Plus digne la vie » risque http://plusdignelavie.com Le site du collectif Plus digne la vie, défenses et réflexions autour de la dignité de la personne, notamment en situation de handicap et de fin de vie Thu, 20 Feb 2014 01:03:15 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.8.1 Vincent Lambert : reconnaître d’autres droits de la personne malade http://plusdignelavie.com/?p=2742 http://plusdignelavie.com/?p=2742#comments Thu, 20 Feb 2014 01:00:22 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2742 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Des soins prolongés

« La personne malade a droit au respect de sa dignité. » La référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui énonce ce principe pourrait s’imposer dans . . . → Read More: Vincent Lambert : reconnaître d’autres droits de la personne malade]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Des soins prolongés

« La personne malade a droit au respect de sa dignité. » La référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui énonce ce principe pourrait s’imposer dans le contexte des controverses suscitées par la situation de Vincent Lambert. Cette même loi précise : « Les professionnels mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. » Du reste, deux mois après son vote, une circulaire du ministère chargé de la santé était consacrée le 3 mai 2002 « à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel ». Le concept de « soins prolongés » y est évoqué en tenant compte de ses spécificités : « ils s’adressent à des personnes « atteintes de maladies chroniques invalidantes avec risque de défaillance des fonctions vitales, nécessitant une surveillance médicale constante et des soins continus à caractère technique ». On le voit donc, l’approche des modalités d’accueil et de suivi des personnes cérébro-lésées n’est à aucun moment conditionnée par une réflexion portant sur la fin de leur vie, même s’il convient d’anticiper de manière concertée les phases d’évolutions. Il peut même apparaître surprenant que le cadre d’existence actuel de Vincent Lambert soit une unité de soins palliatifs et non une structure dédiée. Des professionnels compétents ont su développer une expertise indispensable dans un contexte douloureux, complexe et incertain qui sollicite une qualité d’attention et de retenue tant à l’égard de la personne en état de conscience minimale que de ses proches.
L’existence de ces personnes se poursuit sans le recours aux moyens qui « apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » que réprouve la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Et, si elle s’imposait selon des critères médicaux probants, la décision relative à une limitation ou à un arrêt des traitements encadrée par la « loi Leonetti » serait intervenue dans la phase intensive de réanimation. À cet égard se pose la question du pronostic, lorsqu’à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien les séquelles sont susceptibles de compromettre la qualité de vie de la personne et ses facultés relationnelles. Il serait intéressant d’évaluer à cet égard dans les pratiques les conséquences d’évolutions tant législatives que du point de vue de l’imagerie fonctionnelle. Tout semble indiquer que les décisions s’envisageraient désormais en amont, « dans les premières heures », ne serait-ce qu’avec le souci d’éviter l’engrenage de situations estimées insupportables. Le doute est-il alors favorable à la survie de la personne alors qu’elle aura rarement anticipé une réalité aussi catastrophique et qu’il est humainement impossible de se la représenter ? Les proches sont-ils à même d’exprimer un point de vue fondé, alors que l’impact d’un tel désastre que rien ne permettait de présager bouleverse leurs repères et les soumet à des dilemmes sans véritable issue satisfaisante ? Serait-il possible de définir un seuil temporel au-delà duquel la situation serait considérée irrévocable, s’agissant par exemple de traumatisme crâniens dont l’évolutivité est incertaine ? Dans ce cas c’est en termes de mois, voire d’années que le processus décisionnel s’élabore, et aucune législation actuelle n’intègre la situation d’une personne stabilisée dans un état de conscience minimale dont la poursuite des soins apparaitrait à un moment donné injustifiée.

 

Une exigence de prudence

Dans ce contexte extrême, éprouvé dans sa violence, son injustice, l’arbitrage de la décision ne saurait relever de la seule procédure médicale formellement recevable. D’autres enjeux conditionnent la recevabilité d’une décision qui doit tenir compte de la pluralité des points de vue et surtout de l’intérêt direct la personne concernée. Lorsque la discussion porte sur l’irréversibilité d’un traumatisme, sur les facultés, même limitées, d’évolution dans le temps, quels principes ou quelles valeurs faire prévaloir alors que rien n’indique ce que serait la préférence de la personne ? Peut-on se satisfaire de l’interprétation hasardeuse de postures, de crispations qui inclineraient à y voir l’expression d’un refus ou au contraire d’une volonté de vivre ? Au nom de quelle autorité et selon quels critères assumer le choix de renoncer ou au contraire celui de poursuivre ? La position des proches doit-elle s’avérer déterminante alors que l’on sait l’impact des circonstances sur leur vie au quotidien ? Les compétences médicales elles-mêmes n’auraient-elles pas parfois leurs limites dans la capacité de discernement lorsque le soin d’une personne relève de considérations humaines et sociales autres que strictement techniques, et plus encore lorsque certains aspects de ce qui apparaît de l’ordre de la survie semblent échapper aux tentatives d’évaluations strictement scientifiques ? Le débat portant sur les caractéristiques mêmes d’un état pauci-relationnel en disent long des incertitudes qu’il importe de ne pas négliger en préservant une exigence de prudence.
Un projet de loi relatif à la fin de vie nous est annoncé dans les prochains mois. Il devrait concerner les conditions d’assistance médicalisée en fin de vie, et déjà certaines discussions de qualité portent sur des directives anticipées qui pourraient être opposables, sur le suicide médicalement assisté et sur la sédation terminale. Il y a quelques jours encore, le président de la République a rappelé son attachement à l’encadrement strict des évolutions qu’il souhaite. Les valeurs de solidarité et de compassion sont sollicitées, ainsi que l’importance de situer de tels enjeux au plan de la responsabilité politique. Après s’être laïcisée, puis médicalisée, notre approche de la mort s’est politisée. Demain l’enjeu sera de la resocialiser et de tenter de reconstituer l’expression d’une sollicitude témoignée à la personne malade et à ses proches jusqu’au terme de son existence qui ne se limiterait pas à définir les seules conditions de sa mort.
Pour autant, a priori cette évolution législative ne paraît pas relever de circonstances liées à la maladie chronique, aux maladies neurologiques dégénératives, à certaines formes de handicaps qui ne sont pas assimilables d’emblée à la fin de vie. À commettre cet amalgame, nous serions conduits à condamner à la mort certaines formes de vie qui, pour inhabituelles et endommagées qu’elles soient, continuent de solliciter notre attention. Afin d’éviter toute interprétation hasardeuse ou ces dérives observées dans les quelques pays qui ont dépénalisé l’euthanasie, les instances sollicitées par François Hollande pour éclairer sa décision estiment que la difficulté sera précisément de caractériser ce qui justifierait spécifiquement une extension des indications de la loi relative à la fin de vie. Des notions comme celle de « sédation euthanasique » ou d’« exception d’euthanasie » sont avancées, notamment pour tenter d’apporter une réponse compassionnelle aux situations les plus délicates. A propos de la décision collégiale arbitrée dans les conditions que l’on sait par l’équipe de l’unité de soins palliatifs où est hospitalisé Vincent Lambert, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation est interprétée comme une « euthanasie passive ». Outre l’importance qu’il y aurait à clarifier les concepts afin de nous prémunir d’interprétations préjudiciables à l’intérêt direct de la personne malade, ne serait-il pas opportun de consacrer une véritable réflexion aux situations inhérentes à la chronicité de certaines maladies, aux conséquences des maladies évolutives ou aux handicap sévères qui limitent ou abolissent les facultés cognitives, voire la vie relationnelle de la personne ? Il n’est pas sage d’appréhender ces réalités humaines sous le seul prisme des conditions du terme de l’existence.

 

Une révision de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades

Lorsque la personne n’est pas ou plus en capacité de consentir, son assentiment peut-il encore être sollicité, ainsi que le préconise l’Association Médicale Mondiale dans la version de la déclaration d’Helsinki revue en octobre 2013 ? Comment apprécier, de manière rétrospective, quelles étaient les préférences d’une personne incapable de communiquer afin d’en tenir compte dans une prise de décision médicale ? Ne devrions-nous pas repenser notre approche d’obligations qui, pour s’avérer plus fortes à l’égard de la personne du fait même de son extrême vulnérabilité, engagent en toutes circonstances à ne se préoccuper que de son intérêt propre et à y consacrer les dispositifs adaptés ?
En fait, une voie jusqu’à présent inexplorée me semble s’imposer désormais dans la concertation nationale sur la fin de vie et, au-delà, s’agissant des personnes dans l’incapacité de consentir ou de refuser un traitement. Ne serait-il pas cohérent d’intégrer les évolutions législatives annoncées portant sur la fin de vie, à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé révisée, tout en accordant un soin particulier à la prise en compte des réalités complexes de la maladie chronique, des maladies neurologiques évolutives et des handicaps complexes ? D’autres droits doivent donc être reconnus à la personne malade : susceptibles de répondre avec humanité et compétence à des attentes jusqu’alors négligées ou dévoyées. De telle sorte que le « parcours de vie » dans le « parcours de soin » évoqué avec tant de justesse dans la Stratégie nationale de santé puisse relever de l’engagement effectif d’« assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort » ?
La dignité du soin tient essentiellement aux conditions qui favorisent une relation de confiance. Cela engage à tenir compte de valeurs d’humanité qui ajoutent à la complexité d’arbitrages redoutables, notamment dans le contexte d’incertitudes, d’ambivalences et d’approximations évoquées publiquement dans l’accompagnement de décisions qui touchent à l’existence de Vincent Lambert. C’est pourquoi, peut-être, la justice garante des droits de la personne a par deux fois affirmé une position contradictoire à celle arbitrée par des médecins du CHU de Reims. Plutôt que de déplorer ces jugements ou de dénoncer « une mauvaise loi » qu’il conviendrait d’adapter y compris aux circonstances ne relevant pas de la fin de vie, ne convient-il pas d’approfondir notre réflexion et de mieux comprendre nos responsabilités dans les circonstances qui nous interpellent aujourd’hui ?

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Directives anticipées : les véritables enjeux http://plusdignelavie.com/?p=2729 http://plusdignelavie.com/?p=2729#comments Mon, 10 Feb 2014 16:17:54 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2729 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

 

« Prendre une minute pour en parler »

Au décours de circonstances humaines douloureuses évoquées ces derniers jours à propos de la controverse publique qui concerne la destinée d’une personne en état dit pauci relationnel, le dispositif des directives anticipées focalise des prises de positions . . . → Read More: Directives anticipées : les véritables enjeux]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

 

« Prendre une minute pour en parler »

Au décours de circonstances humaines douloureuses évoquées ces derniers jours à propos de la controverse publique qui concerne la destinée d’une personne en état dit pauci relationnel, le dispositif des directives anticipées focalise des prises de positions pour le moins expéditives. S’il était, en effet, à ce point évident de souscrire à cette proposition apparemment avantageuse et de nature à prémunir la personne malade de tout excès indu et donc d’apaiser toute inquiétude, comment expliquer de fortes réticences qui ne tiennent ni à la rétention de l’information par quelque pouvoir obscur, ni à quelque arrière combat du paternalisme médical ? Car en pratique peu nombreux sont ceux qui, à la manière d’un testament, envisagent comment allant de soi, de formuler par écrit ce qu’ils exigeraient de l’autre en situation de détresse vitale. Cet autre qui n’est pas exclusivement un soignant, mais également un proche éprouvé par les conséquences d’une prise de position qui s’imposerait à tous. De manière irrévocable, s’agissant de la personne atteinte, par exemple, d’une maladie neurologique dégénérative évoluée ou en état végétatif chronique.

