ce qui soulage l’angoisse existentielle de l’homme devant la mort, c’est la présence, l’écoute, l’accompagnement, le respect, la sollicitude. Cela demande du temps, des moyens, de la formation. Ce n’est pas l’affaire du seul corps médical, mais de la société toute entière. Pour la Cour des Comptes le « développement des soins palliatifs demeure dans notre pays très en deçà des besoins et des attentes », la France arrivant en 23° position sur 40. Faire dormir en fin de vie coûte moins cher qu’un long accompagnement : nul besoin de psychologue, les patients ne parlent pas, moins de soins de nursing, la toilette est plus rapide chez un patient sédaté, et si on pose une sonde urinaire les mobilisations sont encore réduites. Une agonie est-elle ressentie comme trop longue ? La loi permettra implicitement d’augmenter les doses. La priorité pour bien mourir n’est pas une nouvelle loi, mais d’abord l’accès au droit de chacun à bénéficier de soins dignes, requérant une vraie volonté politique, un engagement réel des pouvoirs publics et la solidarité de tous. Et surtout cette proposition de loi, tant par sa rédaction confuse que par l’anthropologie qu’elle révèle, nous oblige à réfléchir de façon urgente en société au sens du soin et du métier de soignant.

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Dormez, je le veux ! http://plusdignelavie.com/?p=2898 http://plusdignelavie.com/?p=2898#comments Sun, 15 Mar 2015 09:44:54 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2898 Sylvain Pourchet Médecin (Paris)

Sédation : le chaînon manquant d’une équation politique

Le paysage médiatique a vu se multiplier dans les dernières années les considérations autour de la fin de vie, au point parfois d’entraîner une forme de pression, une saturation sur un sujet rarement abordé par plaisir. Fin de vie, euthanasie, suicide assisté, . . . → Read More: Dormez, je le veux !]]> Sylvain Pourchet
Médecin (Paris)

Sédation : le chaînon manquant d’une équation politique

Le paysage médiatique a vu se multiplier dans les dernières années les considérations autour de la fin de vie, au point parfois d’entraîner une forme de pression, une saturation sur un sujet rarement abordé par plaisir.
Fin de vie, euthanasie, suicide assisté, soins palliatifs, mort dans la dignité… Autant de thématiques peu digestes dont le brassage n’a pas réellement permis de dépasser une impression générale de confusion.
Cette pression (hyper exposition) et cette impression (confusion), sont venues perturber un équilibre pourtant utile qui nous permet de vivre au quotidien le lien avec l’idée de notre mort. Ainsi réveillé, le fond d’angoisse, jamais très éloigné quand on aborde ces questions, n’a pu trouver de répit. Les incertitudes de l’époque ont fait le reste : dans un climat à tendance catastrophiste, l’angoisse réveillée a pu radicaliser les positions autour d’un « qu’on en finisse ! » mal compris. Loin d’une demande d’en finir vite avec la vie s’exprime sans doute plus simplement un besoin d’en finir vite avec la contrainte de se voir imposer, hors de contexte, un sujet réveillant tant d’insécurité personnelle. Logiquement, puisqu’il y a souffrance perçue, c’est à la médecine qu’il a été demandé de trouver expressément des solutions efficaces. Tout aussi logiquement, dans cet amalgame, l’efficacité médicale a été attendue « face à la mort », et non face à l’anxiété – là où il n’existe pas de solutions plutôt que là où il y en a – poussant dans le même temps la médecine jusqu’à ses limites, elle dont le champ légitime est celui de la maladie.
Dans cette escalade de réponses pressées à un inconfort réel et mal identifié, la sédation est le dernier avatar en date dont s’est emparé et nourri le supposé débat. La sédation est ainsi passée du statut de technique anesthésique dont les subtilités n’avaient jusqu’à présent intéressé que les professionnels de la profession, à celui de chaînon manquant d’une équation politique posée en 2012 en des termes piégeant. Dans proposition 21 du programme présidentiel de François Hollande, le candidat proposait en effet : « […] que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »
Beaucoup de professionnels de santé on lu un soutien encourageant au développement nécessaire de la médecine palliative. Une médecine dont les progrès majeurs ont transformé en quelques décennies notre rapport au soin apporté au malade à la fin de la vie.
Une autre lecture permise par la formulation équivoque de la proposition s’est également répandue : l’assistance de la médecine pour cette mort digne réactualisait l’euthanasie.
Ni le rapport commandé à Didier Sicard, ni les conférences citoyennes, ni le rapport demande au Comité consultatif national d’éthique, ni la survenue d’affaires fortement médiatisées (Vincent Lambert, procès de Nicolas Bonnemaison, hésitations de la Belgique avant de refuser d’accorder l’euthanasie à un détenu) n’ont permis de dépasser le clivage entretenu par le quiproquo initiateur.

 

