Mourir dans la dignité, un souhait partagé par tous

Marie De Hennezel

Psychologue, psychothérapeute, auteur de « Nous voulons tous mourir dans la dignité » (Robert Laffont)

 

Dans mon dernier livre « Nous voulons tous mourir dans la dignité » (Robert Laffont), je porte  l’inquiétude de ma génération, celle des hommes et des femmes de plus de soixante cinq ans, souvent très impliqués dans l’accompagnement difficile de parents très âgés et très vulnérables, et soucieux de la manière dont, eux-mêmes, termineront leur vie, le jour venu. Dans les séminaires que j’anime [1], j’entends leur angoisse et leurs questions, notamment leurs doutes relatifs à une loi qui aurait la prétention d’assurer la dignité d’une vie qui prend fin, en imaginant les moyens d’écourter la vie, plutôt qu’en s’attaquant aux racines de l’indignité.

Dans cet ouvrage j’interpelle la Gauche, porteuse des valeurs de solidarité, et garante des droits de l’homme. A ce titre, il lui incombe de ne pas confondre dignité et autonomie, ou dignité et estime de soi, et de rappeler avec force que toute personne aussi abîmée soit-elle, aussi « inutile » soit-elle au regard de notre société marchande et jeuniste, doit sentir que sa vie est protégée. Que signifie la précipitation avec laquelle on envisage de modifier la loi en vigueur, une loi protectrice des droits des malades en fin de vie, mais qui n’a pas encore été vraiment appliquée ? L’intention affichée d’ouvrir la porte au suicide assisté est perçue comme une menace par ceux qui, vieillissant, et ayant déjà l’impression d’être un fardeau pour la société, se demandent ce que signifie ce choix politique et ce qu’on en fera…

Certes, les  seniors ont peur de mal mourir et refusent d’être dépossédés d’eux-mêmes à la fin de leur vie. S’ils veulent être écoutés au plus près de leur angoisse et de leur désir de ne pas être « prolongé » et de pouvoir glisser dans la mort, ils sont parfaitement conscients des pressions qui pourraient être faites sur eux, si la barrière de l’interdit de tuer est franchie, et si l’Etat organise trop l’assistance médicalisée au suicide. La crête entre la liberté qu’ils souhaîtent et la nécessaire protection qu’ils réclament, dans un monde où les contingences économiques pèseront lourd sur le sentiment d’être ou pas un poids pour les autres, est certes étroite. La nouvelle loi annoncée devra tenir compte de cette double demande : plus d’écoute et de liberté, mais aussi plus de protection.

Dans un chapitre intitulé « la solidarité inversée », j’ai montré comment ma génération est consciente du danger qu’elle court, si d’ici vingt ans le regard sur les vieux n’a pas changé, si les pouvoirs publics n’ont pas investi dans des structures d’accueil plus humaines, avec un personnel formé et enfin valorisé. On attendra peut-être d’elle qu’elle soit  solidaire des plus jeunes, en leur laissant la place. Mourir dans la dignité sera peut-être bientôt, mourir avant d’être impotent et de devenir un poids pour ses enfants. Qu’est ce qu’une société où toute une génération – du moins les plus pauvres, ce qui montre à quel point ce sera devenu inégalitaire – se sentirait honteuse, indigne de vivre encore, et pour cette raison demanderait le droit de mourir ?

N’est ce pas le rôle de la Gauche de penser le fond du problème – ce sont les conditions du mourir et de l’accueil des personnes fragilisées par la maladie et le grand âge qu’il faut changer, pas la loi – au lieu de se précipiter sur une solution légale qui risque fort, en fin de compte, de ne pas être digne d’elle ?


[1] Pour le groupe AUDIENS

 

2 comments to Mourir dans la dignité, un souhait partagé par tous

  • cloclo54

    Je n’ai pas écrit de livres, mais, ayant votre âge, je porte l’inquiétude des personnes, qui comme vous, se voient imposer leurs idées et leur avis par les autres, par VOUS ! Je pense que mon avis vaut bien le vôtre et je ne vois pas de quel droit vous décideriez à ma place !
    Arrêtez de dire qu’on est dans la précipitation ! ça fait 31 ans exactement que l’association pour le droit à une mort choisie existe ! Il vous faudrait combien de décennies encore pour comprendre que, comme près de 90 % des Français, nous voulons avoir le CHOIX de notre fin de vie sans avoir à vous en demander l’autorisation !
    Pourquoi voulez-vous que les Français en général soient plus idiots que vous pour qu’ils aient besoin que d’autres décident pour eux ! C’est fou ça !
    Comment faut-il vous le dire ? Nous voulons décider de notre fin de vie, c’est simple à comprendre pourtant !
    La Gauche, justement, parlons de la Gauche, elle a tous les pouvoirs en mains actuellement et à tous les niveaux de décision. F. Hollande avait fait de cette question une promesse de campagne, il a été élu sur des promesses, qu’il les tienne, d’autant plus que plusieurs projets de loi qui allaient dans ce sens ont été déposés avant son élection.
    Vous êtes une poignée d’irréductibles qui ne veulent pas voir que la société a changé et que la toute puissance médicale est loin d’être encore d’actualité.
    Les gens se sentent responsables de leur vie ET de leur mort, alors arrêtez d’écrire des bouquins qui disent et redisent la même chose depuis des années et des années !
    Si c’est pour des raisons religieuses rassurez-vous, nous ne vous « achèverons » pas comme vous semblez en avoir peur ! chacun ira au bout de ce qu’il aura souhaité et si vous voulez une longue agonie, vous l’aurez, soyez en certaine !
    Vous êtes comme J. Léonetti qui est en train de réinterroger tous ceux qui l’ont été dans la mission Sicard. Heureusement que le ridicule ne tue pas !

  • SEREINE EUTHANASIE

    Regarder la mort en face
    pour qui connaît le courage
    la poésie des fleurs
    et la liberté des oiseaux

    Sous l’ombrage des douleurs
    se réjouir du magnolia stellata
    pétales roses en délicatesse
    étoiles au cœur parfait

    Extase, état de grâce
    au-delà des souffrances
    ivresse, parfum de délivrance
    main charitable de la mort

    Vivre son heure ultime
    dans l’amour universel
    riche de la paix ressentie
    baignant l’au-delà infini

    Plénitude du dernier instant
    illuminé de souvenirs exquis
    partir dans un feu transcendant
    auréolé du miel des adieux

    La vie fragile enfuie
    depuis déjà longtemps
    aux lèvres mauve pâle
    esquisse le dernier sourire

    © Silviane Le Menn
    Quimper, le 17 décembre 2012

    - SEREINE EUTHANASIE : http://www.abadennou.fr/poemes/poemes_slm/2012/sereine_euthanasie.html
    - DOSSIER EUTHANASIE : http://www.abadennou.fr/dossier_euthanasie.html
    - CONFÉRENCE POUR MA FILLE CORALIE : http://www.abadennou.fr/euthanasie/conference1_coralie.html