Reconnaissance des spécificités des personnes polyhandicapées et accès aux soins

Gérard Ponsot

Professeur honoraire de neuropédiatrie, Paris

 

La méconnaissance des spécificités des personnes Polyhandicapées fait qu’elles n’ont toujours pas accès à leurs droits élémentaires malgré l’affirmation de leur citoyenneté.

Ceci est d’autant plus inadmissible qu’elles ont été identifiées en France, il y a plus de 30 ans par Elisabeth Zucman comme ayant une déficience motrice lourde associée à une déficience mentale sévère ou profonde entraînant une restriction extrême de leur autonomie et de leurs possibilités d’expression et de relations. Dès cette époque ces mêmes médecins avec d’autres professionnels et les familles ont mis en place des méthodes d’accompagnement pour que leurs capacités cognitives, communicatives, affectives et physiques soient reconnues et s’expriment. J’ajoute que pour les mêmes raisons et objectifs que nous, les pays Anglo-Saxons, mais vingt ans plus tard, ont distingué ces enfants et adultes très profondément déficients de la « cerebral palsy » pour leur donner une identification quasi–identique à celle du polyhandicap : personnes ayant une déficience mentale profonde associée à de multiples déficiences en particulier motrices.

 

Ici je voudrais insister sur les difficultés que rencontrent les personnes polyhandicapées pour accéder à des soins de qualité et adaptés à leurs déficiences.

 

Trois remarques sur la situation des personnes polyhandicapées vis-à-vis des soins.

 

Ces personnes très fragiles physiquement sont exposées à tous moments de leur vie à des décompensations aigues et à des détériorations progressives.

Les soins, qu’il s’agisse de prévention absolument essentielle, de soins courants, de soins spécialisés, de soins palliatifs, de soins de fin de vie sont toujours complexes chez ces personnes, ce d’autant que les praticiens connaissent mal leurs spécificités.

Ces soins ont bien sûr comme but de prévenir la dégradation de leur état physique, d’empêcher la survenue de nouveaux handicaps mais surtout de permettre à ces personnes d’exprimer au mieux leurs capacités cognitives, communicatives et affectives. Les soins sont « au service » des potentialités intellectuelles et affectives de ces personnes.

 

Même si je n’ignore pas que dans beaucoup de régions de France, il y a eu des améliorations, des innovations intéressantes, trois points sont à améliorer de façon très sensible ou à repenser complètement pour que les soins soient adaptés aux spécificités de ces personnes.

 

 

1. Accueil et parcours de soins

Un accueil humain par des personnels compétents, connaissant les spécificités des personnes polyhandicapées.

Un parcours de soins adapté à leurs déficiences, ceci signifiant des soins de qualité donnés en un temps court avec une unité de lieu.

Une bonne accessibilité et architecture des différents endroits où vont passer ces personnes.

Enfin un suivi évolutif bien prévu à l’avance et expliqué.

 

Il faut peut-être se poser la question de savoir si ces lieux de soins spécifiques ne devraient pas être réservés à quelques hôpitaux d’enfants et d’adultes régionaux et universitaires, et en ville à quelques regroupements médicaux, en leur en donnant les moyens.

 

2. Information et formation

La formation des personnels médicaux et paramédicaux, en particulier ceux qui ne prennent en charge qu’occasionnellement ces personnes est fondamentale, bien sûr pour ces soins spécifiques mais, peut être plus encore, pour qu’ils apprennent à connaître ce que sont ces personnes et leur place dans les familles. C’est essentiel pour poser les indications de ces soins qui doivent être au service des capacités intellectuelles de ces personnes comme on l’a vu plus haut, mais aussi dans les moments critiques, comme les décompensations aigües, pour envisager avec les familles la nature des soins, palliatifs voire de fin de vie.

La formation des professionnels habituels et des familles est absolument essentielle pour le bon déroulement des soins quotidiens (pose d’orthèse ou de corset par exemple).

 

Une information sur la localisation des lieux de soins spécifiques, avec l’identification des spécialités compétentes pour ces personnes qui s’y trouvent aussi bien en ville qu’à l’hôpital, information rapide et précise après une hospitalisation ou une consultation en ville pour les familles et tous les intervenants accompagnant habituellement ces personnes.

Une coopération étroite entre les professionnels occasionnels avec les familles et les professionnels proches est une aide précieuse pour parvenir à une information et formation humaine et adaptée.

 

3. L’évaluation précise des besoins, en places, en personnel, techniques et financiers pour ces soins spécifiques

Aussi bien pour les hôpitaux, la médecine de ville et les institutions, cette évaluation est absente ou totalement inadaptée, comme la T2A pour les hôpitaux : les spécificités de ces personnes ne sont toujours pas reconnues par les décideurs politiques, économiques et administratifs, même spécialisés dans les problèmes de santé comme dans les Agences Régionales de Santé

 

Un obstacle important à la reconnaissance des spécificités des personnes polyhandicapées est la vision qu’ont encore un trop grand nombre d’entre nous sur la vie de ces personnes : « leur vie vaut-elle la peine d’être vécue ? », vision que ne partagent bien sûr pas les parents, les familles, les professionnels proches, les associations…

Je terminerai donc par ce que m’ont appris les enfants polyhandicapés, les familles, les personnels des lieux de vie et qu’a répété inlassablement, sans aucune ambiguïté, sans aucune concession le Pr Stanislas Tomkiewicz : « La personne polyhandicapée est une personne humaine à part entière, tout simplement différente, comme toutes les personnes, qui a le droit à la vie, c’est-à-dire à une qualité de vie satisfaisante et non à la survie. »

 

Seule la mise en œuvre du plan d’action polyhandicap permettra une avancée majeure dans cette reconnaissance.

 

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