La tyrannie d’une fausse liberté individuelle

Après la crise sociale vécue à l’occasion de l’évolution législative sur le mariage, le risque de voir émerger une nouvelle cristallisation de réactions extrêmes autour de « la mort pour tous » a conduit à la recherche d’une sortie plus discrète sur un sujet à fort potentiel polémique. L’agenda politique fait qu’on n’a pas remis en question la nécessité, pourtant discutable, de proposer une loi nouvelle. C’est donc d’une posture assez funambule que devait venir l’issue d’un problème auto-généré : « Ni euthanasie, ni suicide assisté »… Alors quoi ?
Les députés Jean Leonetti (UMP), auréolé de la crédibilité légitimement acquise à l’occasion du vote de la loi de 2005 (droit des malades et fin de vie), et Alain Claeys (PS) ont été chargés de cette délicate mission.
C’est le sommeil médicalisé qui s’est imposé aux équilibristes : « un droit à dormir avant de mourir… » Le rêve contemporain d’une mort à l’insu de son plein gré ? Mourir sans s’en rendre compte… La sédation aurait ce pouvoir édulcorant ? Si la douceur du programme politique peut un temps susciter l’adhésion, la solution médicale proposée paraît rapidement dans son imposture. Un traitement, un médicament, seraient de nature à répondre à des questions aussi vastes ? A voir…
La meilleure politique ne fait pas nécessairement la bonne médecine.
Du point de vue médical, d’où vient qu’une mort apaisée est une mort choisie et maitrisée ? D’où vient qu’une bonne mort est une mort accélérée ? D’ou vient qu’une mort endormie est une mort préférable ? D’où vient que la sédation est un sommeil ? D’ou vient que l’euthanasie et le suicide assisté sont de tels tabous qu’il faille nécessairement les intégrer à la médecine alors que leur raison d’être en est une parfaite contradiction ?
Où sont les connaissances, les recherches qui légitimeraient le recours au coma artificiel ? La recherche d’une proposition démontrant une capacité à améliorer la santé est le socle qui légitime l’intervention médicale. La médecine est-elle à ce point différente en fin de vie qu’elle puisse s’en affranchir ?
C’est pourtant l’orientation qui semble être prise. La proposition de loi confirme son absence d’égard à la recherche d’une efficacité qui sous-tend l’exercice de la médecine et va même plus loin : elle introduit l’idée originale d’une sédation opposable. Une automédication qui passerait quand même par un prescripteur, tout en lui contestant une autorité critique et une compétence en la matière…
Dans une acception aussi extrême, le respect de la volonté du patient constitue plutôt un abandon notoire : instrumentaliser l’alliance thérapeutique pour consolider la tyrannie d’une fausse liberté individuelle. Tyrannie, puisqu’elle s’impose. Fausse liberté, car qui décide lorsqu’on veut éviter la fin de vie, sinon la fin de vie elle-même ?
On pourrait multiplier ici les questions (le paradoxe du recours à une collégialité s’agissant de décision qui revient sans discussion au patient, le coût de procédures de plus en plus complexes et chronophages à l’heure de la réduction des budgets de santé..) démontrant la courte vue d’une solution cosmétique et inapplicable. Sans réponses autres qu’incantatoires à ces questions pratiques, le préjudice pour le patient, les proches, les équipes soignantes serait évident. Quelle logique de soin pourrait être construite au sein de tant d’amalgames, d’approximations et de dérives ? Quels repères pour la relation patient/médecin ? Quels repères pour la construction de référentiels professionnels et la constitution de bonnes pratiques médicales ?
La sédation en soins palliatifs est une technique de soin issue de l’anesthésie, pratiquée de manière régulière par les équipes spécialisées, dont l’usage a fait l’objet de nombreuses études et recommandations publiées dans les revues professionnelles. A défaut de cette réflexion, la sédation réalise une fausse promesse thérapeutique et entretient une confusion entre ce qui relève d’une compétence de soin (la technique de sédation) et ce qui relève d’une responsabilité citoyenne (l’euthanasie, le suicide assisté). Une confusion préjudiciable aux progrès légitimement attendus sur ces questions distinctes. La médecine a pour mission le soin prodigué au malade vivant. Améliorer le soin pour faire disparaitre la souffrance n’équivaut pas à faire disparaître le souffrant. Partout où le recours à la sédation ne peut se construire dans le cadre d’un réel projet thérapeutique, il semblerait plus utile de recourir à une autre terminologie pour des pratiques sortant du cadre soignant. Enfermer des champs entiers de questions inédites dans des solutions simplistes et réductionnistes fait courir le risque de passer à côté des meilleures solutions. Une perte de chance médicale et sociale qui ne peut qu’être combattue.

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Les directives anticipées opposables à l’épreuve des réalités du soin http://plusdignelavie.com/?p=2894 http://plusdignelavie.com/?p=2894#comments Tue, 17 Feb 2015 20:07:51 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2894 Serge Duperret Médecin anesthésiste-réanimateur, Hospices civils de Lyon

Il s’agit d’un très jeune patient de 25 ans porteur d’une sclérose latérale amyotrophique depuis quatre ans. Une seule décompensation grave, ayant justifié une hospitalisation en réanimation, est à déplorer. Il est marié, il vient de déménager. Il est très entouré par ses proches. Porteur d’une . . . → Read More: Les directives anticipées opposables à l’épreuve des réalités du soin]]> Serge Duperret
Médecin anesthésiste-réanimateur, Hospices civils de Lyon

Il s’agit d’un très jeune patient de 25 ans porteur d’une sclérose latérale amyotrophique depuis quatre ans. Une seule décompensation grave, ayant justifié une hospitalisation en réanimation, est à déplorer. Il est marié, il vient de déménager. Il est très entouré par ses proches. Porteur d’une insuffisance respiratoire, il est ventilé par l’intermédiaire d’une prothèse amovible nasale, à l’aide d’un respirateur de domicile. Sa ventilation est nécessaire vingt quatre heures sur vingt quatre. Elle est dénommée « non invasive », dans le sens où il n’y a pas de tube qui amène l’air directement dans la trachée, comme dans le cas d’une intubation trachéale ou d’une trachéotomie. Les soins à domicile sont lourds, notamment en terme de kinésithérapie et de nursing en raison de sa quadriplégie. Une dysphagie s’est installée progressivement et il ne peut plus déglutir quoi que ce soit. La solution qui consiste à l’alimenter directement par une sonde placée dans l’estomac a été acceptée (gastrostomie). Malheureusement ce geste n’a pas pu être réalisé par voie endoscopique et le patient a du être opéré. Il s’agit d’une intervention mineure mais qui nécessite tout de même une ouverture de la paroi. L’intervention s’est bien déroulée, les suites ont été simples et le malade a pu rejoindre son foyer après trois jours d’hospitalisation. Au bout de quelques jours, les gavages se sont accumulés dans l’estomac et le patient a présenté un tableau d’occlusion (arrêt du transit). Heureusement, tout s’est résolu avec un traitement médical, nul besoin de le réopérer. Mais l’insuffisance respiratoire s’est aggravée, les besoins en oxygène et en kinésithérapie sont devenus plus pressants et une infection pulmonaire était à craindre, ce d’autant qu’il présentait de la fièvre. On sait qu’une infection pulmonaire peut être foudroyante chez ces malades totalement dépendants d’une machine et dénutris. On craint de devoir l’intuber. « Mais où sont les directives anticipées ? » Et sa mère nous remet des directives parfaitement claires sur la volonté de ne pas être intubé ni trachéotomisé. Que faisons-nous ? Les directives sont parfaitement valides, mais écrites dans la perspective de l’évolution naturelle de sa maladie. Certes, ce geste chirurgical a été réalisé dans le cadre de l’évolution de sa maladie, mais la complication actuelle est autant liée à l’acte qu’à son état. Une défaillance respiratoire peut très bien être réversible et nous nous en confions au malade. Ce dernier revient sur ses directives et nous autorise à l’intuber, si besoin, durant une courte période. Nous nous engageons, auprès de lui, à ne pas maintenir une ventilation invasive (intubation) plus de quelques jours au cas où nous serions amenés à l’intuber. Heureusement, grâce à l’intensification des soins, l’intubation a pu être évitée et il a pu quitter le service de réanimation.
Imaginons maintenant, que ce patient arrive dans ce service avec des troubles de conscience (épuisement respiratoire, état infectieux grave). Si les directives anticipées deviennent opposables, comment trouver les moyens de permettre l’expression d’un tel retournement ?
Ce cas réel m’amène à deux réflexions :
- Les directives anticipées ne sont pertinentes que produites par des personnes qui ont une conscience réelle de leur vulnérabilité. J’ai lu des directives émanant de personnes bien portantes et ce n’était que sottises et incohérence ; quand on est en bonne santé, on n’a pas idée de pouvoir frôler la mort pour un rien, et on n’a pas, autrement que sous forme de représentations terrifiantes, une conception claire de la dépendance ni du niveau de tolérance qui sera le notre à son contact.
- Ces directives sont une base de réflexion inestimable pour le médecin et leur rareté est, bien souvent, un handicap pour bien décider. Mais elles doivent être questionnées à la lumière du motif de prise en charge. De la même façon qu’une banale infection urinaire est soignée en service de soins palliatifs, car cette affection peut être douloureuse et source d’inconfort, sans remettre en cause l’arrêt des traitements de la maladie sous-jacente, une directive stipulant le refus d’une ventilation invasive dans le cadre d’une insuffisance respiratoire chronique, doit être confirmée par le patient après information et prise en compte des nuances de la situation actuelle. Sans compter que la perte transitoire des capacités de communication, peut nous amener à prendre des décisions respectueuses de la loi, sans être nécessairement le reflet de ce que souhaite le patient au moment précis de la prise en charge.
Rendre opposable des directives anticipées risque d’appauvrir la relation avec le patient, car dans la crainte d’être suspecté de n’avoir pas respecté ces dernières, le médecin peut être amené à les appliquer sans le discernement qui s’impose.

