Euthanasie : faut-il modifier la loi ? Trois questions à Jean-Marie Le Guen

Entretien paru pour le site Doctissimo le 21 mars 2012, reproduit avec l’autorisation des ayants-droits.

Propos recueillis par Jean-Philippe Rivière

 

Sept ans après le vote de la loi Léonetti, la prise en charge médicalisée des souffrances extrêmes et de la fin de vie fait à nouveau débat en France. Ainsi, la proposition 21 du programme du candidat du Parti Socialiste aux présidentielles prévoit d’instaurer, en cas de succès aux élections, une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Cela signifie-t-il une légalisation de l’euthanasie ? Les explications de Jean-Marie Le Guen, député socialiste et médecin en charge des questions de santé dans l’équipe de campagne de François Hollande.

 

Doctissimo : Pensez-vous que la prise en charge actuelle de la souffrance extrême est suffisamment efficace ?

Jean-Marie Le Guen : A l’évidence, le débat sur la fin de vie n’est pas clos dans notre société. Le Professeur Aubry, Président de l’Observatoire national de la fin de vie appelle, lui-même, à des Etats généraux sur cette question. Certains cas tragiques, et des témoignages de proches, nous ont tous ému.

Le cadre actuel – la loi Léonetti –  est insatisfaisant et insuffisant. Le dispositif actuel – le « laisser mourir » – est hypocrite. S’il évite, en théorie, l’acharnement thérapeutique, il amène généralement le patient à mourir inconscient, certes sans douleur mais de faim et de soif !! Cela n’est pas satisfaisant.

Je sais que de nombreux professionnels sont donc d’ores et déjà amenés, en leur âme et conscience, à aller au-delà de ce qui est prévu. On estime aujourd’hui à plus de 8 000 par an le nombre d’euthanasies pratiquées en France (dont près d’un tiers sans que les malades inconscients aient pu exprimer leur volonté). Ce qui signifie bien que la loi actuelle laisse de nombreuses zones grises et n’apporte pas les garanties nécessaires.

La non reconnaissance de ces pratiques ne permet pas de garantir qu’elles s’exercent dans des conditions éthiques, techniques et juridiquement encadrées. D’un côté, même si le Ministère public interrompt quasi-systématiquement les poursuites, la pratique médicale n’est pas encadrée et protégée. De l’autre, la dignité et l’équité entre les malades ne sont pas assurées.

 

Doctissimo : François Hollande propose dans son programme présidentiel que les personnes en souffrance extrême puissent bénéficier, à leur demande, d’une « assistance médicalisée pour terminer [leur] vie dans la dignité« . Est-ce que cela signifie une légalisation de l’aide des médecins au suicide ?

Jean-Marie Le Guen : L’euthanasie, nous n’y sommes pas favorables. Nous sommes pour le droit de mourir dans la dignité. Ainsi, dans certains cas, après consultation de la personne, de la famille et des médecins, on peut envisager un acte de compassion pour soulager la personne.

C’est pourquoi François Hollande s’est engagé à demander au Parlement de légiférer pour avancer sur la question de la fin de vie. Et nous voulons qu’un débat serein précède la loi, et que toutes les opinions soient entendues et respectées.

 

Doctissimo : Dans le contexte de crise actuelle, comment pensez-vous pouvoir renforcer la culture et la pratique des soins palliatifs en France ?

Jean-Marie Le Guen : Le plan soins palliatifs, tout d’abord, est loin d’avoir bénéficié des moyens qui avaient été annoncés par le Gouvernement. Ainsi, le nombre des Unités de Soins Palliatifs a très faiblement augmenté, passant de 90 en 2008 à 107 en 2011. La répartition de ces Unités reste très inégale sur le territoire, puisque deux tiers d’entre elles se situent dans 5 régions seulement. Les soins palliatifs à domicile restent peu fréquents. L’avenir des réseaux est incertain et le développement des soins palliatifs en maison de retraite médicalisée reste embryonnaire. François Hollande s’est engagé, s’il est élu, à ce que le plan soins palliatifs soit effectivement mis en œuvre.

Plus globalement, c’est la culture des soins palliatifs, elle-même, qui est insuffisante dans notre pays, y compris parfois chez les professionnels de santé. La loi Léonetti sur le droit des malades et la fin de vie est largement méconnue puisque près de 70 % de Français en ignorent l’existence. La communication et l’information auprès du grand public sur ce sujet devront donc être  renforcées.

 

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