La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie nous reconnaît la possibilité d’exprimer par écrit ce que serait notre choix si, en situation où s’imposerait une décision médicale déterminante, nous n’étions plus en capacité de le faire valoir. De même, la loi du 04 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé permet de désigner une « personne de confiance » susceptible d’apporter à l’équipe médicale les éléments d’information indispensables au respect de la position d’une personne dans la décision qui la concerne. Ces avancées sont tout aussi importantes que la possibilité de s’inscrire depuis le 03 juillet 1998 sur le Registre national automatisé des refus de prélèvement d’organes. On observera toutefois que si à ce jour près de 50 000 personnes ont manifesté leur volonté à cet égard, les refus exprimés par les proches sollicités pour connaître « l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt » sont de l’ordre de 33,7 %. Cet écart interroge et ne s’aurait s’expliquer par un déficit d’information. L’Agence de la biomédecine (ABM) consacre à cet égard une communication qui se veut incitative : « Prendre une minute pour en parler ». Son spot sur le site de l’ABM est significatif de la difficulté d’évoquer sans être intrusif ou à contretemps les représentations de la mort. Il est vrai que prétendre, y compris dans le cadre d’une campagne de sensibilisation qui se veut distancée, voire désinvolte, qu’une minute suffit pour échanger à propos de sujets aussi délicats, c’est nier les traditions et les valeurs engagées face à un tel dilemme ! La loi relative aux prélèvements d’organes a été votée le 22 décembre 1976. Près de trente ans plus tard la société française n’a pas encore intégré les conséquences du concept de « consentement présumé » pour évoluer dans la banalisation d’une prise de décision anticipée qui pourrait de surcroit favoriser la pratique des greffes d’organes. Ce constat n’empêche pas de mettre en cause l’efficience de la loi du 22 avril 2005 qui, elle, n’a disposé que de huit ans pour s‘acculturer ! Il apparaît évident que dans ce domaine les résolutions et les prescriptions s’avèrent pour le moins vaines, et que faute d’une attention portée aux composantes notamment anthropologiques et psychologiques de ces évolutions qui bouleversent nombre de nos repères, leur acceptabilité elle-même est mise en cause.

 

Consentir alors qu’il était encore temps

Que les circonstances présentes favorisent la propagande d’une association qui se dit submergée depuis quelques semaines par les demandes de personnes sollicitant dans l’urgence et le désarroi son concours pour que soient prises en compte leurs directives anticipées, n’est significatif que de la candeur des relais d’opinion au regard de circonstances éminemment complexes qui ne sauraient relever que de ce seul expédient. Les établissements hospitaliers diffusent depuis des années des documents d’information détaillés accessibles également sur de multiples sites : pour autant la rédaction de directives anticipées ne s’est pas encore imposée au rang des pratiques usuelles.
À la prise en compte de facteurs à la fois d’ordre personnel et du point de vue de nos habitudes pour tenter d’expliquer les réserves et les appréhensions des personnes malades à l’égard d’un tel document, est préférée, comme du reste dans d’autres contextes politiques, la simplification de réponses faussement rassurantes dont dès lors il apparaît scandaleux qu’elle ne s’imposent pas comme des évidences. Il en est de même, du reste, des positions alléguées en ce qui concerne l’euthanasie qui, de manière semble-t-il majoritaire, apparaissent à certains comme une solution difficilement contestable apportée aux misères d’une condition estimée déshumanisée à l’approche de la mort. Considérer que quelques mesures impromptues seraient ainsi de nature à nous éviter le « pire » en sauvegardant jusqu’au bout une faculté d’autonomie et une dignité manifeste, c’est méconnaître ce que sont les parcours compliqués, incertains, hasardeux et contraints dans la maladie.
Que l’on pense s’exonérer à moindre frais d’une confrontation personnelle à ses vulnérabilités, à la mortalité et aux impondérables de circonstances éprouvantes en anticipant ses choix, peut relever d’une expression du souci de soi, voire des autres, parfaitement recevable. Pour autant, cependant, que la conviction soit inébranlable de ne pas être susceptible d’évoluer dans ses résolutions initiales, précisément à l’épreuve d’un vécu dont a priori on ignore tout. Ce futur tant redouté n’est appréhendé que selon des représentations ou des expériences dont on ne sait en fait ce qu’elles pourraient signifier en situation. Les conceptions et les résolutions issues d’une confrontation directe, à tant d’égard solitaire, aux défis de la maladie procèdent de vérités intimes rarement conformes à nos idées préconçues. Nous sommes marqués, parfois à juste titre, par quelques faits extrêmes privés ou publics dont on accepte difficilement les négligences ou les rigidités qui les ont provoqué. Pour autant, s’en remettre à des dispositifs administratifs routiniers là où devrait s’imposer l’exigence d’interrogations, voire de mises en cause solidement étayées, s’avère peu satisfaisant. C’est considérer que nos libertés fondamentales sont, dans le contexte de la maladie grave, de handicaps lourds, voire de détresses humaines insupportables, à ce point menacées qu’il conviendrait de systématiser des procédures de sauvegarde. Au prix d’y concéder la liberté d’une certaine insouciance, du « droit de ne pas savoir », assigné en quelque sorte à cette nouvelle forme d’intrusion dans la sphère privée dont il pourrait nous être reproché de n’y avoir pas consenti alors qu’il était encore temps.

 

La valeur et le sens d’une décision relèvent de considérations complexes

Il est bien évident que ces discours de tribune qui, à propos des directives anticipées, sollicitent actuellement avec tant d’aplomb et de suffisance les concepts de liberté, d’autodétermination, de respect, de dignité ou de droit, procèdent de l’obsession d’ordonnancer à l’aulne de normes et de règles ce qui par nature échappe à toute prétention de maîtrise. Plutôt que de favoriser une approche circonstanciée, attentive aux aspects sensibles de nos confrontations à la souffrance et à la mort, des arguments inconsistants et des stratégies discutables sont mobilisés pour nous détourner de responsabilités qui concernent la autrement, en référence à un tout autre système de valeurs et d’engagements.
Il y a une imposture à dénaturer la relation de soin, celle qui se constitue dans un authentique rapport à l’autre, comme il s’exprime rarement dans d’autres contextes de la vie sociale. D’amplifier les peurs et les méprises, là où de manière naturelle et avec tant de sollicitude chacun s’efforce d’investir son humanité et ses compétences afin d’apaiser les appréhensions et de créer les conditions d’une confiance partagée, d’une solidarité concrète. Ce vécu si singulier dans le parcours de la maladie permet de respecter un projet de soin qui s’élabore et s’ajuste de manière concertée, y compris dans les phases ultimes lorsque les équipes soignantes s’adaptent aux attentes de l’autre jusqu’au terme de l’existence.
Affirmer que la rédaction de directives anticipées permettrait, à elle seule, d’atténuer la difficulté de décider dans les quelques circonstances qui pourraient justifier de les anticiper, c’est tromper l’opinion. Pour autant qu’elle ne s’y refuse pas (et c’est un droit que lui reconnaît la loi) la personne malade est associée de manière constante et progressive à la détermination des options thérapeutiques. Les stratégies sont habituellement arbitrées dans le cadre de concertations collégiales (comme en témoigne, par exemple, les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) avant d’engager tout traitement en cancérologie). Dans nombre de circonstances, du reste, certaines personnes qui initialement avaient souhaité qu’on les protège de toute « escalade thérapeutique » sollicitent (au même titre que leurs proches) d’ultimes tentatives, y compris à titre ‘’compassionnel’’. Cette position qui peut surprendre est considérée avec respect et abordée dans le cadre d’échanges attentionnés. Afin de prendre en compte l’intérêt direct des personnes dans l’incapacité d’expression ou de discernement, la « personne de confiance » ou les proches sont associés à l’instruction de la délibération médicale qui peut aboutir à renoncer à engager un traitement qui paraitrait déraisonnable en cas de complication. C’est dire que la valeur et le sens d’une décision relèvent de considérations complexes. Respecter le droit profond d’une personne ne consiste certainement pas à s’en remettre au seul respect de procédures formalisées. Il convient de tenir compte sans restriction de la volonté d’une personne, pour autant qu’on lui consacre le temps nécessaire à son appropriation, dans le cadre d’un dialogue, des conséquences effectives de sa décision. Et demeure entièrement posée la situation d’une personne dans l’incapacité d’anticiper un choix ou qui ne l’a pas formulé explicitement.
On peut se demander si dans le contexte actuel, ceux qui se précipitent dans la rédaction de directives anticipées sont en mesure d’apprécier et de peser la signification même de leurs décisions, voire s’ils le souhaitent réellement…

 

Des choix si délicats qu’on ne souhaite que rarement assumer seul

L’amalgame entre directives anticipées et « droit à l’euthanasie » n’est pas recevable, et l’on comprend parfaitement l’habileté qui consiste à confondre dans un même combat idéologique et politique des considérations sans lien commun. Les directives anticipées s’inscrivent dans la logique du concept de consentement ainsi qu’il est repris dans la loi du 04 mars 2002 : elle concerne de manière générale le droit des malades et non leur fin de vie.
Je ne vois que des avantages à ce que chacun d’entre nous s’engage à concevoir de manière autonome et responsable son rapport à la santé, à la maladie, ainsi que ses positions personnelles au regard de circonstances que nous redoutons tous. Cela ne peut que contribuer à favoriser certaines prises de décisions délicates, y compris, du reste, dans le contexte évoqué précédemment, lorsqu’un prélèvement d’organes est envisagé.
Mes réticences portent, on l’a compris, sur des stratégies qui se veulent garantes de la solution parfaite, postulant d’un unanimisme de circonstance, réfractaires aux questionnements difficiles et si critiques à l’égard des contestataires de ce modèle univoque ainsi promu. Si tant de personnes refusent encore de désigner une « personne de confiance » ou de rédiger leurs directives anticipées, ce n’est pas du fait d’un manque d’accès à l’information ou de leur pusillanimité. Leurs réserves à cet égard procèdent d’autres mobiles que l’on voudrait annihiler au nom d’une conception discutable de la vertu ou de l’audace de tout révéler de soi, y compris au regard de ce dont on ignore l’essentiel, comme cela devient pratique courante sur certains réseaux sociaux. Ou plutôt de se soumettre à un devoir de transparence poussé jusqu’à l’extrémité d’avoir à se prononcer sur des aspects à ce point incertains qu’on ne sait au juste sur la base de quel savoir ou de quelle sagesse trancher de manière pertinente à leur propos. Pour autant que l’on n’éprouve pas comme une insoutenable violence d’être ainsi contraint, directement ou indirectement, à se confronter aux représentations de l’altération physique, de la dépendance et de la mort, cela, clame-t-on, à titre de précaution et pour notre bien…

 

Influencer certaines décisions anticipées prises ainsi de manière contrainte

On le constate, il conviendrait d’accorder plus d’attention aux véritables enjeux de la rédaction de directives anticipées, au risque d’être surpris par certains aspects peu évoqués à leur propos. Ne serait-ce que l’injustice évidente éprouvée du fait de l’incitation à rédiger des directives anticipées dans des contextes socioculturels qui exposent de manière différenciée aux conséquences de ses choix. Certaines vulnérabilités qui tiennent par exemple à la solitude, sont de nature à influencer certaines décisions anticipées prises ainsi de manière contrainte.
Si l’exigence de procédures, ne serait-ce que d’ordre juridique, assigne demain à tenir compte du caractère opposable des directives anticipées, refusera-t-on l’accès à un établissement à la personne dans l’incapacité de formaliser ses volontés au regard de sa fin de vie ? C’est déjà le cas pour certains établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes. Renoncera-t-on à la réanimation d’une personne à la suite d’une tentative de suicide qui aurait consigné ses directives anticipées d’opposition à toute prise en charge médicale ? N’y aura-t-il pas matière à contentieux, voire conflits d’intérêts, lorsqu’une personne affectée dans ses capacités cognitives aura demandé expressément qu’on mobilise toutes les ressources disponibles, y compris lorsqu’elles s’avèreraient peu efficientes et d’un coût démesuré afin de la maintenir en vie le plus longtemps possible ? Les proches eux-mêmes pourront éprouver comme profondément bouleversantes certaines directives anticipées difficiles à admettre pour eux.
C’est dire que si de toute évidence la formulation de directives anticipées constitue une avancée peu contestable en terme de relation de soin et de démocratie sanitaire, on ne peut pour autant se satisfaire des propos incantatoires et volontairement réducteurs qui en travestissent la signification et les assimilent au combat qu’ils mènent en vue d’une légalisation de l’euthanasie.
La concertation nationale sur la fin de vie mérite mieux que des mobilisations compassionnelles qui, au motif d’honorer des questions essentielles, nous détournent d’enjeux humains et sociaux qu’il convient de ne pas ramener à des disputations insatisfaisantes ou à des slogans. Si, comme nous le souhaitons, les directives anticipées devaient s’avérer contraignantes dans les circonstances de la fin de vie, au même titre que le serait un droit opposable (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie proposerait à cet égard les meilleures garanties de respect de la volonté de la personne dans un souci de dignité.
Encore conviendrait-il également que les directives anticipées soient de la même manière reconnues lorsqu’elles se font l’expression de ceux qui aspirent à une vie digne, y compris avant que n’advienne le terme de leur existence. Ces personnes comprennent difficilement que la société consacre tant de considération aux modalités d’exercice de la décision au terme de l’existence, alors qu’il serait tout aussi précieux de consacrer un même investissement à l’attention portée au quotidien des personnes malades ou handicapées : elles aspirent à vivre pleinement au sein d’une société à laquelle pouvoir accorder leur confiance. Y compris pour des choix si délicats qu’on ne souhaite que rarement assumer seul.

