Légalisation de l’euthanasie en Belgique : un bilan

Résultats d’une enquête qualitative auprès de professionnels de santé belges travaillant en soins palliatifs

 

Étude a été réalisée par le Groupe de travail « Ethique, droit et santé » / Plus Digne la vie, sous la direction du Dr. Bernard Devalois

Ce document est disponible au téléchargement en PDF

Annexe : Proposition parlementaires belges en faveur de l’extension de l’euthanasie aux mineurs (PDF)

Annexe : Belgique – Les limites du contrôle a posteriori selon les rapports de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (PDF)

 

La législation belge ayant légalisé l’euthanasie a dix ans. Entre 2002 et 2009, dernière année où le nombre officiel d’euthanasies est connu, 3.451 euthanasies ont été enregistrées. La coïncidence de ces dix ans d’existence avec le débat engagé sur cette question à l’occasion de l’élection présidentielle française justifie que l’on dresse un bilan de cette expérience. Le collectif Plus Digne la vie s’est livré à cet exercice, en adressant un questionnaire à l’attention de professionnels de santé belges travaillant en soins palliatifs.

 

Un questionnaire de 14 items a été élaboré (cf. annexe). Il a été envoyé pour des raisons linguistiques à des professionnels de santé francophones, afin de ne pas s’exposer à des ambiguïtés d’interprétation. Afin que cette analyse colle au plus près à la réalité du terrain et ne soit pas basée sur un discours partisan (pro ou anti), ces professionnels ont été choisis pour leur expérience pratique dans le domaine de l’accompagnement de fin de vie, via les plateformes de soins palliatifs francophones. Pour une vingtaine de mails envoyés, nous avons reçu 19 réponses, montrant l’intérêt porté par nos collègues belges à la démarche.

Quatre réponses n’ont pas été exploitées (3 pour absence de réponse aux questions posées et une institutionnellement opposée à la pratique de l’euthanasie ne pouvant donc pas constituer un témoignage direct). Elles sont toutefois intégralement présentées en annexe.

 

Deux médecins, se déclaraient membres de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de la loi sur l’euthanasie et/ou responsables de l’ADMD. La première mettait en garde contre les risques de propos partisans (« les questions sont pertinentes mais les réponses devront être analysées avec beaucoup de discernement »). La deuxième jugeait au contraire que le questionnaire démontrait « une très grande méconnaissance de ce qui se passe en Belgique ».  Un troisième est responsable d’une plateforme régionale de soins palliatifs. Il écrit notamment « Je suis totalement stupéfait par votre questionnaire… Si vous souhaitez vous intéresser à ce qui se ferait toujours en dehors du cadre légal des euthanasies, les questions posées n’y apporteront sûrement aucune réponse (s’il est évident que des euthanasies qui n’en portent pas le nom ont encore lieu, aucun praticien ne le révélera ainsi) ».

 

Une dernière réponse émanait d’un établissement clairement positionné contre la pratique des euthanasies: «  Le refus de l’euthanasie est un choix institutionnel pour lequel le comité d’éthique a développé un argumentaire, toujours en travail, que vous trouverez en pièce jointe. »

 

C’est donc un total de quinze réponses exploitables qui ont fait l’objet d’une analyse détaillée : 7 venant de médecins, 8 d’infirmières. Aucune de ces personnes ne se présente comme une opposante de principe ou comme ayant invoqué une clause de conscience personnelle devant cette pratique.

Treize disent même avoir l’expérience personnelle directe de pratiques d’euthanasie. Comme convenu au préalable, afin de leur permettre de s’exprimer en toute liberté, l’anonymat des auteurs est respecté. Le contenu des réponses a été conservé en l’état, sans aucune réécriture sauf la correction de quelques fautes d’orthographe. Elles ont été regroupées par thèmes.

 

Ces réponses donnent un éclairage intéressant sur la réalité de l’application de la législation belge et doivent nourrir notre discussion en France, puisque c’est souvent ce modèle belge qui est présenté comme celui devant inspirer la France.