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Fin de vie : pour une évolution législative justifiée http://plusdignelavie.com/?p=2890 http://plusdignelavie.com/?p=2890#comments Sat, 10 Jan 2015 15:13:04 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2890 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, auteur de Fin de vie. Le choix de l’euthanasie ?, éditions le Cherche midi

 

L’intelligence d’une approche politique

La concertation nationale sur la fin de vie engagée par François Hollande le 17 juillet 2012 s’est conclue le 12 décembre 2014 par une « Proposition . . . → Read More: Fin de vie : pour une évolution législative justifiée]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, auteur de Fin de vie. Le choix de l’euthanasie ?, éditions le Cherche midi

 

L’intelligence d’une approche politique

La concertation nationale sur la fin de vie engagée par François Hollande le 17 juillet 2012 s’est conclue le 12 décembre 2014 par une « Proposition de loi modifiant la loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ». Ce temps d’écoute, de dialogue et d’approfondissement était nécessaire : il témoigne d’une exigence de respect, de prudence et de rigueur qui honore notre vie démocratique. Au-delà de la saisine de compétences convenues dans le champ de la santé et de la réflexion éthique, l’intelligence de cette approche politique aura été de favoriser l’émergence d’expressions trop souvent négligées dans le débat public. Au cours de ces deux années les postures se sont estompées, chacun prenant conscience de l’opportunité qu’il y avait à renoncer aux positions par trop marquées par l’idéologie ou des convictions réfractaires à l’analyse justifiée d’une réalité qui a évolué depuis 2005. Car contrairement aux idées reçues, la loi du 22 avril 2005 s’est implémentée dans le cadre des pratiques soignantes et a, plus qu’on ne l’admet, contribué à une pédagogie sociétale. Son évolution mesurée s’impose aujourd’hui comme le nécessaire ajustement de principes intangibles inspirés par les valeurs que nous partageons. Il me semble donc important de reconnaître la valeur et la signification de ce processus de délibération qui a été mené dans la transparence, avec pour souci d’associer, dans un esprit d’ouverture, le pluralisme des expériences, des expertises et des points de vue, sans concession, sans soumission, avec courage : de manière exemplaire. Cette démarche aboutie a rendu possible l’approche minutieuse de responsabilités complexes, délicates, relevant de nos devoirs d’humanité. Ainsi pouvons-nous dépasser ensemble le stade de controverses, de revendications, de positionnements figés qui s’avèrent aujourd’hui totalement dépassés, d’une autre époque.
La méthode choisie par le président de la République a situé le débat à son niveau d’exigence, renonçant aux slogans et aux sondages pour leur préférer l’argumentation, le discernement, la pondération et la concertation. Dans un premier temps la mission de réflexion sur la fin de vie a su recueillir avec justesse les ressentiments et les attentes suscités par la confrontation personnelle ou professionnelle au « mal mourir ». Remis le 19 décembre 2012, son rapport détaille les multiples circonstances de la fin de vie en France et soumet à une critique solidement étayée les hypothèses d’évolutions législatives avec leurs portée et conséquences possibles. Reprenant ce document de référence et répondant à de nouvelles questions formulées par François Hollande, dans leur avis n° 121 « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir » (1er juillet 2013) les membres du Comité consultatif national d’éthique poursuivent l’investigation, affinent les analyses et examinent avec précision les différentes options de ce que serait une approche de « l’assistance médicalisée en fin de vie » si, notamment, y étaient intégrés le suicide médicalement assisté ou l’euthanasie. Le 20 juin 2014 le Premier ministre confie enfin à deux parlementaires une mission visant à préparer un texte de loi relatif à l’accompagnement des personnes en fin de vie. C’est une « Proposition de loi modifiant la loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie » qui est présentée le 12 décembre au chef de l’État, et non une loi qui dépénaliserait l’euthanasie. Depuis le début de la concertation nationale, aucune instance n’a en effet exprimé une position favorable à une telle mutation législative, même si la notion « d’exception d’euthanasie » aura été évoquée, strictement encadrée, sans pour autant justifier sa transposition dans la loi. Cette proposition de loi procède d’un travail d’élaboration profondément respectueux de la singularité de circonstances intimes et ultimes qui sollicitent, face aux vulnérabilités existentielles, une solidarité profonde, un « engagement solidaire ». Ne serait-ce qu’à cet égard, sa légitimité s’avère indiscutable.

 

