Discrimination et pauvreté. Livre blanc : analyse, testings et recommandations

Pierre-Yves Madignier Président du Mouvement ATD Quart Monde en France

Des personnes qui ont ou ont eu l’expérience de la grande pauvreté et militent pour détruire la misère (on les appelle dans notre mouvement des « militants Quart Monde ») ont mis en évidence une réalité très présente, mais jusqu’à présent largement occultée : lorsque, pour une raison ou pour une autre, l’on est repéré comme pauvre, on subit des comportements particuliers qui humilient.

À partir de là, toute une réflexion s’est engagée au sein d’ATD Quart Monde, réflexion dont ces militants ont été le moteur. C’est ainsi qu’un certain nombre de faits réunis dans un dossier remis à la HALDE1 en septembre 2010 ont pu être qualifiés de discriminations. C’est également ainsi que nous avons été conduits, l’été dernier, à réaliser les travaux de testings présentés dans ce livre blanc.

Aujourd’hui, cette réalité sociale de la discrimination pour pauvreté n’est pas ou pas encore reconnue. Nous considérons que ce silence de la société sur une telle réalité d’humiliation est en soi une violence faite à celles et ceux qui ont une vie précaire et que, comme toutes les réalités douloureuses mais refoulées, elle produit des ravages, en l’occurrence dans notre cohésion sociale et notre vivre ensemble.

La HALDE nous ayant dit qu’elle manquait d’outils juridiques afin de pouvoir reconnaître cette discrimination, nous avons repris le travail avec des juristes, des associations et des confédérations syndicales de salariés. La contribution de ces dernières revêt une importance particulière, car elles représentent des couches beaucoup plus larges que nos concitoyens qui vivent dans la grande pauvreté.

Ce travail commun a renforcé notre conviction qui soutient ce livre blanc de demander la reconnaissance de la discrimination pour précarité sociale. Il s’agit pour la République d’envoyer un signe clair à toutes les personnes qui vivent des humiliations en raison de leurs difficultés sociales : elles ne sont ni oubliées, ni invisibles.

La reconnaissance de la discrimination pour précarité sociale n’est pas une tentative de judiciariser la société française. Les personnes concernées ne sont pas des acharnées des tribunaux. Ce n’est pas non plus un moyen de réguler le débat public et le débat des idées. Pour cela, il existe d’autres moyens, comme le livre récemment sorti pour dénoncer des stéréotypes et des représentations erronées.

 

Livre blanc discrimination et pauvreté

Ce n’est pas non plus un couteau suisse à cinq lames censé régler tous les problèmes. L’accessibilité et la mise en œuvre des droits pour tous, l’information du grand public, la formation et la co-formation des acteurs avec des personnes qui connaissent la grande pauvreté, le soutien au pouvoir d’agir dans les quartiers, sont également des axes incontournables afin de détruire la misère.

La finalité la plus haute de la reconnaissance de la discrimination pour précarité sociale est, dans le droit fil de la loi de 1998 contre les exclusions, de donner à chacun des repères civiques, de jouer son rôle dans l’éducation de tous à la vie en commun, de permettre à un enfant qui se fait traiter de « cas soc’ » dans une cour de récréation de savoir que de tels propos sont réprouvés.

Cette reconnaissance est une manière forte d’adresser un message de vraie considération et fraternité à toutes celles et tous ceux, nombreux dans notre pays, qui se sentent mis de côté en raison de précarités sociales.

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