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Affaire de Reims : vers un retour de l’acharnement thérapeutique ? http://plusdignelavie.com/?p=2724 http://plusdignelavie.com/?p=2724#comments Tue, 28 Jan 2014 08:27:13 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2724 Analyse de l’ordonnance de référé liberté du Tribunal de Châlons-en-Champagne

1. Rappel historique

Vincent Lambert, né en 1976, a été victime d’un traumatisme crânien à la suite d’un accident sur la voie publique le 29 septembre 2008. L’évolution de l’état clinique de Vincent Lambert, patient tétraplégique cérébro-lésé grave, montre que plus de 5 ans . . . → Read More: Affaire de Reims : vers un retour de l’acharnement thérapeutique ?]]> Analyse de l’ordonnance de référé liberté du Tribunal de Châlons-en-Champagne

1. Rappel historique

Vincent Lambert, né en 1976, a été victime d’un traumatisme crânien à la suite d’un accident sur la voie publique le 29 septembre 2008. L’évolution de l’état clinique de Vincent Lambert, patient tétraplégique cérébro-lésé grave, montre que plus de 5 ans après son accident et malgré les soins attentifs dont il fait l’objet au sein d’une unité spécialisée pour patient en état pauci relationnel depuis 2009, ne présente aucune amélioration de sa situation clinique. Au cours des 5 premiers mois de 2013, une réflexion éthique a été engagée à laquelle a été associée l’épouse de Vincent Lambert et a abouti le 4 avril 2013 à la confirmation d’une décision de suspendre la nutrition mise en oeuvre. A la suite d’une ordonnance du 11 mai 2013, le juge des référés du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a ordonné de rétablir l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert, 30 jours après son interruption, en raison d’un manquement dans la procédure collégiale. Ce référé fait suite à la saisie par les parents du Tribunal administratif. A l’époque, le Tribunal administratif avait apporté un éclairage sur la forme de la loi Leonetti en disant que la procédure collégiale n’était pas respectée en conséquence de quoi la décision qui en avait découlée ne pouvait être confirmée.
Prenant acte de cette décision, le docteur Kariger a repris, à partir de la rentrée de septembre, dans le strict cadre de la loi du 22 avril 2005 une procédure collégiale associant l’ensemble des membres de la famille, ainsi que 4 experts indépendants.
Suite à la procédure collégiale, il a décidé le 11 janvier 2014 de suspendre de nouveau la nutrition et l’hydratation artificielle de Vincent Lambert. Considérant qu’au travers de l’ensemble des éléments qu’il avait à sa connaissance, il était légitime de considérer comme une obstination déraisonnable la prolongation de la vie de Vincent Lambert par la poursuite des soins de nutrition et d’hydratation artificielles et que Vincent Lambert n’aurait pas souhaité vivre une telle situation. Néanmoins, il a suspendu la mise en oeuvre de sa décision dans l’attente d’éventuels nouveaux recours administratifs. Ceux-ci ont été réalisés par les parents de Vincent Lambert le 13 janvier 2014 auprès du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Le Tribunal s’est réuni dans sa formation collégiale et a rendu compte de sa décision le 16 janvier 2014. Il enjoint le docteur Kariger de ne pas suspendre la nutrition et l’hydratation artificielle.

2. Une « ordonnance » qui modifie profondément les repères de la loi Leonetti.
Le législateur par la loi du 22 avril 2005 sur les droits des malades et la fin de vie, dite loi Leonetti, a assigné un cadre légal pour les décisions d’arrêt et de limitation de traitements.
S’il ne définit pas ce qu’il est juste de faire dans chacune des situations singulières vécues par les patients, les familles et les équipes de soins, il confirme certains repères (interdiction pour un médecin de donner la mort ; refus absolu de l’obstination déraisonnable) et impose aux équipes soignantes un processus bien identifié de délibération collective.

Si, lorsque le patient ne peut exprimer directement sa volonté, la responsabilité médicale de la décision est affirmée pour suspendre ou ne pas entreprendre de traitement, le médecin doit néanmoins, avant de prendre sa décision, s’assurer de deux éléments fondamentaux : s’assurer que la situation du patient relève bien du champ d’une obstination déraisonnable et également de façon aussi importante rechercher ce qu’aurait pu dire le patient s’il avait pu s’exprimer.
C’est sur ces deux éléments que le Tribunal de Châlons-en-Champagne apporte une analyse qui modifie profondément les repères sur lesquels s’appuyaient jusqu’à présent les médecins.

2.1. Une définition juridique de l’obstination déraisonnable
Pour qu’il y ait obstination déraisonnable, il faut selon la loi d’avril 2005 que les traitements « apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, »
Avant d’aborder l’étude de l’article 1 de la loi Leonetti, le Tribunal considère que la nutrition et l’hydratation artificielle par voie entérale « lesquelles empruntent aux médicaments le monopole de distribution des pharmacies, ont pour objet d’apporter les nutriments spécifiques aux patients dans les fonctions altérées, et nécessitent en l’espèce le recours à des techniques invasives en vue de l’administration, consistent en des traitements ». Le Tribunal confirme ainsi la notion que l’alimentation et l’hydratation artificielles répondent bien à la définition, d’un traitement comme tout autre traitement, que seraient à la fois des traitements médicamenteux, mais également d’autres types d’assistance que seraient la dialyse, les défibrillateurs implantables ou des ventilateurs.
Le Tribunal considère ensuite que Vincent Lambert est en « état de conscience minimale plus impliquant la persistance d’une perception émotionnelle et l’existence de possibles réactions à son environnement ». Mais alors même qu’il confirme que la nutrition et l’hydratation artificielle par voie entérale consistent en des traitements, il considère néanmoins que « dès lors que ces traitements peuvent avoir pour effet la conservation d’un certain lien relationnel, ils n’ont pas pour objet de maintenir le patient artificiellement en vie ».
Le Tribunal considère ensuite que le caractère inutile ou disproportionné n’est pas caractérisé car : « le centre hospitalier universitaire de Reims n’a fait valoir aucune contrainte ou souffrance qui seraient engendrées par le traitement ». Le Tribunal affirme alors que la loi Leonetti ne peut pas s’appliquer, non pas parce que Vincent Lambert serait handicapé ou pas en fin de vie, mais tout simplement parce que l’obstination déraisonnable n’a pas été caractérisée.
Pour le moins, on peut considérer, sans rentrer dans les contradictions mêmes de l’ordonnance, que le Tribunal établit une jurisprudence de l’obstination déraisonnable alors même que la loi Leonetti laissait aux médecins, après le respect de la procédure collégiale, la possibilité d’approcher, en fonction de chacune des situations, la définition la plus juste possible de l’obstination déraisonnable Il faut également noter que le Tribunal, au regard probablement de l’urgence du référé-liberté, prend une position médicale sans qu’aucune expertise médicale indépendante ne vienne éclairer sa décision. Si cette définition de l’obstination déraisonnable est confirmée, elle modifiera considérablement nos pratiques actuelles et nous incitera à poursuivre tout traitement à partir du moment où il pourra avoir « pour effet la conservation d’un certain lien relationnel ». Agir ainsi, conduira à un risque croissant d’acharnement thérapeutique et ira à l’encontre même des souhaits de nos concitoyens.

2.2. Un patient non écouté
Dans son ordonnance, le Tribunal analyse également l’expression de la volonté de Vincent Lambert. Lorsqu’une personne n’est pas en capacité de s’exprimer et qu’elle n’a désigné ni personne de confiance ni écrit ces directives anticipées, la loi Leonetti demande à l’équipe médicale de consulter la famille et/ou à défaut les proches pour essayer d’approcher au mieux le souhait exprimé par le patient. En l’espèce Le Tribunal considère que l’épouse de Vincent Lambert n’a pas pu apporter la preuve des dires de son mari car son éventuelle expression n’est « au demeurant pas datée avec précision » et « émanait d’une personne valide qui n’était pas confrontée aux conséquences immédiates de son souhait et ne se trouvait pas dans le contexte d’une manifestation formelle d’une volonté expresse ». La loi Leonetti nous demande de tout faire pour approcher avec la plus grande justesse l’avis possible de la personne malade. Par définition les avis recherchés ne peuvent êtres oraux et la loi Leonetti ne nous demande pas de les caractériser avec précision. Nous n’avons pas en particulier à caractériser par des dates ou des circonstances précises ces déclarations. Autre évidence, personne ne peut vivre une situation avant qu’elle ne survienne. Cet élément est une réserve constitutive de toute expression anticipée de la volonté (qu’elle soit écrite ou orale) et comme soignants nous en avons parfaitement conscience, car elle traverse tous les échanges que nous avons avec nos patients lorsque nous envisageons la conduite à tenir en cas d’évolution d’une maladie. Pour autant, s’il faut bien sûr en tenir compte, cette réserve ne saurait délégitimer la parole d’un patient. Pour les personnes qui ne peuvent plus s’exprimer et qui n’ont pas de personne de confiance ou écrit de directives anticipées, la recherche par l’équipe soignante d’une intime conviction ou d’une juste position élaborée dans le cadre de la délibération collective est donc le coeur de la démarche de la loi Leonetti et nous permet de prendre les décisions les plus appropriées. La position du Tribunal est autre. Elle demande des éléments de preuve. Proposition peu compatible avec la réalité de la démarche soignante empreinte, dans ces situations douloureuses où l’on évoque une limitation de traitement, de doute et d’incertitude.
Ce drame représente également une illustration marquante, non pas de l’insuffisance de la loi Leonetti, mais de l’échec de sa diffusion auprès du grand-public. En l’absence de directives anticipées et de désignation d’une personne de confiance, ce sont les juges qui ont tranché face à un différend familial, en allant contre la décision médicale prise à la suite d’une procédure collégiale qui n’a, par ailleurs, pas été critiquée par le Tribunal.

3. Conclusion
A travers la loi Leonetti, le législateur a fait le choix de ne pas imposer un cadre normatif. Il ne laisse pas pour autant les différents acteurs sans repères. Il maintient l’interdit de l’homicide et s’oppose à l’obstination déraisonnable. Il encadre le processus décisionnel. Il fait le pari d’une qualité de la délibération au sein des équipes soignantes et d’une sagesse pratique du décideur. Le choix est de favoriser une éthique de la discussion et de l’argumentation en misant sur les compétences de ceux qui prennent soin au quotidien de la personne malade.
Le positionnement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne s’inscrit pas dans cette dynamique. Il transforme la loi Leonetti qui est une « loi du comment faire » qui doit nous guider sur le chemin de la moins mauvaise décision en « une loi du que faire »

En apportant une définition juridique et non pas médicale de l’obstination déraisonnable, en limitant la portée de l’avis exprimé par le patient, l’ordonnance du Tribunal administratif bouleverse considérablement les repères de la loi Leonetti qui depuis plus de 10 ans maintenant nous permettait de trouver la solution la plus humaine à des situations médicales toujours dramatiques. C’est la raison pour laquelle il est important qu’un éclaircissement soit apporté au risque de voir resurgir l’acharnement thérapeutique pourtant clairement refusé par nos concitoyens.