Valeurs engagées dans la proposition de loi

La conclusion de ce temps de mise en commun, au cœur de la cité, d’un questionnement à tant d’égards inédit et si délicat à instruire dans un contexte sécularisé et médicalisé, peut surprendre ou décevoir ceux qui depuis des années entravent la mise en œuvre de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Ses détracteurs ont en effet décidé qu’elle n’était que transitoire, avant son abrogation et le vote d’une loi dépénalisant l’euthanasie. Pour les deux parlementaires qui présentent cette proposition de loi (Alain Claeys et Jean Leonetti), il convient davantage en effet de rendre effectifs les droits de la personne malade déjà affirmés dans trois lois (9 juin 1999, 4 mars 2002, 22 avril 2005) que de se fixer l’objectif d’un texte législatif qui renoncerait à proposer un cadre conforme aux valeurs de dignité et de respect qu’incarne l’idée de démocratie. Tel est le véritable défi politique des semaines qui viennent, puisqu’un débat parlementaire est annoncé pour janvier 2015 suivi d’une loi vers mars : nos parlementaires doivent saisir la teneur et l’urgence des enjeux présents. Faute de quoi demain, par défaut de résolution, de mobilisation, de compétences, de dispositifs et de moyens il est évident que l’épreuve du « mal mourir » en France conduira inévitablement à décider d’une gestion administrative de la fin de vie en recourant notamment à la pratique de l’euthanasie. Au-delà de tout esprit partisan, au cours cette instruction publique menée depuis deux ans auront été confirmées la valeur et la pertinence de cette approche humaniste, juste et prudente de nos engagements auprès de celui qui meurt. Celle que s’est choisie avec la loi du 22 avril 2005 le pays inspirateur des droits de l’homme : elle constitue du reste une référence reprise dans nombre de pays.
Il me semble important de prendre en compte la signification politique des positions affirmées dans le préambule de la proposition de loi qui sera discutée début 2015 au parlement : « Cette longue marche vers une citoyenneté totale, y compris jusqu’au dernier instant de sa vie, doit déboucher vers la reconnaissance de nouveaux droits. À la volonté du patient, doit correspondre un acte du médecin. » (…) « Ces nouveaux droits nous semblent répondre à la volonté des Français de sauvegarder leur autonomie et de mourir de façon apaisée. » Les valeurs de dignité et de liberté sont posées comme les principes à honorer dans des circonstances où, parfois, l’évolution d’une maladie avec ses conséquences sur l’intégrité de la personne semble les compromettre : « Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit. » Dans l’exercice de cette « citoyenneté totale » aucune option n’est privilégiée, de telle sorte que chacun peut se déterminer selon ses préférences pour autant qu’il ne sollicite pas de l’équipe médicale une euthanasie et qu’il ne soit pas contraint à décider par défaut. Ainsi l’accès aux soins de support et aux soins palliatifs doit pouvoir constituer une alternative tangible. Ce n’est pas le cas aujourd’hui en France, par manque de dispositifs dédiés tant en institution qu’au domicile et tout autant de formations appropriées. François Hollande a annoncé à ce propos un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs, ce qui témoigne de sa volonté de promouvoir cet autre droit que représente la possibilité de bénéficier des soins d’accompagnement en toutes circonstances.

 

Ce que permettra la sédation profonde et continue

Un des aspects particulièrement sensible de la proposition de loi concerne la sédation profonde et continue : elle relèvera d’un droit reconnu à la personne atteinte « d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme (qui) présente une souffrance réfractaire au traitement » ou « d’une affection grave et incurable, (qui a décidé) d’arrêter un traitement, (ce qui) engage son pronostic vital à court terme ». Ce « traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » sera mis en œuvre à la demande de la personne. Elle en formulera la demande ou en aura exprimé la volonté dans la rédaction de ses directives anticipées qui s’imposeront « au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ». Ces directives deviendront ainsi « opposables » alors que dans la précédente loi elles constituaient seulement un avis ou une recommandation à prendre en compte pour orienter une délibération médicale collégiale, au même titre que la position exprimée par la personne de confiance.
La sédation profonde et continue à la demande d’une personne éprouvant une « souffrance réfractaire au traitement » ou atteinte d’une affection grave et incurable qui « engage son pronostic vital à court terme », représentera une évolution marquante dans les pratiques. L’appréciation des conditions d’indication de la sédation pourra en effet relever de critères personnels qui doivent être respectés, sans pour autant qu’ils interviennent dans le contexte limitatif du stade terminal d’une maladie. Cette conception de la « sédation terminale » applicable à des circonstances qui pourraient a priori ne pas relever au sens strict de la fin de vie est complétée par deux articles de la proposition de loi que certains ne manqueront pas de considérer comme une sorte d’ouverture possible vers ce que serait, faute d’encadrement précis, une logique d’euthanasie (dissimulée) : « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas subir tout traitement. » ; « La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. » En pratique l’équipe médicale se verra entravée de toute faculté d’appréciation de la recevabilité de la décision de la personne malade, ce qui ne manquera pas d’avoir une conséquence discutable sur les pratiques professionnelles, ne serait-ce que du point de vue de la signification même de l’engagement dans le soin. À cet égard il conviendra d’être attentif aux conséquences de la loi dans le contexte, par exemple, d’une tentative de suicide.
C’est dire à quel point cette proposition de loi ne se limite pas à la reformulation superficielle et opportuniste de certains aspects de la loi du 22 avril 2005. Elle tire de son évaluation critique des avancées significatives susceptibles de répondre y compris aux quelques circonstances qui justifiaient de nouvelles dispositions. À ce propos l’irruption en 2014, au cours de la concertation nationale, de la situation de M. Vincent Lambert, a suscité des clarifications d’autant plus justifiées que le Conseil d’État y a consacré le 24 juin 2014 une décision contentieuse. Encore serait-il indispensable de ne pas assimiler sans une extrême prudence certains états de handicaps sévères ou de maladies neurologiques dégénératives à une approche relevant sans autre discussion d’une législation relative à la fin de vie. Un encadrement rigoureux s’imposera pour éviter les interprétations abusives ou extensives d’un des articles de cette proposition de loi : « Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin a l’obligation de s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient. En l’absence de directives anticipées, il recueille le témoignage de la personne de confiance et à défaut de tout autre témoignage de la famille ou des proches. »

 

Pour une « assistance socialisée en fin de vie »

L’heure n’est pas encore d’analyser dans le détail une proposition de loi qui risque d’être soumise dès janvier aux controverses politiciennes et aux pressions partisanes convaincues de l’urgence d’aller plus loin et de dépénaliser l’euthanasie. Il est toutefois important, en démocrate, de considérer les conclusions de cette concertation nationale comme l’affirmation de valeurs fortes à propos desquelles on se saurait transiger. Il convient de créer les conditions favorables non seulement à l’appropriation de nouveaux droits reconnus à la personne malade jusqu’au terme de sa vie, mais également à l’affirmation de nos devoirs d’humanité là où nos responsabilités humaines et sociales sont engagées. Car ce n’est pas l’énoncé de procédures, de protocoles et de dispositifs administratifs, voire notariaux qui apportera ce supplément d’humanité et de sollicitude revendiqué comme un besoin fondamental lorsque nous sommes confrontés à la maladie grave, aux handicaps, à la souffrance et à la mort. À elle seule l’anticipation de circonstances si difficiles à se représenter et à assumer n’est en rien garante de notre faculté d’exercer de manière autonome une maîtrise idéalisée sur des circonstances qui par nature défient nos certitudes et rendent inconsistantes nos tentations de contrôle, notre « volonté de puissance ». Cette évocation ou formulation d’une sédation profonde et continue que certains dénomment déjà « sédation palliative », « sédation terminale » ou « sédation euthanasique » n’évite pas d’interroger ce qu’il en adviendra des conditions mêmes de l’accompagnement, de la relation de soin dès lors qu’y renoncer et y mettre un terme anticipé pourra constituer la manière « digne » et « apaisée » de se détacher des vivants. Cette ritualisation de l’endormissement jusqu’à ce que la mort advienne dans cette forme d’apparente sérénité, pourra bien vite perdre toute justification au point de rendre davantage impatient de la mort et de contester cette prolongation d’une existence ainsi dépouillée de la moindre signification. S’y ajouteront, à n’en pas douter, toutes sortes de normes, de suggestions, de contraintes (y compris d’ordres gestionnaires et économiques) qui influeront sur la faculté d’autodétermination notamment des plus vulnérables parmi nous. L’exigence de vigilance s’impose donc à chacun d’entre nous, en dépit de notre intime conviction de la justesse du cadre législatif proposé, attentif à prévenir les dérives et profondément respectueux de la personne dans son humanité et ses valeurs.
Les évolutions législatives qui seront discutées au parlement début 2015 procèdent d’une approche responsable des aspirations à l’autonomie et à la responsabilisation : il convient aujourd’hui de les reconnaître comme les droits fondamentaux (bien que trop souvent formels) de la personne malade. Le défi est donc celui de leur effectivité, ce qui tient certes à une volonté politique mais tout autant à notre capacité d’affronter notre finitude, d’assumer les conditions d’exercice de nos responsabilités sur la vie sans les déléguer à un « acte du médecin », y compris consenti. Il serait pernicieux que les extensions envisagées de la loi du 22 avril 2005 ne soient pas accompagnées d’une mobilisation sociétale qui permette de penser et de vivre la maladie ainsi que la fin de vie en société : reconnu dans une « citoyenneté totale ». Le défi politique ne se limite donc pas à proposer une loi relative aux « droits des malades » ou à « l’assistance médicalisée en fin de vie », là où devrait tout autant être pensée et assumée ensemble « une assistance socialisée en fin de vie ».

