Peut-on parvenir à un consensus sur l’aide à mourir ?

Par Corine Pelluchon

Philosophe, professeure à l’université de Franche-Comté

Est-il possible de parvenir à un consensus ou à un désaccord raisonnable sur la réponse législative à apporter à l’accompagnement de la fin de vie ? Présentant les arguments qui divisent les citoyens sur une éventuelle loi en faveur d’une aide active à mourir, cette note fait un état des lieux sur les avancées de loi du 22 avril 2005, en particulier en ce qui concerne l’encadrement des décisions d’arrêt et de limitation des traitements chez des personnes hors d’état d’exprimer leur volonté.
Les articles 1111-4, 1111-13 et R 4127-37 sont examinés en eux-mêmes et à la lumière de l’affaire V. Lambert et la notion d’obstination déraisonnable, qui est au coeur de la décision médicale, est analysée. Il apparaît que, pour que le dispositif législatif actuel, qui met surtout l’accent sur la responsabilité médicale, garantisse davantage le droit des personnes à être soustraites à l’obstination déraisonnable et à l’ingérence d’autrui, des évolutions sont nécessaires.
La première recommandation est de rendre les directives anticipées contraignantes et obligatoires. Elles devraient porter sur le sens qu’a, pour chacun, l’obstination déraisonnable, c’est-à-dire sur les limites au-delà desquelles il estime que les traitements sont disproportionnés, dans l’hypothèse où il souffrirait de lésions cérébrales graves et irréversibles conduisant à un état de coma, à un état végétatif ou à un état de conscience minimale (pauci-relationnel). S’agissant des directives concernant les traitements à administrer ou à interrompre en fin de vie ou au stade final d’une maladie dégénérative, il faut plutôt s’en tenir à des directives anticipées de volonté. Car la personne peut changer et il faut aussi qu’un mandataire, comme dans le modèle allemand, vérifie qu’elles correspondent encore à sa volonté. Distinguant clairement les décisions d’arrêt et de limitation des traitements de l’euthanasie, cette note examine les cas-limites, comme les nouveaux nés atteints de malformations graves. Une sédation profonde et continue jusqu’au décès est recommandée. Elle devrait également être proposée aux malades en fin de vie, ce qui correspond aux recommandations du CCNE (seconde recommandation)…Lire la suite

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1 comment to Peut-on parvenir à un consensus sur l’aide à mourir ?

  • Voici un texte fort, argumenté, sans pathos rhétorique et qui n’est pas sous-tendu par une idéologie, ce qui nous change.

    Un mot sur la proposition 2) droit à la sédation au stade terminal :

    Mettre un patient dans le coma avant sa mort pose quelques problèmes, surtout lorsque cet acte est associé à l’arrêt de tout traitement, y compris l’hydratation. Selon l’état physiologique du patient, la mort surviendra dans un délai variable et assez imprévisible. Il est exact de dire que la sédation couplée à l’arrêt de tout traitement « brouille la distinction, habituellement pertinente, entre  » laisser mourir  » et  » faire mourir  » » et ceci n’est pas uniquement le cas du nouveau-né.

    Si la sédation est trop prudente dans sa posologie, elle risque d’aboutir à une obnubilation ou un coma prolongé qui plonge les proches du patient dans le désarroi. Il s’agit là d’un véritable produit de la technique, qui créé de l’indécidable. Il y a déjà longtemps, un spécialiste canadien des soins palliatifs, Marcel Boisvert, notait avec ironie : « Plus la ‘‘palliation’’ est savante, plus l’agonie est longue ! ». Ce point a été relevé fortement dans le rapport Sicard et dans l’avis 121 du CCNE, il est noté : « Le strict respect de la loi ne doit pas conduire à des situations plus douloureuses et plus violentes que son non-respect ».

    Dans l’hypothèse d’une révision de la loi, il serait bon d’ajouter au droit à la sédation couplée avec l’arrêt de tout traitement un critère identique à celui qui est proposé par le CCNE dans ces situations de fin de vie en néonatalogie : « Il est souhaitable que la loi soit interprétée avec humanité afin que, grâce à la manière de mener la sédation, le temps de l’agonie ne se prolonge pas au-delà du raisonnable ». Dans ces conditions, la revendication de l’euthanasie par injection létale, effectuée par un médecin sur procuration du patient, devrait devenir obsolète, sous réserve de la mise en œuvre de l’ensemble de ces nouveaux droits (renforcement de l’offre de soins palliatifs, directives anticipées contraignantes, droit à une sédation terminale, assistance au suicide).

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