I – L’analyse de la pratique au vu des trois objectifs fixés par la loi belge

 

La volonté du législateur belge en mettant en place la loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie était triple :

 

  • Supprimer les euthanasies clandestines ;
  • Réserver aux seuls médecins la pratique des euthanasies ;
  • Garantir la mise en œuvre de la volonté du patient.

 

 

La loi a-t-elle supprimé les euthanasies clandestines ?

 

Les euthanasies clandestines (au sens d’injections pratiquées dans le but de provoquer la mort en dehors du cadre légal) semblent loin d’avoir disparu selon les témoignages des professionnels. Aucun de ceux-ci n’affirme d’ailleurs que ces pratiques n’existent pas, confirmant les données de la littérature, même si certains y voient un problème, quand d’autres pondèrent l’importance de ces pratiques illégales.

 

 

Certains interlocuteurs indiquent que ces pratiques existent mais leurs semblent moins fréquentes.

 

« Pour les euthanasies clandestines, non elles n’ont pas disparu, mais elles sont en diminution. Certaines sont pratiquées de manière tout à fait « sauvage » sans se référer ni à la législation ni à une procédure bien définie ».

« Les euthanasies clandestines sont risquées pour le médecin, puisqu’il peut être dénoncé par un proche et /ou un soignant ; et comme les infirmières de soins doivent participer à la réflexion par rapport à la demande, elles sont rarement enclines à couvrir les médecins qui ne respectent pas la loi. Par contre, comme la loi est exigeante, qu’elle demande du temps, certains médecins préfèrent accélérer la fin de vie, ou sédater le patient dés qu’il le demande. Mais ces pratiques sont en diminution. »

« La législation ne semble pas avoir réellement mis fin aux euthanasies clandestines. »

 « La question des euthanasies clandestines est secondaire. Il en existe toujours probablement mais si la légalisation a permis que certaines se fassent dans la légalité, et pas en cachette comme avant. C’est déjà très important. Ca prouve que ça peut se faire de façon correcte. Mais ça n’a pas changé le monde. Des euthanasies clandestines ça se fait encore bien sûr, pour éviter des papiers notamment. »

 « Les infirmières du domicile rapportent des pratiques qui les choquent comme l’augmentation des doses de morphiniques non justifiée par l’état du patient. Ces pratiques existent, sont difficiles à chiffrer. »

 « Je ne pourrais pas les chiffrer, je ne sais pas s’il y en a moins mais je me demande si elles ne sont pas devenues « normales » vu la désinformation médiatique qui parle d’un « droit » à l’euthanasie, en banalisant la chose, en éludant la réflexion autour de cette question éthique. »

 

 

Il existe une subtilité importante qui doit être comprise pour décrypter les propos des professionnels de santé belges. Certains ne qualifient du terme d’euthanasie que les pratiques d’injections létales répondant aux critères de l’article 2 de la loi. Toutes les «euthanasies» (comprises avec ce sens restrictif) sont donc par définition légales. Par contre toutes les injections létales ne sont pas légales. Ils parlent alors «d’accélération» ou de « mort donnée ». Il faut donc faire la différence entre ce qui est qualifié d’euthanasie, forcément légal, qui respecte la volonté exprimée du patient et les «dons de mort», pratiques illégales consistant à administrer une substance dans le but d’accélérer la survenue d’une mort proche sans volonté explicite du patient (Les études publiées semblent indiquer un rapport d’environ 1 contre 1 entre les 2 pratiques en Belgique[2]).