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Sondage IFOP : les Français et la fin de vie http://plusdignelavie.com/?p=2883 http://plusdignelavie.com/?p=2883#comments Tue, 23 Dec 2014 11:47:52 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2883 Les deux députés Alain Clays et Jean Leonetti ont remis le vendredi 12 décembre leur rapport sur la fin de vie au Président de la République, proposant des mesures pour assurer une « fin de vie apaisée » aux patients. Le sondage Ifop pour Ouest France interroge les Français sur cette problématique et montre . . . → Read More: Sondage IFOP : les Français et la fin de vie]]> Les deux députés Alain Clays et Jean Leonetti ont remis le vendredi 12 décembre leur rapport sur la fin de vie au Président de la République, proposant des mesures pour assurer une « fin de vie apaisée » aux patients. Le sondage Ifop pour Ouest France interroge les Français sur cette problématique et montre que 53% d’entre eux se prononcent en faveur des soins palliatifs.

Les connaissances des Français sur les questions de fin de vie demeurent imparfaites. Interrogées sur les conséquences de la loi Leonetti de 2005, une courte majorité de personnes interrogées est au courant de l’obligation des médecins à soulager toutes les douleurs même si le traitement a comme effet d’accélérer la survenue du décès (55%) ou de l’obligation des médecins à respecter la libertés des personnes souffrant de maladies incurables et douloureuses de ne pas être maintenues artificiellement en vie (52%). Les connaissances sur les soins palliatifs s’avèrent plus précises. Une large majorité de personnes s’accorde sur le fait que les soins palliatifs consistent à supprimer la douleur des patients (87%) et à accompagner et soulager psychologiquement les patients (86%).

Entre un bénéfice de soins palliatifs (53%) et une injection mortelle (47%), une courte majorité de Français se prononce en faveur de la première option. Au-delà de cet arbitrage, le développement des soins palliatifs est parallèlement souhaité vivement, 95% des personnes interrogées jugeant utile de développer les soins palliatifs pour que toute personne puisse y accéder, en particulier à domicile et en maison de retraite, pour améliorer la prise en charge et l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Ce document présente les résultats d’une étude réalisée par l’Ifop. Elle respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage. Les enseignements qu’elle indique reflètent un état de l’opinion à l’instant de sa réalisation et non pas une prédiction.

Capture d’écran 2014-12-23 à 12.45.53Lire le document

 

 

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Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde http://plusdignelavie.com/?p=2878 http://plusdignelavie.com/?p=2878#comments Thu, 18 Dec 2014 12:23:17 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2878 Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde

Jean Fontant

Interne, président de l’association Soigner dans la dignité

 

Nous sommes plus de 500 étudiants en médecine de toute la France, regroupés au sein de l’association Soigner dans la dignité pour encourager la réflexion et la formation sur la fin de vie.

Nous . . . → Read More: Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde]]> Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde

Jean Fontant

Interne, président de l’association Soigner dans la dignité

 

Nous sommes plus de 500 étudiants en médecine de toute la France, regroupés au sein de l’association Soigner dans la dignité pour encourager la réflexion et la formation sur la fin de vie.

Nous voulons lutter contre les peurs entourant la fin de vie, la défiance entretenue par certains contre le corps médical, et contre un préjugé destructeur : non, on ne meurt pas en France dans d’atroces souffrances, les solutions existent mais manquent de moyens et de visibilité.

Les lois sur la fin de vie ne sont pas assez connues et appliquées. Ce constat unanime motive certains pour demander un nouveau texte. Nous refusons cette démarche. Le cadre actuel de 2005, reconnu et estimé à l’étranger, ouvre une troisième voie raisonnable entre acharnement thérapeutique et euthanasie. La priorité est de faire connaitre cette loi, et non d’en écrire une nouvelle.

Alors que le rapport que vont rendre prochainement Jean Leonetti et Alain Claeys à l’Assemblée Nationale devrait proposer des changements importants dans ce domaine, il nous semble important de revenir sur le cas de la sédation en phase terminale d’une maladie.

Ce procédé consiste à faire baisser la vigilance du malade de manière réversible dans les  situations extrêmes de souffrances liées à une angoisse forte, de détresse respiratoire ou de très rares douleurs réfractaires au traitement antalgique. Ce protocole n’intervient qu’en dernier recours, il concerne une très faible proportion des personnes accompagnées en soins palliatifs. En effet, les médicaments utilisés sont néfastes pour l’organisme, et peuvent abréger la vie du patient par ailleurs.

La loi encadre l’utilisation de tels produits. S’applique alors le principe du double effet : un tel acte médical n’est possible que si l’intention et la volonté du médecin sont d’apaiser les souffrances de la personne, et non d’abréger sa vie. Le critère d’intentionnalité introduit ici ne se réduit pas à un concept moral, au contraire. L’intention qui préside à la mise en place d’un traitement régi par le double effet est visible dans les doses mises en place. Les médecins recherchent en effet la plus faible dose efficace, pour minimiser les effets secondaires du produit.