Vincent Morel
Président de la SFAP

Affaire de Reims
Vers un retour de l’acharnement thérapeutique ?
Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs. Janvier 2014
106 Avenue Emile Zola – 75015 Paris. Tel : 01 45 75 43 86 – mail : [email protected]
Site : http://www.sfap.org

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Fin de vie des personnes âgées : rapport 2013 http://plusdignelavie.com/?p=2718 http://plusdignelavie.com/?p=2718#comments Thu, 23 Jan 2014 23:18:22 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2718 Après avoir consacré son rapport 2012 à la fin de vie à domicile, l’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV) a décidé de consacrer ses travaux à la question de la fin de vie des personnes âgées. Une problématique qui s’avère moins facile à cerner et à délimiter qu’il n’y paraît au premier . . . → Read More: Fin de vie des personnes âgées : rapport 2013]]> Après avoir consacré son rapport 2012 à la fin de vie à domicile, l’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV) a décidé de consacrer ses travaux à la question de la fin de vie des personnes âgées.
Une problématique qui s’avère moins facile à cerner et à délimiter qu’il n’y paraît au premier abord : à quel âge peut-on considérer qu’une personne est « âgée » ? Où se situe la frontière entre le « grand âge » et la « fin de vie » ?
Ces deux questions n’appellent bien entendu pas de réponses de principe: selon les représentations et les sensibilités de chacun, selon le contexte et l’époque à laquelle on se situe, le grand âge peut commencer à 60, 75, 85 ou même 95 ans.
De la même manière, la « fin de vie » peut être entendue comme la période couvrant les trois dernières semaines de vie, ou à l’inverse de façon plus large et extensive.
Pour aller directement à l’essentiel et pour ne pas prendre le risque d’être trop restrictif ou au contraire trop englobla…lire la suite

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Fin de vie : des évolutions équilibrées et prudentes s’imposent désormais http://plusdignelavie.com/?p=2693 http://plusdignelavie.com/?p=2693#comments Sat, 18 Jan 2014 13:34:39 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2693 Emmanuel Hirsch

Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Conférence de citoyens sur la fin de vie : une attente déçue

Depuis le 16 décembre, le texte tant attendu de la conférence de (18) citoyens sur la fin de vie devrait nous permettre désormais de mieux cerner certains aspects inédits de ces questions complexes : . . . → Read More: Fin de vie : des évolutions équilibrées et prudentes s’imposent désormais]]> Emmanuel Hirsch

Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Conférence de citoyens sur la fin de vie : une attente déçue

Depuis le 16 décembre, le texte tant attendu de la conférence de (18) citoyens sur la fin de vie devrait nous permettre désormais de mieux cerner certains aspects inédits de ces questions complexes : certaines compétences estimaient justifiée semblable consultation… A sa lecture, je n’en suis que peu convaincu. Le Comité consultatif national d’éthique dispose ainsi d’un document de plus au statut incertain : il lui semblait toutefois essentiel à la rédaction de son prochain avis annoncé vers janvier. En fait après le rapport de la Commission de réflexion sur la fin de vie en France lui remis à François Hollande le 18 décembre 2012 : « Penser solidairement la fin de vie » et l’avis n° 121 du CCNE « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir » du 1er juillet 2013, fallait-il attendre cette ultime contribution pour clore la concertation dite nationale ? Une consultation certes a minima, puisque le Président du CCNE nous avait promis « un véritable débat public national sur la fin de vie et la mort volontaire ». Prochain acte ou péripétie de ce long périple engagé en juillet 2012, si, pour des raisons qui ne paraissent pas s’imposer aujourd’hui, il apparaissait préférable d’envisager de nouvelles prolongations.

À dire vrai dire, à la lecture des conclusions de la conférence des citoyens la déception est grande. Les 18 jurés reprennent, certes avec leurs termes et quelques nuances, les lignes essentielles des réflexions menées par la mission Sicard, le CCNE, et en 2005 comme en 2008 par les missions parlementaires : généralités humanistes obligées sur les approches de la fin de vie dans un contexte médicalisé discutable ; urgence de rendre universel le recours aux soins palliatifs ; respect des droits de la personne dans son autonomie et son droit de bénéficier des soulagements qui apaisent ses souffrances, y compris en abrégeant son temps de vie ; exigence d’aboutir à un compromis certes délicat, susceptible d’éviter toute « dérive », mais en estimant que le statu quo ne peut pas perdurer.
Liberté, dignité, respect, consentement, solidarité, encadrement législatif, collégialité, information : aucun concept ou mot clé n’est oublié dans ce nouvel énoncé succinct de bonnes intentions dont il apparaît néanmoins difficile de saisir la portée et la contribution effective d’un point de vue pratique. Mais peut-être cette initiative ne relevait-t-elle que d’une recherche de légitimation de la part d’un CCNE qui, inquiet pour une fois, se serait senti démuni d’autorité vraie dans un domaine qui semble diviser ses membres et susciter encore trop de controverses passionnées. Il sera donc intéressant de voir quels arbitrages qui seront enfin proposés au Président de la République par le CCNE, après ce détour qui interroge ou du moins laisse insatisfait, ne serait-ce que s’agissant de sa pertinence et de sa fonction. Du reste, à propos même de la méthodologie retenue pour constituer ce jury, l’IFOP reconnaît « que compte tenu de la taille du panel celui-ci ne prétend pas à la représentativité de la population française et il est impropre de parler d’échantillon représentatif ainsi qu’on le mentionne traditionnellement pour un sondage » ! Seule mention positive à l’égard de cette initiative discutable dans ses justifications approximatives et sa forme, le pluralisme dans la sollicitation des différents intervenants qui avaient, chacun dans un temps limité, mission de présenter des points de vue et des analyses aux 18 citoyens. La maturité et la légitimé des positions et des argumentations développées depuis des années à l’épreuve de circonstances humaines souvent douloureuses, devraient enfin permettre de faire bouger les lignes sans nous soumettre à de nouveaux conciliabules dont le sens échappe. Il y a me semble-t-il urgence à se déterminer enfin et à énoncer les principes qui s’imposeront si des évolutions s’avéraient nécessaires et opportunes au regard des droits des malades en fin de vie. Les politiques doivent désormais assumer leurs responsabilités à la suite de ces consultations dont j’estime qu’elles étaient nécessaires et apportent les éclairages attendus.

 

Un encadrement possible pour l’exception d’euthanasie ?

Quelques brèves observations, néanmoins, à propos des propositions issues de la conférence de citoyens sur la fin de vie. J’observe que depuis le lancement de la consultation nationale sur la fin de vie le 17 juillet 2012, le Chef de l’État n’a jamais prononcé le mot euthanasie : il évoque avec justesse l’assistance médicalisée en fin de vie et nous incite donc à davantage de profondeur et de prudence dans les approches. Ce panel réunissant des citoyens, lui, aborde explicitement la question de l’euthanasie, même s’il la préconise à titre d’« exception » sans bien expliquer, au-delà de la pétition de principe, comment il conçoit son encadrement. Il conviendra toutefois de savoir comment on appréciera l’exception (de ce point de vue, en janvier 2000 l’avis n° 63 du CCNE « Arrêt de vie, fin de vie, euthanasie » abordait avec plus d’intelligence et de subtilité cette éventualité). La position des citoyens stupéfait lorsqu’ils renoncent, au mépris des principes les plus évidents, à considérer le consentement comme une condition intangible : « elle (l’euthanasie) est envisageable dans des cas particuliers, ne pouvant entrer dans le cadre du suicide assisté lorsqu’il n’existe aucune autre solution (pas de consentement direct du patient) ». Avec une naïveté qui inquiète et nous laisse entrevoir ce que serait à cet égard la position de personnes vulnérables, les citoyens envisagent que « ces cas strictement encadrés seront laissés à l’appréciation collégiale d’une commission locale ad hoc qu’il conviendrait de mettre en place ». Encadrer une telle exception justifierait nombre d’approfondissements qui pour le présent font défaut. Cela ne semble pas poser problème aux 18 citoyens.
A observer, 11 ans plus tard, la situation en Belgique (pays qui a dépénalisé l’euthanasie), les critères dits de minuties ne sont plus réellement tenus ou ont évolué pour favoriser une permissivité ou mieux une acceptabilité qui interroge la notion même d’encadrement. Initialement l’euthanasie concernait des personnes au terme de leur existence, celles qui ressentaient des douleurs insurmontables ou rétives à toute forme d’apaisement. Aujourd’hui, les limites ont été repoussées, légitimant par exemple l’euthanasie d’un transsexuel qui ne parvenait pas à surmonter les conséquences d’une intervention chirurgicale, d’un grand mélancolique ou celle de jumeaux de 45 ans atteints de surdité, le 14 décembre 2012. Il y a quelques jours le Sénat belge a voté une extension de la loi concernant les enfants mineurs. Désormais est également à l’ordre du jour l’euthanasie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En Belgique la déclaration des actes d’euthanasie se fait a posteriori, les notifications ne sont pas exhaustives. Cela pour dire à quel point l’encadrement apparaît difficile, quelques soient les intentions. Quel sera le statut de la commission dévolue, en France, à l’autorisation d’euthanasie d’une personne de surcroit incapable d’exprimer un consentement ?

Le panel citoyen aborde dans ses résolutions le suicide médicalement assisté. Telle qu’elle est pratiquée, par exemple, dans l’état de l’Oregon (États-Unis), cette procédure vise à respecter l’autonomie de la personne. Le médecin a pour responsabilité de déterminer et confirmer officiellement la justification médicale de ce possible recours, en phase terminale d’une maladie. Il prescrit mais n’administre pas le produit létal. La personne, du reste, peut décider de ne pas se suicider. Certains observateurs considèrent qu’en quelque sorte le médecin légitime malgré tout le suicide ; d’autres qu’il ne va pas jusqu’au bout et laisse la personne à sa solitude. Il est évident qu’une personne bénéficiant d’un accompagnement de la port d’un environnement favorable n’appréhende pas ces questions de la même manière que celle qui se trouve confrontée sans soutiens au dilemme de décider. La mise en œuvre de cette forme de suicide suscite nombre de problèmes pratiques. Notamment pour les médecins qui ont pour vocation de réanimer des personnes qui tentent de se suicider, et au moment même où notre société se mobilise contre le suicide des personnes âgées. Les 18 citoyens observent toutefois avec sagesse ou candeur : « nous insistons sur la nécessaire vigilance à apporter dans les cas où le suicide médicalement assisté concernerait des personnes n’étant pas en capacité dé réaliser le geste par elles-mêmes afin de prévenir toute dérive. » Là également entre des positions incantatoires et la justesse de leur applicabilité la distance est grande.

 

Des repères forts légitimés par l’autorité publique

L’autorisation de la sédation en phase terminale est également abordée par les citoyens. Tout faire pour atténuer les souffrances de la personne s’impose en fin de vie. C’est ce que la loi préconise depuis 2005. La question est celle d’une extension de l’indication de la sédation qui aurait pour objectif explicite (et non indirect) d’abréger la vie. On évoque même à ce propos la notion de sédation euthanasique, ce qui n’est pas sans susciter quelques interrogations. A cet égard nos 18 sages se contentent de reprendre une considération d’évidence depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie : « en phase terminale, l’objectif de soulagement de la douleur et de la souffrance du patient doit primer sur le risque de décès pouvant survenir à l’issue d’une sédation profonde. » Nous n’avions pas besoin de cette affirmation pour comprendre que l’approche de la sédation ne saurait constituer, en tant que telle, une variation d’ajustement, au gré des interprétations, de la pratique d’euthanasie. Dans ce domaine également, depuis la loi du 22 avril 2005 les pratiques ont su évoluer, tenant compte, dans un contexte donné et en tenant compte du choix de la personne et de son intérêt direct, d’enjeux qui ne sauraient se satisfaire de considération générales, aussi compassionnelles soient-elles.

Personnellement je pense que des évolutions équilibrées et prudentes s’imposent désormais ; elles sont d’autant plus justifiées que l’impatience est attisée par la multiplication d’analyses et de propositions (accompagnées de tant de commentaires) qui attendent la conclusion politique annoncée. Les conclusions de la conférence des 18 citoyens me renforcent dans ma conviction : des questions à la fois graves et complexes justifient à un moment donné l’énoncé de repères forts légitimés par l’autorité publique. François Hollande a su initier une consultation justifiée qui ne doit pas se perdre dans les dédales de disputations sans fin ou de saisines approximative. Tout cela ne contribuerait qu’à prolonger inutilement des discussions que je considère suffisamment abouties.
Chacun à compris que notre approche politique de nos responsabilités humaines et sociales auprès d’une personne en fin de vie engage les valeurs du vivre ensemble, celles de la solidarité.