 

« Les médecins qui pratiquent l’accélération (augmentation progressive des antalgiques et/ou benzodiazépines pour des patients en fin de vie sans indication de soulagement avec intention de précipiter le décès, souvent avec l’argument que ce temps du mourir ne sert à rien et est éprouvant pour les familles et qu’il vaut mieux « déconnecter » ces malades) estiment, à tort, qu’il ne s’agit pas vraiment d’euthanasie. »

« Les situations de fin de vie dans des situations dramatiques où les doses sont un peu augmentées ne font pas partie à mon sens d’une euthanasie réelle au sens commun du terme. »

« Bien sûr qu’il existe toujours des « morts données » hors la loi et celles là, le plus souvent sans réelle demande du patient (on ne peut dès lors parler d’euthanasie selon les Arrêtés Royaux belges : euthanasie : « acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle –ci »). Je n’ai pas de chiffre à donner mais ces pratiques sont régulières. »

« Les partisans de l’euthanasie ont depuis la légalisation en 2002, établi des statistiques très précises sur le taux de « mort naturelle par euthanasie ». Les courbes ne démontrent pas un nombre croissants exorbitants d’une année à l’autre. D’autre part, la Commission Fédérale de Contrôle et d’Evaluation de l’euthanasie affirme avec certitude que dans les dossiers reçus, aucune euthanasie n’a été pratiquée en dehors du cadre stricte de la loi. »

« La Commission fédérale de contrôle n’étudie les dossiers de demandes d’euthanasie qu’après la pratique de l’euthanasie. En effet, le médecin est tenu d’envoyer le dossier dans les trois jours qui suivent le décès de la personne. Ainsi, on peut imaginer que seuls les médecins pratiquant des euthanasies dans le cadre de la loi envoient leurs dossiers. »

 

« Ma pratique en Belgique a commencé dans une clinique privée où la vigilance et la qualité de réflexion des soignants sont mises à mal pour des raisons économiques évidentes. Ainsi, les premières euthanasies auxquelles j’ai assisté m’ont personnellement choquée : demande de la famille et non du patient, injection de potassium pendant la nuit, euthanasies en urgence dans un contexte de stress et de crise, euthanasie à la carte de personnes arrivant le matin inconnues par l’équipe soignante. Donc oui, les euthanasies ou meurtre par compassion ou économique existent. Mais rien ne les prouve, donc aucune estimation possible. »

 

 

La loi a-t-elle supprimé la pratique des euthanasies par des non-médecins ?

 

Certains de nos interlocuteurs affirment qu’ils n’ont pas connaissance de l’existence de telles pratiques, illégales pour la loi belge ou n’en ont pas été les témoins directs.

 

« L’injection létale, à ma connaissance, est toujours réalisée par le médecin. Mais pas toujours par le médecin qui s’est engagé auprès du patient. »

« Certainement pas là où les équipes de soins palliatifs sont présentes, et pas non plus dans les hôpitaux. La loi est claire, l’enfreindre est risqué ! »

« L’injection létale ne devrait jamais être pratiquée par du personnel infirmier mais il est très possible que ce soit quand même le cas. »

« J’ai lu des choses dans la presse mais c’est hors cadre légal. Il semble que dans certaines maisons de retraite des infirmières aient pratiqué des injections létales. Pour moi ce n’est pas de l’euthanasie, c’est un crime. »

 

 

Mais une majorité, notamment du côté des infirmières, confirme cet état de fait, déjà relevé dans la littérature[3].

 

« C’est au médecin de le faire, moi, en tant qu’infirmière, je refuse de le faire. Mais cela a déjà eu lieu bien sûr. »

« C’est interdit et les confrères prennent, ici, leurs responsabilités. Pour les « dons de mort » (accélération de la survenue du décès par injection létale en dehors d’une demande explicite du patient du fait de son état), c’est souvent l’infirmière qui pose la perfusion. »

« Tout dépend de l’endroit où vous travaillez. Lorsqu’une équipe soudée, intelligente, formée, en aucun cas le personnel infirmier ne pratique l’injection. En revanche, dans d’autres lieux, j’ai vu des collègues accéder à des ordres médicaux engageant leur responsabilité dans la pratique létale. Cela est inacceptable dans le cadre de la loi. »

 « Une collègue infirmière stagiaire m’a raconté comment dans un établissement, elle avait été envoyée pratiquer l’injection du fameux « cocktail » sans le savoir. Voila un exemple très concret de procédure d’euthanasie mal encadrée conduisant à une destruction psychologique de certains stagiaires et soignants. »

 

 

La volonté des patients est-elle respectée ?