Nous sommes alertés par certains propos tenus actuellement à propos de la sédation. On nous parle notamment d’un « droit à la sédation profonde et terminale », évacuant le principe du double effet. On autoriserait alors très clairement le médecin à donner la mort à son patient, en conscience. Il pourrait ainsi utiliser un sédatif à forte dose, sans que la loi ne prenne en compte son intention. Nous refusons le raccourci mensonger et malheureux d’une euthanasie par sédation profonde, hypocritement déguisée sous ce nom de sédation terminale. Cette mesure n’est pas un ajustement. Elle franchit une limite dangereuse : nous entrons dans la  logique euthanasique.

Nous payons aujourd’hui le lourd tribu du manque critique de praticiens formés et disposant des moyens nécessaires à accompagner le mourant dans le respect de sa dignité d’homme. Nous, soignants de la France de demain, voulons être une force de proposition au service d’une médecine à visage humain. Nous constatons l’urgence d’informer nos concitoyens sur la loi. Nous désirons être formés à l’accompagnement et refusons  toute mesure qui donne au médecin le pouvoir de mettre fin à la vie de son patient. Notre vocation de médecins reçue d’Hippocrate est de « guérir parfois, soulager souvent, réconforter toujours ». Nous sommes au service de nos patients, nous ne voulons pas d’une médecine qui distille la vie ou la mort à volonté.

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Donner la mort, un pouvoir délégué aux médecins ? http://plusdignelavie.com/?p=2870 http://plusdignelavie.com/?p=2870#comments Thu, 11 Dec 2014 09:35:15 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2870 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Dans les années 1980, le mouvement des soins palliatifs a tenté d’instaurer une nouvelle approche de la fin de vie. Dans un contexte d’abus de la technicité, alors que les personnes malades n’étaient pas encore reconnues dans leurs droits, cette mobilisation a permis de repenser l’engagement . . . → Read More: Donner la mort, un pouvoir délégué aux médecins ?]]> Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Dans les années 1980, le mouvement des soins palliatifs a tenté d’instaurer une nouvelle approche de la fin de vie. Dans un contexte d’abus de la technicité, alors que les personnes malades n’étaient pas encore reconnues dans leurs droits, cette mobilisation a permis de repenser l’engagement dans le soin. Ces militants d’une cause ignorée ou négligée, dénonçaient déjà les pratiques indignes : la dissimulation des pronostics graves, une indifférence au contrôle de la douleur et à l’apaisement de la souffrance, l’abandon lorsque la médecine s’avérait impuissante à guérir, le manque de concertation et déjà « la pente de l’euthanasie » pratiquée à l’insu sans susciter la moindre discussion. Trente ans plus tard, alors que la mort intervient dans près de 70 % des circonstances en institution, notre société s’est habituée à déléguer à des professionnels ses obligations face à celui qui meurt, au point d’occulter la signification du temps partagé avec l’autre en fin de vie. Tout semble indiquer en effet qu’après avoir choisi dans un premier temps la justesse d’une approche législative prudente (le 22 avril 2005), il conviendrait d’y renoncer faute d’avoir eu le courage politique à la fois de la soutenir en pratique et de la faire connaître dans les avancées qu’elle permettait. Le chemin vers la « libéralisation de la mort » devrait franchir une nouvelle étape relevant d’une urgence politique : la France se doterait dans les prochains mois d’une loi dépénalisant le suicide médicalement assisté, voire l’euthanasie. La « dernière liberté » invoquée depuis des années par les militants de « la mort dans la dignité » relèverait demain de protocoles dument exécutés dans un contexte médicalisé, alternative soignante estimée par certains plus digne que ne l’étaient les soins palliatifs. Cette « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité » (proposition n° 21 du programme électoral de François Hollande en 2012) conclurait des années de disputations visant, prétendait-on, à conférer à la personne au terme de sa vie une considération et une autorité que lui avait confisqué une médecine par trop technique pour encore comprendre le sens d’une sollicitude. C’est pourtant à cette médecine que l’on s’en remettrait pour accomplir le dernier acte, conclure son œuvre : paradoxe qui ne semble que peu préoccuper ceux qui souhaitent lui confier cette ultime mission. À la suite d’une curieuse construction qui dans les années 1980 contestait la démesure du pouvoir médical et le scandale de « l’acharnement thérapeutique », c’est à son arbitrage que l’on s’en remettra pour abréger une existence considérée indigne d’être poursuivie. Certes, afin de sauver les apparences on y mettra pour la bonne forme la rédaction de directives anticipées opposables, voire un processus décisionnel collégial. Et le terme de sédation qui dénommera l’exécution d’un protocole médical ayant pour fin la mort d’une personne ne saura être attaché à l’acte euthanasique, tant les manipulations sémantiques permettent de préserver les apparences. La sédation serait ainsi « profonde » ou « terminale », pour ne jamais dire « euthanasique ». En fait, ces mêmes médecins que l’on contestait avec une telle véhémence hier dans leurs arbitraires et leur manque d’humanité, vont se voir confier le pouvoir légal d’interrompre une existence, certes dans le cadre procédural d’un dispositif élaboré avec la minutie d’un acte notarial et à la demande, nous dit-on, de 96 % des Français . Cette délivrance de la vie ainsi déléguée par nos politiques à la compétence médicale, semblerait la solution qui s’impose, plus efficace en fait que l’exigence de respect et de sollicitude témoignés à la personne malade et à ses proches dans le cadre d’un accompagnement vrai. S’en satisfaire comme d’une conquête de la liberté et d’une avancée démocratique, c’est renoncer à considérer notre présence et notre attention auprès de celui qui va mourir comme l’ultime expression de la réelle solidarité qu’il attend de nous.

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Ouvrir ou non la voie à l’euthanasie, une lecture du Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie http://plusdignelavie.com/?p=2866 http://plusdignelavie.com/?p=2866#comments Fri, 14 Nov 2014 00:38:24 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2866 Emmanuel Hirsch

Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

 

Un exercice délicat

Le chapitre 9 sur lequel se referme le rapport « sur le débat public concernant la fin de vie » que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu public le 23 octobre 2014 est fort judicieusement intitulé : « Prendre . . . → Read More: Ouvrir ou non la voie à l’euthanasie, une lecture du Rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie]]> Emmanuel Hirsch

Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

 