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Vincent Lambert : reconnaître d’autres droits de la personne malade http://plusdignelavie.com/?p=2671 http://plusdignelavie.com/?p=2671#comments Fri, 17 Jan 2014 16:55:41 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2671 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud, directeur de l’Espace éthique/AP-HP

 

Des soins prolongés

« La personne malade a droit au respect de sa dignité. » La référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui énonce ce principe . . . → Read More: Vincent Lambert : reconnaître d’autres droits de la personne malade]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud, directeur de l’Espace éthique/AP-HP

 

Des soins prolongés

« La personne malade a droit au respect de sa dignité. » La référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui énonce ce principe pourrait s’imposer dans le contexte des controverses suscitées par la situation de Vincent Lambert. Cette même loi précise : « Les professionnels mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. » Du reste, deux mois après son vote, une circulaire du ministère chargé de la santé était consacrée le 3 mai 2002 « à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel ». Le concept de « soins prolongés » y est évoqué en tenant compte de ses spécificités : « ils s’adressent à des personnes « atteintes de maladies chroniques invalidantes avec risque de défaillance des fonctions vitales, nécessitant une surveillance médicale constante et des soins continus à caractère technique ». On le voit donc, l’approche des modalités d’accueil et de suivi des personnes cérébro-lésées n’est à aucun moment conditionnée par une réflexion portant sur la fin de leur vie, même s’il convient d’anticiper de manière concertée les phases d’évolutions. Il peut même apparaître surprenant que le cadre d’existence actuel de Vincent Lambert soit une unité de soins palliatifs et non une structure dédiée. Des professionnels compétents ont su développer une expertise indispensable dans un contexte douloureux, complexe et incertain qui sollicite une qualité d’attention et de retenue tant à l’égard de la personne en état de conscience minimale que de ses proches.
L’existence de ces personnes se poursuit sans le recours aux moyens qui « apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » que réprouve la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Et, si elle s’imposait selon des critères médicaux probants, la décision relative à une limitation ou à un arrêt des traitements encadrée par la « loi Leonetti » serait intervenue dans la phase intensive de réanimation. À cet égard se pose la question du pronostic, lorsqu’à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien les séquelles sont susceptibles de compromettre la qualité de vie de la personne et ses facultés relationnelles. Il serait intéressant d’évaluer à cet égard dans les pratiques les conséquences d’évolutions tant législatives que du point de vue de l’imagerie fonctionnelle. Tout semble indiquer que les décisions s’envisageraient désormais en amont, « dans les premières heures », ne serait-ce qu’avec le souci d’éviter l’engrenage de situations estimées insupportables. Le doute est-il alors favorable à la survie de la personne alors qu’elle aura rarement anticipé une réalité aussi catastrophique et qu’il est humainement impossible de se la représenter ? Les proches sont-ils à même d’exprimer un point de vue fondé, alors que l’impact d’un tel désastre que rien ne permettait de présager bouleverse leurs repères et les soumet à des dilemmes sans véritable issue satisfaisante ? Serait-il possible de définir un seuil temporel au-delà duquel la situation serait considérée irrévocable, s’agissant par exemple de traumatisme crâniens dont l’évolutivité est incertaine ? Dans ce cas c’est en termes de mois, voire d’années que le processus décisionnel s’élabore, et aucune législation actuelle n’intègre la situation d’une personne stabilisée dans un état de conscience minimale dont la poursuite des soins apparaitrait à un moment donné injustifiée.

 

Une exigence de prudence

Dans ce contexte extrême, éprouvé dans sa violence, son injustice, l’arbitrage de la décision ne saurait relever de la seule procédure médicale formellement recevable. D’autres enjeux conditionnent la recevabilité d’une décision qui doit tenir compte de la pluralité des points de vue et surtout de l’intérêt direct la personne concernée. Lorsque la discussion porte sur l’irréversibilité d’un traumatisme, sur les facultés, même limitées, d’évolution dans le temps, quels principes ou quelles valeurs faire prévaloir alors que rien n’indique ce que serait la préférence de la personne ? Peut-on se satisfaire de l’interprétation hasardeuse de postures, de crispations qui inclineraient à y voir l’expression d’un refus ou au contraire d’une volonté de vivre ? Au nom de quelle autorité et selon quels critères assumer le choix de renoncer ou au contraire celui de poursuivre ? La position des proches doit-elle s’avérer déterminante alors que l’on sait l’impact des circonstances sur leur vie au quotidien ? Les compétences médicales elles-mêmes n’auraient-elles pas parfois leurs limites dans la capacité de discernement lorsque le soin d’une personne relève de considérations humaines et sociales autres que strictement techniques, et plus encore lorsque certains aspects de ce qui apparaît de l’ordre de la survie semblent échapper aux tentatives d’évaluations strictement scientifiques ? Le débat portant sur les caractéristiques mêmes d’un état pauci-relationnel en disent long des incertitudes qu’il importe de ne pas négliger en préservant une exigence de prudence.
Un projet de loi relatif à la fin de vie nous est annoncé dans les prochains mois. Il devrait concerner les conditions d’assistance médicalisée en fin de vie, et déjà certaines discussions de qualité portent sur des directives anticipées qui pourraient être opposables, sur le suicide médicalement assisté et sur la sédation terminale. Il y a quelques jours encore, le président de la République a rappelé son attachement à l’encadrement strict des évolutions qu’il souhaite. Les valeurs de solidarité et de compassion sont sollicitées, ainsi que l’importance de situer de tels enjeux au plan de la responsabilité politique. Après s’être laïcisée, puis médicalisée, notre approche de la mort s’est politisée. Demain l’enjeu sera de la resocialiser et de tenter de reconstituer l’expression d’une sollicitude témoignée à la personne malade et à ses proches jusqu’au terme de son existence qui ne se limiterait pas à définir les seules conditions de sa mort.
Pour autant, a priori cette évolution législative ne paraît pas relever de circonstances liées à la maladie chronique, aux maladies neurologiques dégénératives, à certaines formes de handicaps qui ne sont pas assimilables d’emblée à la fin de vie. À commettre cet amalgame, nous serions conduits à condamner à la mort certaines formes de vie qui, pour inhabituelles et endommagées qu’elles soient, continuent de solliciter notre attention. Afin d’éviter toute interprétation hasardeuse ou ces dérives observées dans les quelques pays qui ont dépénalisé l’euthanasie, les instances sollicitées par François Hollande pour éclairer sa décision estiment que la difficulté sera précisément de caractériser ce qui justifierait spécifiquement une extension des indications de la loi relative à la fin de vie. Des notions comme celle de « sédation euthanasique » ou d’« exception d’euthanasie » sont avancées, notamment pour tenter d’apporter une réponse compassionnelle aux situations les plus délicates. A propos de la décision collégiale arbitrée dans les conditions que l’on sait par l’équipe de l’unité de soins palliatifs où est hospitalisé Vincent Lambert, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation est interprétée comme une « euthanasie passive ». Outre l’importance qu’il y aurait à clarifier les concepts afin de nous prémunir d’interprétations préjudiciables à l’intérêt direct de la personne malade, ne serait-il pas opportun de consacrer une véritable réflexion aux situations inhérentes à la chronicité de certaines maladies, aux conséquences des maladies évolutives ou aux handicap sévères qui limitent ou abolissent les facultés cognitives, voire la vie relationnelle de la personne ? Il n’est pas sage d’appréhender ces réalités humaines sous le seul prisme des conditions du terme de l’existence.

 

Une révision de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades

Lorsque la personne n’est pas ou plus en capacité de consentir, son assentiment peut-il encore être sollicité, ainsi que le préconise l’Association Médicale Mondiale dans la version de la déclaration d’Helsinki revue en octobre 2013 ? Comment apprécier, de manière rétrospective, quelles étaient les préférences d’une personne incapable de communiquer afin d’en tenir compte dans une prise de décision médicale ? Ne devrions-nous pas repenser notre approche d’obligations qui, pour s’avérer plus fortes à l’égard de la personne du fait même de son extrême vulnérabilité, engagent en toutes circonstances à ne se préoccuper que de son intérêt propre et à y consacrer les dispositifs adaptés ?
En fait, une voie jusqu’à présent inexplorée me semble s’imposer désormais dans la concertation nationale sur la fin de vie et, au-delà, s’agissant des personnes dans l’incapacité de consentir ou de refuser un traitement. Ne serait-il pas cohérent d’intégrer les évolutions législatives annoncées portant sur la fin de vie, à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé révisée, tout en accordant un soin particulier à la prise en compte des réalités complexes de la maladie chronique, des maladies neurologiques évolutives et des handicaps complexes ? D’autres droits doivent donc être reconnus à la personne malade : susceptibles de répondre avec humanité et compétence à des attentes jusqu’alors négligées ou dévoyées. De telle sorte que le « parcours de vie » dans le « parcours de soin » évoqué avec tant de justesse dans la Stratégie nationale de santé puisse relever de l’engagement effectif d’« assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort » ?
La dignité du soin tient essentiellement aux conditions qui favorisent une relation de confiance. Cela engage à tenir compte de valeurs d’humanité qui ajoutent à la complexité d’arbitrages redoutables, notamment dans le contexte d’incertitudes, d’ambivalences et d’approximations évoquées publiquement dans l’accompagnement de décisions qui touchent à l’existence de Vincent Lambert. C’est pourquoi, peut-être, la justice garante des droits de la personne a par deux fois affirmé une position contradictoire à celle arbitrée par des médecins du CHU de Reims. Plutôt que de déplorer ces jugements ou de dénoncer « une mauvaise loi » qu’il conviendrait d’adapter y compris aux circonstances ne relevant pas de la fin de vie, ne convient-il pas d’approfondir notre réflexion et de mieux comprendre nos responsabilités dans les circonstances qui nous interpellent aujourd’hui ?

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Comprendre « l’affaire Amélie ». Polyhandicap : éthique de la responsabilité, point de vue d’un père http://plusdignelavie.com/?p=2584 http://plusdignelavie.com/?p=2584#comments Mon, 28 Oct 2013 01:42:15 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2584 Cédric Gicquel

Alors que le Conseil d’État doit se prononcer, à la demande de l’État, sur le devenir d’Amélie (jeune femme atteinte d’autisme que ses parents sont contraints de maintenir au domicile faute de structure d’accueil), il convient de mieux saisir certains enjeux qui échappent trop souvent à l’attention de tous. Ce texte d’une . . . → Read More: Comprendre « l’affaire Amélie ». Polyhandicap : éthique de la responsabilité, point de vue d’un père]]> Cédric Gicquel

Alors que le Conseil d’État doit se prononcer, à la demande de l’État, sur le devenir d’Amélie (jeune femme atteinte d’autisme que ses parents sont contraints de maintenir au domicile faute de structure d’accueil), il convient de mieux saisir certains enjeux qui échappent trop souvent à l’attention de tous. Ce texte d’une telle intensité, enraciné au plus profond de la réflexion et porteur d’un sens exceptionnel de l’engagement, nous semble à ce point important que nous vous en présentons sa version intégrale. Il nous semble de nature à inspirer aux décideurs politiques et aux différents responsables institutionnels d’autres critères de jugement afin de vivre humainement le sens d’une responsabilité politique vraie.

« Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une blessure étrange dans ton cœur. »
Léonard Cohen, Suzanne

C’est donc un papa, un jeune papa, qui va parler de la responsabilité à travers le prisme de son expérience.
Quelques éléments biographiques afin de mieux comprendre l’origine de cette parole.
Worou-Guillaume est né au Bénin, en pleine brousse, il y a cinq ans maintenant.
Grossesse normale, pas de soucis particuliers, accouchement sans problème.
Beau bébé, parents heureux !

Retour en France, à l’âge de 6 mois…nous constatons des retards dans la motricité, des « angoisses nocturnes », des mouvements stéréotypés mais on nous dit que cela n’est rien, juste un peu de retard. Au fur et à mesure, les déficits de motricité prennent de l’importance, des regards évasifs, un manque de tonicité, nous inquiètent. Une kyrielle d’examens à Necker, une attente d’un diagnostic précis, un parcours du combattant pour trouver une prise en charge adapté avec ce leitmotiv de la part de certains médecins « arrêter de vous inquiéter, tout va bien ». Arrive, une IRM a deux ans, plus énigmatiques que les autres, mais toujours pas de diagnostic étiologique.

Il n’y a pas eu d’annonce du handicap, il n’y a pas eu ce moment, cette date précise que de nombreux parents ont en mémoire où l’on vous annonce que votre fils est handicapé. C’est une annonce implicite, qui se déroule sur des mois et des mois. Des allusions parfois à l’autisme mais rien de plus. C’est grâce à une psychomotricienne du CMPP, qui avait fait un stage au CESAP, que nous avons pu à la fois trouver une structure adaptée mais aussi un nom sur le mal de Guillaume.