 

Le dispositif permettant de respecter la volonté du patient quand celui-ci n’est plus en capacité de l’exprimer est peu utilisé (déclaration anticipée du patient, personne de confiance ou mandataire). En fait la demande est alors souvent le fait des proches. Pour les patients conscients, la vérification du caractère réitéré de la volonté du patient ne semble pas toujours assurée.

 

 « La volonté de la personne dans sa déclaration anticipée ainsi que la consultation de la personne de confiance, seront réalisées par les personnes qui suivent la loi et qui de ce fait sont obligées de remplir un questionnaire précis qui est adressé à la Commission de Surveillance. En ce cas en général, tous les éléments préconisés sont, je le pense et le souhaite, honnêtement colligés. »

« Les euthanasies pratiquées dans le cadre de la déclaration anticipée sont très peu nombreuses (cf. les rapports), elles concernent des réanimateurs puisque la personne doit être inconsciente. La grande majorité des demandes sont le fait de personnes conscientes, arrivées au terme de leur vie à cause de maladies (cancers ou maladies neurologiques le plus souvent). »

« Je crois que oui, la volonté de la personne est respectée mais elle est souvent mal comprise par les proches/certains collègues : un cas où la personne est arrivée consciente, donc hors contexte et où elle n’a pas souhaité qu’on l’euthanasie car elle était confortable et qu’on n’a pas fait de traitements qu’elle ne souhaitait plus (famille informée et soutenant son projet de soin) : médecin traitant nous a accusé à tort de non respect) ; une autre arrivée aux urgences comateuse suite à un accident routier : avant toute prise en charge, la famille a exigé l’euthanasie (qui ne s’est pas faite mais conflits). »

« La réponse faite par le premier médecin auquel le patient demande « la piqûre » me semble déterminante pour l’évolution de cette demande et je rencontre trop peu de médecins qui écoutent, analysent cette demande…La majorité apporte une réponse immédiate « oui ou non » justifiée par leur propre position « pour ou contre »…Et le patient est nié, sa demande non entendue et surtout sa souffrance derrière cette demande est ignorée… Alors, soit le patient se « braque » et exige à tout prix « la piqûre »; soit il trouve une autre personne qui saura l’entendre….mais la relation qu’il établira avec cette personne restera marquée par la première réponse… »

« A mon avis, la volonté de la personne n’est pas toujours respectée. La déclaration anticipée est valable pour 5 ans. Il faudrait que le patient auteur d’une déclaration anticipée convienne, avec un médecin qui accepte de faire l’euthanasie, des conditions dans les quelles il souhaite cette euthanasie. Il est difficile d’exiger d’un médecin, qui ne connaît pas le patient, de faire ce geste à froid, sans connaître les antécédents de ce patient. Qui, de plus, aura pu changer d’avis. L’entourage fait souvent pression sur le personnel de soins, pour activer les choses. L’acte d’euthanasie n’est pas une urgence : mais, soulager le patient, de sa douleur, de sa dyspnée, de n’importe quel autre symptôme, ça, c’est une urgence. Je me suis trouvée devant la situation suivante : une patiente m’est envoyée pour soins palliatifs, et prise en charge de fin de vie, d’un cancer évolué. La patiente est inconsciente, paisible. Elle sort d’un service d’oncologie, où elle a encore subi un nouveau traitement oncologique ! Après 48h dans notre unité, le mari apporte une déclaration anticipée d’euthanasie, signée 3 ans auparavant ! La personne de confiance inscrite sur la déclaration se contente de prendre contact par téléphone. La patiente était inconsciente, mais calme, elle est décédée 48h plus tard, sans euthanasie, et peut être sans que ses volontés n’aient été respectées. »