Un exercice délicat

Le chapitre 9 sur lequel se referme le rapport « sur le débat public concernant la fin de vie » que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu public le 23 octobre 2014 est fort judicieusement intitulé : « Prendre la mesure de la complexité ». Cette compilation commentée rassemblant – dans une visée d’exhaustivité – textes, verbatim, commentaires et autres renvois de bas de page s’avère en fait d’un accès pour le moins difficile. L’exercice était certes délicat, voire incertain. Dès lors pourquoi s’y être risqué ? Rien à voir avec la qualité de l’avis n° 121 du CCNE présenté le 1er juillet 2013 : « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir. » Si l’objectif était de récapituler dans un ensemble synthétique les données issues de la concertation nationale, comment comprendre dès lors ces considérations et propositions avancées au fil de l’inventaire ? Elles ajoutent à la complexité d’un assemblage touffu des préconisations qui relèvent davantage d’un avis que d’un rapport. Il aurait été plus convaincant de présenter cette contribution comme une extension de l’avis n° 121 ainsi enrichi de cette consultation publique prolifique. Car en fait l’intérêt de ce document au statut incertain tient essentiellement à la pertinence des réflexions qu’en tirent les membres du CCNE, même si les interprétations qui en seront faites ouvrent la porte à toutes les éventualités. Avant de revenir sur les quelques points à retenir du rapport du CCNE, rappelons brièvement la chronologie de cette concertation nationale sur la fin de vie. Elle doit se conclure début décembre. La contribution du CCNE pourrait préfigurer les orientations qui en seront issues dans la perspective d’une évolution, voire d’une mutation législative.
Le 17 juillet 2012, François Hollande lance à Rueil-Malmaison une mission consacrée à la fin de vie. Il s’agissait pour lui de répondre à un engagement affirmé dans sa proposition 21 de candidat à la présidence de la République : « (…) que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Pour certains commentateurs, l’évolution ainsi annoncée de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie devait mener à une dépénalisation de l’euthanasie ou, du moins, à une transposition en France de la procédure du suicide médicalement assisté. François Hollande confie à Didier Sicard « un travail de réflexion, d’information, de concertation ». Il lui demande de prendre en compte une interrogation forte : « Faut-il, peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager des patients aux prises avec une douleur irréversible ? » Le calendrier est alors serré, un projet de loi est évoqué pour juin 2013. Le rapport rédigé dans le cadre de la mission Sicard est remis au chef de l’État le 18 décembre 2012 : « Penser solidairement la fin de vie. » Si des évolutions sont proposées, elles ne concernent pas l’euthanasie. Le jour même François Hollande saisit le Comité consultatif national d’éthique. Le Comité rend son avis n° 121 le 1er juillet 2013 : « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir. » Il devait être suivi, après le détour d’une « conférence de citoyens sur la fin de vie » qui produit ses conclusions le 16 décembre 2013, par la publication d’un rapport de synthèse reprenant les principaux enseignements à tirer de cette concertation nationale dont nous avons pris connaissance le 23 octobre 2014. Une circonstance imprévue à fort impact médiatique a en effet retardé sa publication, avec l’intervention du Conseil d’État le 19 février 2014 dans le cadre d’une décision relative à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de M. Vincent Lambert. La haute juridiction s’est prononcée le 24 juin 2014. Le processus de concertation national a été ainsi suspendu pendant quelques mois. Le 21 juin 2014, une nouvelle mission, dont tout indique qu’elle marque le terme de la consultation, est cette fois confiée à deux parlementaires. Il leur est demandé de proposer avant le 1er décembre 2014 les principes d’un texte de loi visant à « assurer le développement de la médecine palliative, mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées, définir les conditions et les circonstances précises dans lesquelles l’apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie dans le respect de l’autonomie de la personne ».

 

Les ambiguïtés d’un rapport complexe

Le « rapport du CCNE sur le débat public concernant la fin de vie » reprend, à juste titre, le « constat accablant » du non respect des droits de la personne malade en fin de vie. Non seulement la loi n’est pas respectée – et cela d’autant plus dans un contexte de vulnérabilités humaines et sociales –, mais le système de santé lui-même est inadapté aux missions qui lui sont imparties. Les maladies chroniques et invalidantes, les circonstances de perte d’autonomie, les handicaps en appellent à la dignité et à la qualité d’un soin mais également d’une sollicitude sociale. Ce cumul de négligences au regard de choix qui privilégient d’autres valeurs et altèrent nos exigences de respect et de considération aboutit à l’exclusion, voire à la mort sociale là où nos solidarités ont à être mobilisées. Cette déploration convenue ne dit toutefois rien de ce qui se réalise au quotidien dans des institutions comme par exemple les Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou les Maisons d’accueil spécialisées (MAS) qui ne relèvent de la vigilance du CCNE que pour évoquer leurs insuffisances. À vouloir ainsi ramener à des considérations générales par trop misérabilistes la diversité des circonstances trop souvent ignorées y compris dans les réflexions éthiques, on renonce à valoriser tant d’initiatives remarquables qui font évoluer les pratiques avec plus d’efficacité que des observations distancées ou de pieuses intentions. Cette exemplarité est digne d’une considération qui pourrait trouver sa place dans un texte à visée éthique.
De même, la critique du système de santé en tant que tel justifierait bien des nuances dans la mesure où les instances publiques ne sont pas, autant qu’on le laisserait entendre, réfractaires aux impulsions que soutient l’idée de démocratie sanitaire. Il est des membres du CCNE en position de responsabilité dans le champ de la santé publique ou des soins palliatifs : ils pourraient dès lors estimer judicieux de ne pas se cantonner au registre des invocations ou alors tirer à titre personnel les conclusions des inanités qu’ils dénoncent. D’autre part, on ne saurait institutionnaliser ou médicaliser à l’extrême les réponses à inventer ensemble pour mieux accueillir dans la cité les personnes vulnérables dans la maladie et en fin de vie. La mobilisation citoyenne relève d’une pédagogie de la responsabilité partagée qui procède de l’effectivité des valeurs de notre démocratie, de la réalité concrète de l’engagement solidaire. Aucun texte législatif sur la fin de vie ne parviendra à nous situer à la hauteur de cette exigence. Le risque est plutôt qu’il désinvestisse le corps social de ses missions auprès de celui qui souffre et espère de notre part une réponse sociétale autre que la légitimation d’une mort médicalement anticipée.
Le CCNE évoque avec une certaine gravité mais somme toute de manière distanciée « un profond clivage » entre les positions favorables ou non à la dépénalisation du suicide médicalement assisté ou de l’euthanasie. À cet égard ce rapport me semble permettre à l’instance d’éthique de concéder aux responsables politiques l’acceptation, certes prudente et pondérée, d’une mutation législative qui aurait paru profondément discutable s’il s’était agi de l’argumenter dans le cadre d’un avis du CCNE (il nous a été rappelé – de toute évidence à bon escient – qu’il s’agit en l’occurrence seulement d’un rapport : le législateur sera-t-il sensible à de telles nuances ?). Le rapport « Penser solidairement la fin de vie » ainsi que l’avis n° 121 du CCNE s’avèrent de ce point de vue plus rigoureux, explicites, voire courageux dès lors qu’ils explicitent sur le fond une position réticente à toute évolution qui aboutirait à légitimer une transgression. D’où l’ambiguïté de ce document complexe dans sa forme au point d’altérer l’expressivité d’une exigence éthique ou du moins de permettre d’en distinguer les repères nécessaires. Cette neutralisation de la responsabilité éthique qui apparaît au mieux comme une forme de respect du pluralisme des opinions et au pire comme une distanciation, interroge. Je ne suis pas certain que les décideurs y trouvent un avantage et que les représentations sociales de la réflexion éthique y gagnent en considération. Là où sont à ce point engagés les principes d’humanité, des droits de l’homme et du vivre ensemble, chacun attendait d’un rapport du CCNE une précision, pour ne pas dire une robustesse des propos qui semblent faire défaut. Je le regrette d’autant plus que, depuis 1983, le comité a su nous enrichir d’argumentations fortes, souvent courageuses et en tant que telles peu contestables car utiles au bien commun. Elles constituent pour moi une indispensable référence. Nous voilà bien éloignés de l’esprit et de la démarche de l’avis n° 63 du CCNE « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie » (27 janvier 2000) considérant avec beaucoup de justesse « une sorte d’exception d’euthanasie, qui pourrait être prévue par la loi, (qui) permettrait d’apprécier tant les circonstances exceptionnelles pouvant conduire à des arrêts de vie que les conditions de leur réalisation ». Il nous était alors donné de prendre en compte la véritable complexité de certaines circonstances spécifiques exposant à une transgression envisageable avec circonspection, sans pour autant la banaliser dans un texte accommodant de loi. Mais il me sera rappelé que le rapport « sur le débat public concernant la fin de vie » se veut représentatif de la diversité des débats et en aucun cas l’expression d’un avis émanant du CCNE…