Polyhandicap

Les médecins ne nous avaient jamais parlé de polyhandicap et nous découvrons, au jour le jour, la signification de ce nom : polyhandicap.
Dans notre « malheur », nous découvrons que notre fils possède quelques acquis que d’autres non pas : il peut se déplacer à quatre pattes, il n’a jamais fait de crises d’épilepsie, il n’a pas de corset, il est en « bonne santé », pas de va et vient à l’hôpital, même pas de fausses routes pour les repas !
Ai-je eu de la culpabilité en regardant mon petit bonhomme qui ne marche pas, ne mange pas tout seul, fait de grands sourires, crie souvent, regarde le monde avec étonnement, a des crises d’angoisses, a des pleurs ou des rires incontrôlés, a des stéréotypies ?

Pas forcément, je ne me sens pas coupable, peut-être parce qu’il n’est pas sorti directement de mes entrailles, par contre, souvent, je me sens coupable de mon incapacité à m’occuper de lui, à prendre le temps, à vivre à son allure « Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange », J.L Fournier, On va où Papa ?

Alors qu’est-ce qu’être responsable de son enfant ? Quelle est donc cette éthique de la responsabilité que doit cultiver le parent de tout en enfant mais avec plus de force quand le petit d’homme est handicapé et qu’il est polyhandicapé.

Une éthique du quotidien

L’objet de la responsabilité c’est le vulnérable en tant que tel selon Paul Ricœur , en ce sens l’enfant polyhandicapé est bien ce vulnérable car il ne possède pas cette autonomie minimale ; non seulement il ne la possède pas en acte mais il ne la possède pas non plus en puissance.

En ce sens, le sujet polyhandicapé est vulnérable à vie. Cette vulnérabilité s’exprime dans le quotidien.

Manger, se vêtir, se laver, être propre sont pour nous un combat au jour le jour.
Guillaume mange facilement, pas de fausse route si tout est bien mixé ou assez écrasé, il sait exprimer sa faim en se mettant devant le frigidaire et en grognant mais il ne peut ni boire ni manger seul ; il faut aussi se mettre à son horaire car il ne peut pas gérer sa sensation de faim et se met à pleurer en cas de retard.
Il en est de même pour le reste de la vie quotidienne, il faut s’adapter au rythme à la fois temporel mais aussi « acquisitionnel » de Guillaume. Bien qu’il fasse des efforts pour nous aider, nous sommes obligés de coller à ses capacités et non aux nôtres.

Mais le quotidien nous interroge aussi fondamentalement. La question éthique se pose aussi de façon très concrète, dans le quotidien.

Guillaume depuis deux ans met sa main dans la bouche, se faisant baver et mouillant ses affaires ;cette stéréotypie lui est préjudiciable sur le plan physiologique(risque de déformation du palais mais blessures aux doigts) sur le plan social(refus de la part des autres de rentrer en relation avec lui car il a la main pleine de bave) mais aussi sur le plan psychologique(il se coupe volontairement de la relation à autrui pour s’enfermer dans la succion de lui-même et concentre toute son attention sur ce geste répétitif).

Nous lui avons donc, après concertation avec l’équipe du CESAP, mis des attelles au niveau du coude qui l’empêche de mettre sa main dans la bouche. Or, ce système est une contrainte tout autant physique que psychologique et provoque de temps en temps des plaies sur les bras. Depuis plus d’un an et demi, il porte ce système d’attelles en journée mais aussitôt enlevées, il remet ses mains dans la bouche. Quelle répercussion psychologique sur Guillaume avec cette contrainte quotidienne ? Une contrainte donc pour le « bien » de Guillaume mais qui nous questionne.

Autre contrainte, le brossage des dents. Guillaume refuse catégoriquement toute intrusion dans sa bouche, s’il accepte les aliments dans sa cuillère, il est impossible d’introduire quoique ce soit d’autre. Tous les soirs, quand nous ne sommes pas fatigués car parfois nous capitulons devant cette épreuve et pour lui et pour nous, il faut attraper Guillaume, le ceinturer et lui laver les dents : pleurs, cris et énervements. Mais nous savons que si nous ne lui brossons pas les dents tous les jours, il risque des caries, des problèmes de gencives ,donc pour éviter une souffrance potentielle nous sommes obligés de lui faire violence.
Une contrainte donc pour le « bien » de Guillaume.

Couper les ongles. Guillaume entre facilement en contact avec autrui avec ses mains, il attrape les cheveux, les visages, il faut donc lui couper les ongles assez régulièrement afin qu’il ne blesse pas dans sa prise de contact mais aussi qu’il ne se blesse pas lui-même (régulièrement, il se griffe le bas ventre).
De nouveau, nous sommes obligés de lui faire violence car il refuse de nous donner sa main, se met à gesticuler dans tous les sens : pleurs, cris et énervements.

Ce sont ce que j’appelle des violences paradoxales car elles sont produites avec une intention bénéfique pour Guillaume et pourtant elles sont éprouvantes et pour lui et pour nous. Le comprend-il ? Cette question me travaille toujours. Comprend-il que nous le faisons pour son bien, parce que nous l’aimons et que nous ne voulons pas qu’il souffre plus tard ?
C’est une épreuve particulièrement culpabilisante car elle nous renvoie à notre propre violence, à nos limites.

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Polyhandicap : éthique de la responsabilité, point de vue d’un père http://plusdignelavie.com/?p=2572 http://plusdignelavie.com/?p=2572#comments Tue, 22 Oct 2013 13:45:27 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2572 Cédric Gicquel

Ce texte d’une telle intensité, enraciné au plus profond de la réflexion et porteur d’un sens exceptionnel de l’engagement, nous semble à ce point important que nous vous en présentons sa version intégrale.

« Tu veux rester à ses côtés Maintenant, tu n’as plus peur De voyager les yeux fermés Une blessure . . . → Read More: Polyhandicap : éthique de la responsabilité, point de vue d’un père]]> Cédric Gicquel

Ce texte d’une telle intensité, enraciné au plus profond de la réflexion et porteur d’un sens exceptionnel de l’engagement, nous semble à ce point important que nous vous en présentons sa version intégrale.

« Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n’as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une blessure étrange dans ton cœur. »
Léonard Cohen, Suzanne

C’est donc un papa, un jeune papa, qui va parler de la responsabilité à travers le prisme de son expérience.
Quelques éléments biographiques afin de mieux comprendre l’origine de cette parole.
Worou-Guillaume est né au Bénin, en pleine brousse, il y a cinq ans maintenant.
Grossesse normale, pas de soucis particuliers, accouchement sans problème.
Beau bébé, parents heureux !

Retour en France, à l’âge de 6 mois…nous constatons des retards dans la motricité, des « angoisses nocturnes », des mouvements stéréotypés mais on nous dit que cela n’est rien, juste un peu de retard. Au fur et à mesure, les déficits de motricité prennent de l’importance, des regards évasifs, un manque de tonicité, nous inquiètent. Une kyrielle d’examens à Necker, une attente d’un diagnostic précis, un parcours du combattant pour trouver une prise en charge adapté avec ce leitmotiv de la part de certains médecins « arrêter de vous inquiéter, tout va bien ». Arrive, une IRM a deux ans, plus énigmatiques que les autres, mais toujours pas de diagnostic étiologique.

Il n’y a pas eu d’annonce du handicap, il n’y a pas eu ce moment, cette date précise que de nombreux parents ont en mémoire où l’on vous annonce que votre fils est handicapé. C’est une annonce implicite, qui se déroule sur des mois et des mois. Des allusions parfois à l’autisme mais rien de plus. C’est grâce à une psychomotricienne du CMPP, qui avait fait un stage au CESAP, que nous avons pu à la fois trouver une structure adaptée mais aussi un nom sur le mal de Guillaume.

Polyhandicap

Les médecins ne nous avaient jamais parlé de polyhandicap et nous découvrons, au jour le jour, la signification de ce nom : polyhandicap.
Dans notre « malheur », nous découvrons que notre fils possède quelques acquis que d’autres non pas : il peut se déplacer à quatre pattes, il n’a jamais fait de crises d’épilepsie, il n’a pas de corset, il est en « bonne santé », pas de va et vient à l’hôpital, même pas de fausses routes pour les repas !
Ai-je eu de la culpabilité en regardant mon petit bonhomme qui ne marche pas, ne mange pas tout seul, fait de grands sourires, crie souvent, regarde le monde avec étonnement, a des crises d’angoisses, a des pleurs ou des rires incontrôlés, a des stéréotypies ?

Pas forcément, je ne me sens pas coupable, peut-être parce qu’il n’est pas sorti directement de mes entrailles, par contre, souvent, je me sens coupable de mon incapacité à m’occuper de lui, à prendre le temps, à vivre à son allure « Avec eux, il fallait une patience d’ange, et je ne suis pas un ange », J.L Fournier, On va où Papa ?

Alors qu’est-ce qu’être responsable de son enfant ? Quelle est donc cette éthique de la responsabilité que doit cultiver le parent de tout en enfant mais avec plus de force quand le petit d’homme est handicapé et qu’il est polyhandicapé.

Une éthique du quotidien

L’objet de la responsabilité c’est le vulnérable en tant que tel selon Paul Ricœur , en ce sens l’enfant polyhandicapé est bien ce vulnérable car il ne possède pas cette autonomie minimale ; non seulement il ne la possède pas en acte mais il ne la possède pas non plus en puissance.

En ce sens, le sujet polyhandicapé est vulnérable à vie. Cette vulnérabilité s’exprime dans le quotidien.

Manger, se vêtir, se laver, être propre sont pour nous un combat au jour le jour.
Guillaume mange facilement, pas de fausse route si tout est bien mixé ou assez écrasé, il sait exprimer sa faim en se mettant devant le frigidaire et en grognant mais il ne peut ni boire ni manger seul ; il faut aussi se mettre à son horaire car il ne peut pas gérer sa sensation de faim et se met à pleurer en cas de retard.
Il en est de même pour le reste de la vie quotidienne, il faut s’adapter au rythme à la fois temporel mais aussi « acquisitionnel » de Guillaume. Bien qu’il fasse des efforts pour nous aider, nous sommes obligés de coller à ses capacités et non aux nôtres.

Mais le quotidien nous interroge aussi fondamentalement. La question éthique se pose aussi de façon très concrète, dans le quotidien.

Guillaume depuis deux ans met sa main dans la bouche, se faisant baver et mouillant ses affaires ;cette stéréotypie lui est préjudiciable sur le plan physiologique(risque de déformation du palais mais blessures aux doigts) sur le plan social(refus de la part des autres de rentrer en relation avec lui car il a la main pleine de bave) mais aussi sur le plan psychologique(il se coupe volontairement de la relation à autrui pour s’enfermer dans la succion de lui-même et concentre toute son attention sur ce geste répétitif).

Nous lui avons donc, après concertation avec l’équipe du CESAP, mis des attelles au niveau du coude qui l’empêche de mettre sa main dans la bouche. Or, ce système est une contrainte tout autant physique que psychologique et provoque de temps en temps des plaies sur les bras. Depuis plus d’un an et demi, il porte ce système d’attelles en journée mais aussitôt enlevées, il remet ses mains dans la bouche. Quelle répercussion psychologique sur Guillaume avec cette contrainte quotidienne ? Une contrainte donc pour le « bien » de Guillaume mais qui nous questionne.

Autre contrainte, le brossage des dents. Guillaume refuse catégoriquement toute intrusion dans sa bouche, s’il accepte les aliments dans sa cuillère, il est impossible d’introduire quoique ce soit d’autre. Tous les soirs, quand nous ne sommes pas fatigués car parfois nous capitulons devant cette épreuve et pour lui et pour nous, il faut attraper Guillaume, le ceinturer et lui laver les dents : pleurs, cris et énervements. Mais nous savons que si nous ne lui brossons pas les dents tous les jours, il risque des caries, des problèmes de gencives ,donc pour éviter une souffrance potentielle nous sommes obligés de lui faire violence.
Une contrainte donc pour le « bien » de Guillaume.

Couper les ongles. Guillaume entre facilement en contact avec autrui avec ses mains, il attrape les cheveux, les visages, il faut donc lui couper les ongles assez régulièrement afin qu’il ne blesse pas dans sa prise de contact mais aussi qu’il ne se blesse pas lui-même (régulièrement, il se griffe le bas ventre).
De nouveau, nous sommes obligés de lui faire violence car il refuse de nous donner sa main, se met à gesticuler dans tous les sens : pleurs, cris et énervements.

Ce sont ce que j’appelle des violences paradoxales car elles sont produites avec une intention bénéfique pour Guillaume et pourtant elles sont éprouvantes et pour lui et pour nous. Le comprend-il ? Cette question me travaille toujours. Comprend-il que nous le faisons pour son bien, parce que nous l’aimons et que nous ne voulons pas qu’il souffre plus tard ?
C’est une épreuve particulièrement culpabilisante car elle nous renvoie à notre propre violence, à nos limites.

Une responsabilité qui nous ouvre à nos limites

Les trois premières années, Guillaume ne dormait pas, toutes les nuits il se réveillait et pleurait, trois ans de nuits blanches où la violence monte en vous parce que vous vous sentez inutile, fatigué, limité dans votre capacité à être proche de votre enfant, à écouter sa souffrance et ses angoisses qui, littéralement, vous avalent.
J’ai eu beaucoup de mal à aimer mon fils, pendant les premières années de sa vie, je ne suis pas certain de l’avoir aimé comme il le méritait ; parfois encore je m’interroge. Ses longues nuits blanches, baignées de larmes et de solitude, ses dangereuses bascules en arrière à tout moment qui faisaient que nous redoutions à chaque instant qu’il se fracasse la tête, m’ont épuisé et m’ont peut-être révélé à moi-même.

La vulnérabilité de l’autre, son extrême dépendance appelle aussi en nous une violence car elle nous demande trop, car elle exige une rupture dans la réciprocité, un oubli de soi qui n’est absolument pas naturelle ; d’autant moins évidente dans une société qui nous habitue au tout, tout de suite et qui promeut la jouissance de soi avant l’effort sur soi. Cette vulnérabilité met à mal tout espoir, toute normalité, elle nous renvoie à cette partie sombre que nous cachons derrière une sociabilité apparente. N’est-ce pas terrible pour un père d’éprouver cette violence, cette impuissance ?

« Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière » J. Green.

J’ai souvent cherché quelle pouvait être cette lumière qui pouvait être au bout de cette nuit, quelle aurore m’attendait ? Pourtant, le handicap de Guillaume m’oblige, à la fois à une connaissance renouvelée de moi-même et un changement de regard. Je ne connaissais pas du tout le polyhandicap avant son irruption dans ma vie, et mon rapport avec le handicap était marqué par une certaine défiance, une certaine gêne bien que mes conceptions morales me poussaient à une acceptation, toute formelle, de la différence et du handicap. Peut-être que cette lumière c’est celle qui enrichit mon regard, lui donne l’épaisseur d’une expérience certes difficile mais qui petit à petit me transforme. Plotin nous enjoint de ne pas cesser « de sculpter notre propre statue », le travail d’homme c’est ce long travail du négatif qui nous débarrasse de la gangue de nos imperfections qui masque le chef d’œuvre que nous sommes. Nos enfants nous sculpte, nous taille, nous arrache à nous-mêmes ; en les éduquant, ils nous éduquent, en les accompagnants, ils nous accompagnent. Notre statue, notre œuvre est indéfectiblement lié à nos enfants, ils sont notre renaissance, notre deuxième vie si nous acceptons à nous mettre à leur écoute. La patience est une vertu, une excellence, elle est une vertu que les parents d’enfants polyhandicapés doivent apprendre à cultiver. Nous n’avons pas la patience des anges, mais peut-être que nous apprenons à la posséder, du moins c’est ce que j’expérimente chaque jour. « Vous devez vivre au jour le jour. Vous ne devrez pas être obsédé par l’avenir. Ce sera une expérience très dure mais vous ne la renierez pas. Vous en sortirez meilleur. Ces enfants naissent deux fois. Ils doivent apprendre à se mouvoir dans un monde que leur première naissance a rendu plus difficile. Et la seconde dépend de vous, de ce que vous saurez lui donné. Mais, au bout du compte, pour vous, aussi, ce sera une renaissance », G. Pontiggia, nés deux fois.

Je crois que dans ce texte se concentre toute la vie d’un père d’enfant handicapé.
« Vivre au jour le jour », les progrès de Guillaume se font sur un fond d’incertitudes, il devrait marcher mais parlera-t-il ? Dira-t-il un jour « papa » ?
Accepter ce que nous voyons aujourd’hui, ne pas se projeter pour ne pas se fracasser mais pour ne pas fracasser non plus son enfant, le perdre dans nos propres exigences de normalité. C’est aux parents de faire le deuil, ce n’est pas à l’enfant de porter le chagrin de ses parents.

« Vous ne la renierez pas », oui cette expérience est douloureuse, elle me renvoie à mes propres failles, mes propres limités, souvent nous pleurons moins sur le handicap de notre fils que sur notre propre douleur, notre propre image déformée que nous projetons sur Guillaume.

S’élever à sa souffrance et non rester enfermer dans notre souffrance, s’élever à ce qu’il est et non pas à ce que nous voudrions qu’il soit.
Il faut apprendre à dépasser la blessure narcissique pour (re)découvrir son enfant par-delà sa propre souffrance, on peut, alors, parler de « renaissance » car une relation plus singulière, peut-être plus réciproque peut, petit à petit, se tisser, se construire.

Mais pour le moment, je n’en suis qu’aux commencements, et cette « renaissance »n’est que conceptuelle et lointaine.

Une responsabilité de père

Etre père c’est être un passeur, c’est faire passer d’une rive à l’autre de l’existence, de l’enfance à l’âge adulte, de la dépendance à l’autonomie.

J’ai surnommé Guillaume, mon « petit Socrate » car il a un regard interrogateur sur le monde, il nous examine longuement, regarde les étoiles, ouvre ses grands yeux plein de reconnaissance pour ce réel qui s’ouvre à lui bien que ce soit ce réel qui semble le faire souffrir et l’angoisser. Et pourtant mon « petit Socrate » me cause bien des soucis, me pose bien des questions : quel est son avenir ? Pourquoi crie-t-il ? A-t-il mal quelque part ? Va-t-il marcher ? Pourra-t-il dire un jour « papa » ? Que puis-je lui transmettre ? Pourrais-je lui faire goûter à mon amour pour Bach, m’extasier avec lui d’un coucher de soleil en Aubrac, discuter avec lui, me disputer avec lui ? Je dois faire le deuil de cet aîné qui ne sera jamais celui de mes rêves de père, de ces moments de complicité intellectuelle que j’attendais, que j’espérai, de celui auquel j’aurai voulu transmettre mes idées, mes passions, mes principes, quitte à ce qu’il les balance à l’adolescence pour mieux les redécouvrir-ou pas- à l’âge adulte.

La tentation demeure de refuser cette vulnérabilité afin de rester dans une posture d’incompréhension, de mélancolie ; pourtant, pour le bien de Guillaume, celui de sa sœur, l’acceptation d’une différence, d’une brisure dans la vie idéale est la garantie que cette vie même est ma vie, que j’en suis acteur, responsable, je ne peux me défausser sur une quelconque malchance ou un destin immuable.
Quelle liberté puis-je transmettre à Guillaume ? Car c’est bien cela, que peut offrir un père à son enfant, une liberté, pas seulement une autonomie matérielle et un bien-être, mais une liberté c’est-à-dire une capacité de choisir sa fin, d’orienter sa vie et non pas la subir. Quelle liberté pour Guillaume alors que les entraves physiques ne viennent pas d’une pathologie externe mais d’une faille à l’intérieur même de son être, une faille que nul corset, nul prothèse ne pourra compenser.

Le polyhandicap ce n’est pas seulement une incapacité de se mouvoir physiquement, de répondre soi-même aux sollicitations primaires, c’est un « être-dépendant de », une vulnérabilité où se joue la vie et la mort. Aujourd’hui, je ne sais pas quelle liberté je pourrai lui transmettre ; de l’affection, une présence, plus qu’une présence une alliance même, oui tout cela je suis capable de lui donner mais ce qui fait l’essence même de la paternité, cette transmission je n’en sais rien.

Le chemin à trois

Les parents d’enfants handicapés doivent accepter, et cela n’est pas forcément évident, qu’un tiers vienne s’inscrire dans la relation éducative. Ce tiers c’est le corps médical qui s’impose du fait même du handicap, c’est aussi tous les réseaux de professionnels socio-éducatifs et para-médicaux. Le sentiment de dépossession de son enfant s’accentue puisqu’il ne s’agit pas seulement d’accompagnement à l’éducation mais aussi de compréhension de la pathologie et du handicap.

Comment ne pas être déstabilisé parce cette ignorance qui est la nôtre ? Comment ne pas culpabiliser devant nos erreurs, nos tâtonnements, nos questions devant les « spécialistes » du polyhandicap. On sait que cette déstabilisation entraîne frustration et culpabilité ce qui pourrait mettre un terme au prises en charge sous le prétexte que nous connaissons mieux nos enfants que les experts. Certes, nous avons l’expérience du quotidien, nous avons cette expertise que produit l’alchimie des jours ; cependant, les professionnels apportent cette distance nécessaire qui peut donner de l’espace à vivre à nos enfants.

Nos projets de vie, tel que nous le demande la MDPH, peuvent les étouffer, un peu comme ces parents qui poussent leurs enfants à devenir médecins parce qu’eux-mêmes n’ont pas su l’être ; à 3, 4, 5 ans quel peut être le projet de vie de Guillaume ? Lorsque j’ai lu ce passage dans la liasse de papier à remplir pour obtenir une orientation et l’AEEH, j’avais envie d’écrire « une bonne prépa pour intégrer l’X de préférence » ! L’attente des parents est tellement grande que le regard et le conseil des professionnel, sur ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, est nécessaire pour l’enfant. C’est pour cela que je parle de chemin à trois.
Nous devons nous défaire d’une toute-puissance, pour que nos enfants ne soient pas prisonniers de nous-mêmes : ils ont déjà assez de problèmes !

La réflexion éthique est donc capitale car elle recentre l’attention vers le sujet de l’accompagnement et décentre le parent pour laisser une place à l’enfant; c’est toujours l’enfant qui est accompagné, le parent, lui, est soutenu dans l’épreuve du handicap. Ce soutien doit se faire avec les mots justes, ni une vaine compassion ni une distance stérile. Et, nous, nous devons savoir que malgré tout le soutien possible, la souffrance se vit toujours tout seul, solitairement.

Une responsabilité politique

Etre parents d’un enfant polyhandicapé est non seulement un chemin compliqué dans la vie au quotidien mais il l’est aussi, et essentiellement quant à la recherche de prise en charge adaptée et de structures adéquats. A titre personnel, ce parcours a été relativement rapide, nous avons eu une place au SESSAD en deux mois et une place à l’IME en une année. Mais cela ne doit pas nous voiler la face sur toutes ces situations de détresses : les parents qui passent leur temps à l’hôpital, qui jonglent avec leur travail, l’angoisse de ne pas trouver une structure qui prenne correctement en charge leur enfants, les questions de vie et de mort qu’ils se posent chaque jour car leur enfant est très lourdement handicapé…

En face de ces situations, des professionnels de qualité mais en nombre bien insuffisant, des structures qui manquent mais aussi des structures qui n’existent pas encore, plus souples par exemple pour les enfants régulièrement hospitalisés ou pour ceux dont le comportement les condamnent à ne pas trouver d’établissement. On connait les causes de ces manques : budgets qui ne suivent pas, tarification peu adaptée, convergences tarifaires qui risquent d’aligner l’ensemble du secteur sur le moins coûtant et pas forcément sur le mieux qualitativement, contraintes administratives où la performance et la formalisation deviennent prioritaires, etc…

Les parents ont donc une responsabilité de soutien non seulement dans leur service ou établissement mais aussi ils doivent s’investir dans les différentes instances, associations qui peuvent faire évoluer le paysage médico-social.