 

La réflexion éthique à l’épreuve de ses limites

Comme dans un puzzle composé d’éléments qui ne trouvent leur cohérence et leur expressivité que lorsqu’ils ont été reconstitués dans la forme qu’ils devaient prendre, le rapport du CCNE juxtapose des préconisations disparates qui, sans évoquer explicitement le terme, pourraient aboutir in fine à des pratiques assimilables à une forme d’euthanasie. Le caractère « contraignant » des directives anticipées dans les conditions qui sont mentionnées ainsi que « le droit à une sédation profonde jusqu’au décès » ramènent en toute logique à des procédures que certains associent à une euthanasie dissimulée dont ils dénoncent l’hypocrisie. Comment comprendre du reste la signification, voire l’acceptabilité de ce temps de sédation avant que la mort advienne, dont il nous est dit qu’il n’a rien à voir à ce que serait une euthanasie lente en cela distincte d’une lente agonie ?
Certes le CCNE insiste sur une conception renouvelée de la « procédure collégiale » qui doit relever d’un « processus décisionnel » afin d’être garant à la fois du respect des formes et des modalités d’arbitrage de la décision. Chacun appréciera la nuance ou la rhétorique, notamment à l’analyse des commentaires publics apportés par certains membres du CCNE parmi les plus compétents en ces domaines. De leur point de vue, l’inconditionnel respect de l’autonomie de la personne en fin de vie doit être promu comme valeur supérieure, au même titre qu’un dogme sur lequel on ne saurait transiger. On constate pourtant sur le terrain les effets parfois délétères de ce qui relève aujourd’hui d’une obstination idéologique, notamment à l’égard des personnes les plus vulnérables parmi nous, souvent démunies de tout recours pour éclairer un choix. Une même opiniâtreté s’affirme à propos du devoir imparti à tout médecin de mettre en œuvre les directives anticipées qui deviendraient opposables, sans être reconnu dans sa faculté de discernement ne serait-ce que par souci de justice dans un contexte parfois extrême où s’accentuent les fragilités humaines et sociales. À cet égard le droit à une clause de conscience pourrait même être discuté…

À vouloir manipuler ainsi les paradoxes et les arguties, la complexité devient telle qu’il semble urgent d’y mettre de l’ordre et de la loi ! Qu’en est-il de plus de la prise en compte de l’ambivalence des positions, de l’impossibilité de se représenter l’imminence de la mort sans être entravé dans sa faculté de jugement ? De telles simplifications inquiètent là où précisément la singularité et la complexité des circonstances sollicitent une attention et une prudence inconciliables avec des protocoles que l’on aspire à systématiser sous couvert de légalité.

Que l’on me comprenne bien : je limite mon propos à une lecture immédiate d’un texte du CCNE certes difficile d’accès mais qui a pour ambition de synthétiser les points essentiels d’une concertation qui touche à nos valeurs d’humanité. Mon désappointement est à la hauteur de ce que j’attendais d’une démarche instruite par le CCNE. Rien ne manque pour autant dans le rapport du CCNE en termes de compilation des formules obligées, de mise en cause des manquements et des incompétences, d’hommage aux soins de support et aux soins palliatifs (qui devraient être reconsidérés dans la continuité des soins), de rappel des multiples préconisations restées lettres mortes alors qu’elles auraient pu contribuer à une meilleure implémentation sociétale de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, etc. Rien n’est omis des formules attendues, des considérations de toute nature et de tous statuts à ce point sollicitées dans un souci d’exhaustivité que les positions en deviennent parfois indistinctes jusqu’à se neutraliser. Si tel était l’objectif de ce rapport, cet inventaire reprenant avec minutie ce qui doit être retenu de ces deux années de concertation s’avère aussi concluant qu’un acte notarié. Du reste chacun aura la satisfaction d’y puiser ce qu’il cherche et même d’être conforté à titre personnel dans sa résolution initiale… Ceci explique, je le pense, que ce document n’ait pas suscité la moindre réaction significative au-delà des commentaires de membres du CCNE. Sa prudence – s’il s’agissait d’une stratégie – est de ce point de vue couronnée de succès.
Depuis deux ans, à l’initiative de François Hollande, les réflexions partagées dans un cadre public favorable à une compréhension réciproque nous ont permis de mieux prendre conscience des enjeux majeurs jusqu’alors trop souvent étouffés par des disputations idéologiques peu conséquentes ou alors des débats entre spécialistes. Les positions se sont rapprochées, témoignant d’un même souci à la cause de la personne qui souffre, trop souvent bafouée dans ses droits et ses valeurs, isolée voire reléguée socialement, négligée et moralement affectée au terme de sa vie. À juxtaposer selon un ordonnancement incertain des données diffuses alors qu’ils auraient pu viser à dégager une certaine cohérence et contribuer à mieux faire apparaître quelques lignes de fond, les membres du CCNE rendent une copie que certains considèreront soigneuse, honnête, voire « objective », neutre et donc recevable. Cette conception de l’exigence éthique ne me semble pas correspondre aujourd’hui à ce que l’on attend d’une instance qui aurait pu affirmer – fidèle à sa tradition – les principes inaliénables et les repères indispensables, et ainsi mieux contribuer à ce que seront les choix politiques désormais attendus.
Il nous reste à faire confiance aux responsables politiques, à notre représentation nationale pour être en capacité de concevoir, d’affirmer, d’assumer et de défendre les valeurs de la démocratie là où la proximité de la mort en appelle à une authentique sollicitude. Puisqu’il s’agit, on l’aura compris, d’ouvrir ou non la voie à l’euthanasie.

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