Cet engagement nous le devons à nos enfants, nous le devons aussi aux autres parents, aux autres enfants qui sont exclus de cette communauté de soin et d’accompagnement causée par la pénurie ; il s’agit en quelque sorte d’une solidarité, une réciprocité car ce que nous avons reçu c’est parce que d’autres se sont battus pour que nous l’ayons. Il me semble impératif de sortir de cette logique de rentier et endosser l’habit d’investisseur, pas pour nous qui avons la « chance » mais pour ceux qui n’ont pas accès aux structures ou aux prises en charges adaptées. Il faut investir dans de nouvelles idées d’accompagnement mais aussi de financement, nous ne devons pas nous retourner vers le passé et attendre tout d’un Etat-Providence qui, certes a permis le développement de nombreuses structures mais qui a aussi déresponsabiliser la société sur le nécessaire devoir de solidarité envers les plus faibles.

En effet de l’Etat Providence nous sommes passé à l’Etat Maternel ou Maternant qui nous a habitué à tout attendre de ce monstre froid et anonyme si bien qu’en période de disette économique, tout le système de solidarité nationale se paralyse. Aujourd’hui, nous en payons le prix : « ah mais il y a l’Etat pour ça ! » ce qui permet certain de s’exonérer ne serait-ce que de vous aider à porter une poussette dans le métro !

Entre libéralisme outrancier et étatisme, une nouvelle voie doit être tracée où la responsabilité du Bien Commun appartienne à chacun dans le concret de sa vie.
Enfin, il s’agit aussi d’une responsabilité sur la place de la différence et de la vulnérabilité dans notre société. Il y a actuellement deux grands mouvements de fond qui me paraissent problématiques. Le premier consiste à voir dans le handicap une sous-catégorie des minorités-visibles ou invisibles, peu importe.
Mais le handicap n’est pas une question de minorité, c’est une altérité radicale, une différence qui n’est pas un fait culturel ni historique mais une radicalité ontologique. Participant d’une unique nature humaine, la personne handicapé manifeste que cette humanité n’est pas uniforme, elle est l’épiphanie d’un noyau de complexités, de rapports contraires, qui loin d’être une marque de déficience, est support d’une diversité et d’une richesse.

A l’heure de la grande uniformisation, à la recherche d’une humanité performante, belle, éternellement jeune, narcissique, les personnes polyhandicapées annoncent une vérité discordante : le réel ce n’est pas le même, le réel ce n’est pas forcément le beau médiatique, le réel est cette fascination du multiple et de l’altérité.
Nous, parents, nous avons une responsabilité politique, voire même anthropologique : clamer à temps et à contretemps : oui ce sont des hommes !
Cette uniformisation est ce second moment, où le faible, le vulnérable est soumis à l’empire d’une pensée toujours plus normalisante.

Kant, dans ses Fondements de la métaphysique des mœurs nous a appris que l’homme ne saurait jamais être considéré comme moyen mais comme sujet, comme une fin.

Au vu des défis de la bio-éthique et de toutes les menaces qui pèsent sur la vie, on peut s’interroger si ce grand principe éthique est encore d’actualité.
Des pressions de plus en plus forte, un vocabulaire de plus en plus déshumanisant, des rémanences de « soft » eugénisme (propos d’un député sur la trisomie 21, sur une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue), avec en toile de fond une vision utilitariste et économique de la vie humaine.

Guillaume n’est pas une charge pour la société, il produit de l’intelligence, des solidarités, des engagements, de la recherche, des questionnements, nos enfants polyhandicapés sont une richesse pour la société car, si elle sait les écouter, ils lui apporteront un surplus d’humanité.

« Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore… l’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté » G. Bernanos, La liberté pour quoi faire ?

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2013 : Rapport Mona Lisa (Préconisations pour une MObilisation NAtionale contre l’ISolement social des Agés) http://plusdignelavie.com/?p=2535 http://plusdignelavie.com/?p=2535#comments Tue, 15 Oct 2013 16:18:33 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2535 Concernant la situation des personnes âgées, chacun s’accorde à constater l’importance du phénomène d’isolement et de solitude en nombre de personnes concernées aujourd’hui et au regard des prévisions mais aussi par la dimension critique des situations rencontrées et la difficulté de les prévenir. Chacun fait le constat que l’isolement et la solitude sont des . . . → Read More: 2013 : Rapport Mona Lisa (Préconisations pour une MObilisation NAtionale contre l’ISolement social des Agés)]]> Concernant la situation des personnes âgées, chacun s’accorde à constater l’importance du phénomène d’isolement et de solitude en nombre de personnes concernées aujourd’hui et au regard des prévisions mais aussi par la dimension critique des situations rencontrées et la difficulté de les prévenir. Chacun fait le constat que l’isolement et la solitude sont des facteurs majeurs d’accélération des pertes d’autonomie et de risque de maltraitance, qu’il y a convergence entre rupture sociale et inégalité sociale. La lutte contre l’isolement constitue aujourd’hui l’une des trois premières préoccupations des élus locaux.

MONALISA a comme défi de remobiliser les solidarités d’engagement et de proximité dans le cadre d’une ambition nationale. La mobilisation nationale se concrétisera par un nouveau mode de coopération entre les acteurs publics et le monde associatif et plus largement avec l’environnement direct des personnes concernées.

Télécharger le rapport :

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Extension de la loi Belge relative à l’euthanasie aux mineurs et aux personnes atteintes d’une affection cérébrale incurable. Quatre nouvelles propositions de loi http://plusdignelavie.com/?p=2456 http://plusdignelavie.com/?p=2456#comments Wed, 11 Sep 2013 05:54:42 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2456 Au moment où la France semble s’apprêter à une évolution législative relative aux conditions d’assistance médicalisée en fin de vie, le Sénat de Belgique souhaite pour ce qui le concerne une révision de sa loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. Il propose des dispositifs tirés de l’expérience acquise en plus de dix . . . → Read More: Extension de la loi Belge relative à l’euthanasie aux mineurs et aux personnes atteintes d’une affection cérébrale incurable. Quatre nouvelles propositions de loi]]> Au moment où la France semble s’apprêter à une évolution législative relative aux conditions d’assistance médicalisée en fin de vie, le Sénat de Belgique souhaite pour ce qui le concerne une révision de sa loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. Il propose des dispositifs tirés de l’expérience acquise en plus de dix années (précision sur la clause de conscience et le respect des droits de la personne), et plus encore une extension de l’indication d’euthanasie aux mineurs et aux personnes atteintes d’une affection neurologique incurable.
Les propositions des 26 juin et 3 juillet 2013 concernent les ‘critères de minutie’ qui semblaient à certains par trop contraignants au regard d’une demande probablement encore trop contrainte.
On le constatera, les questions si discutées en France de sédation dite terminale ou de suicide médicalement assisté ne préoccupent guère les parlementaires Belges : ils semblent avoir dépassé semblables arguties.
Une proposition de loi 5-179/1 modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie en ce qui concerne les mineurs âgés de quinze ans ou plus, avait été déjà déposée devant le Sénat Belge le 23 septembre 2010. Sa présentation avait suscité de la part d’un Sénateur cette remarquable affirmation : « Nous pensons depuis toujours que les lois éthiques sont des lois biodégradables ! Notre société évolue et la réflexion doit donc évoluer aussi ».
Il paraît désormais important de ne pas négliger les avancées ainsi produites par ce ‘modèle’ Belge si souvent invoqué pour justifier la législation dans notre pays. Elles incitent à s’interroger sur la nature des prochaines adaptations qui seraient encore apportées à la loi Belge pour viser à encore plus d’efficience !

Les propositions de loi
Consulter les textes dans leur intégralité en bas de page

Proposition de loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie en vue de l’étendre aux mineurs, Sénat de Belgique, 26 juin 2013

Extraits
« Instruits de l’expérience de l’application de la loi de 2002 concernant les personnes juridiquement capables, plusieurs médecins concernés sont venus plaider pour que le législateur intervienne afin de poser les conditions suivant lesquelles l’euthanasie d’un mineur deviendrait possible.
L’euthanasie est définie par la loi, reprenant la définition proposée à l’époque par le Comité de bioéthique, comme étant « l’acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci ».
L’euthanasie est donc un acte répondant à la demande de la personne concernée.
Pour exprimer valablement cette demande, il faut être capable d’en juger raisonnablement.
Selon la définition légale des auteurs de la proposition, l’euthanasie ne concerne que les mineurs disposant de la capacité de discernement. Pour rappel, la capacité de discernement n’est pas un état absolu dont disposerait une personne à partir d’un certain âge et pour le reste de sa vie, pour toute situation vécue. Elle est évaluée pour chaque individu, face à une situation particulière. Elle doit être attestée pour chaque question nouvelle.
Mais par ailleurs, un mineur non émancipé n’a pas la capacité juridique. C’est donc ses représentants légaux (parents ayant autorité parentale, tuteur, …) qui agissent par représentation pour poser des actes juridiques. En conséquence, l’intervention des représentants légaux est nécessaire pour pouvoir pratiquer une euthanasie sur un mineur.
La présente proposition vise donc à autoriser la pratique de l’euthanasie, dans les conditions déjà fixées par la loi de 2002, sur un mineur dont la capacité de discernement est attestée et dont la demande, émise dans les conditions de la loi, est confirmée par ses représentants légaux.
L’évaluation de la capacité de discernement devra être réalisée par un pédopsychiatre ou un psychologue, qui attestera que le mineur est à même d’apprécier raisonnablement les conséquences de sa demande.
Le discernement ne peut pas être déduit simplement de l’âge de l’enfant. Les personnes auditionnées admettent que la capacité de discernement est variable d’un individu à l’autre, d’une situation à l’autre.
Tous les spécialistes pédiatriques entendus ont insisté sur l’extraordinaire maturité que des enfants peuvent acquérir quand ils font face à une maladie létale. Des mêmes personnes auditionnées, il ressort qu’il est préférable de ne pas tracer de limite d’âge arbitraire, mais de se fonder sur la réponse à la question : la demande du patient est-elle éclairée, est-il en capacité d’en apprécier toutes les conséquences ? »

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Proposition de loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie et la loi coordonnée du 10 juillet 2008 relative aux hôpitaux et à d’autres établissements de soins, en vue de garantir le respect de la clause de conscience, Sénat de Belgique, 26 juin 2013

Extraits
« Art. 2 – L’article 14, alinéa 3, de la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie est complété par les phrases suivantes : « Aucun médecin ne peut être empêché de pratiquer une euthanasie en vertu d’une convention. Le cas échéant, une telle clause d’interdiction est réputée non écrite. »

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Proposition de loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie, en vue de fixer un délai à respecter par le médecin, d’une part, pour répondre à la demande d’euthanasie du patient et, d’autre part, pour transmettre le dossier médical du patient à une commission au cas où il refuserait d’accéder à la demande de celui-ci, Sénat de Belgique, 26 juin 2013

Extraits
« La présente proposition entend donc clarifier la procédure en ce qui concerne la réponse à apporter à la demande du patient. Elle modifie l’article 14 de la loi du 28 mai 2002 en précisant que le refus de pratiquer une euthanasie doit, le cas échéant, être communiqué par le médecin au patient dans les sept jours de la formulation de la demande.
De même, le dossier médical doit être communiqué à un autre médecin qui accédera à la demande du patient. Le présent texte propose que cette communication se fasse dans un nouveau délai de quatre jours maximum. »

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Proposition de loi modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie en vue de l’étendre aux personnes atteintes d’une affection cérébrale incurable à un stade avancé et irréversible et qui ont exprimé leurs volontés dans une déclaration anticipée d’euthanasie, Sénat de Belgique, 3 juillet 2013

Extraits
« Cette extension du champ d’application de la loi « euthanasie » aux malades atteints d’une maladie cérébrale irréversible et ayant rédigé une déclaration anticipée est animée par quatre mots clés : autonomie, liberté, dignité, et responsabilité. Des hommes et des femmes attendent que l’on leur permette d’accéder à leur demande d’euthanasie en fixant des balises claires qui définissent avec précision l’importance du rôle du patient, des proches et de l’équipe médicale. De quel droit ignorer ces situations de souffrances ? De quel droit leur refuser de mourir en toute dignité dans le respect de leurs dernières volontés ?
Pourquoi refuser d’encadrer soigneusement la réponse à des demandes d’euthanasie de ce type qui existent qu’on le veuille ou non ? Les auteurs ne veulent plus de ce vide juridique.
C’est d’ailleurs d’autant plus utile que cela évite aux médecins eux-mêmes de prendre d’énormes risques parce que, rappelons, sans respect des prescriptions légales, l’euthanasie est un meurtre. »

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Textes dans leur intégralité :

Mineurs

Propositions de délais

Clause de conscience

Affection cérébrale

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