« Lorsqu’une lettre de déclaration anticipée est déposée à la commune (mairie) et que le médecin connaît bien son patient et ses volontés, enfin lorsque l’entourage proche est au clair par rapport à cela, la plupart du temps les déclarations anticipées sont respectées. Par ailleurs, nous avons été confrontés à des situations où la famille n’est pas en accord ou au courant des décisions du patient, ou bien le médecin n’est pas à l’aise ou opposé à la pratique de l’euthanasie. Dans ces cas là, d’autant plus que la personne n’est plus en état d’exprimer ses désirs, nous ne pouvons pas contrôler le respect des ses droit. En ce qui concerne la personne de confiance, cette notion est encore à débattre, nous sommes en train de réfléchir là-dessus car elle ne semble pas claire et mal définie. »

« Disons que les euthanasies ne se font pas toujours dans le cadre de la loi : dans certains cas : pas forcément d’accord clair du patient, ex : proposition par le médecin traitant à un patient âgé (non demandeur !!) de l’euthanasier, pas toujours de réel 2ème avis médical, patients non en mesure de s’exprimer avec demande de la famille et non de déclaration anticipée/personne de confiance, ou exprimé une fois seulement, décision rapide. »

« Il s’agit parfois d’une demande de la famille quand la personne n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, pas forcément de la personne de confiance. »

 


II – Les autres éléments d’analyse de la pratique belge de l’euthanasie

 

La loi a-t-elle modifié les pratiques d’acharnement thérapeutique ?

 

 

Le refus de toute obstination déraisonnable est souvent le fondement de la prise de position favorable à une légalisation de « l’euthanasie ». Il est donc intéressant de savoir si effectivement les pratiques d’acharnement thérapeutique ont diminué après la mise en œuvre de la loi. Il semble qu’il n’en soit rien. Au contraire même. Une des infirmières interrogées explique qu’initialement opposée au vote de la loi, elle considère aujourd’hui que l’euthanasie est la seule façon pour les patients d’échapper aux pratiques médicales déraisonnables et au manque de formation à l’accompagnement de la fin de vie.

 

« L’acharnement thérapeutique est toujours présent, car à mon sens les médecins n’ont pas compris ce que c’était. D’ailleurs c’est parfois difficile à définir clairement dans certaines situations cliniques. Donc ils le pratiquent sans réelle conscience d’en faire. Ils ne font pas le lien avec l’euthanasie, ça n’a rien changé. »

« Les patients souffrant de maladies neuro-dégénératives se voient proposer la mise en place d’une gastrostomie, d’une aide respiratoire, d’une trachéotomie, puis d’un respirateur, sans autre choix que d’accepter tous ces soins, jusqu’au bout. Quand doit-on parler d’obstination déraisonnable ? Si on ne propose des conditions correctes d’accueil aux patients qui refusent ce qui est programmé, ces patients n’ont souvent d’autres choix que de l’accepter, et s’assurer qu’une euthanasie pourra être pratiquée, quand ils n’en pourront plus. Mais l’alternative à ces traitements est rarement discutée avec le patient. »

« L’obstination déraisonnable persiste à grande échelle; ponctuellement, les équipes de soins palliatifs travaillent à la limiter; ce sont elles les moteurs de la philosophie de désescalade thérapeutique. C’est l’acharnement qui a souvent pour corollaire une demande d’euthanasie. »

« L’acharnement thérapeutique est une question bien au-delà de l’euthanasie. Il est une question à part entière. Je ne pense pas que l’obstination déraisonnable ait diminuée depuis 2002. »

« Les acharnements se portent toujours aussi bien. J’entends les commentaires des infirmières qui travaillent dans tous les services possibles, je donne quantité de formations dans les maisons de repos et la litanie est toujours la même : les médecins n’ont aucune formation, ne se forment pas, ne donnent pas d’antalgiques ou pas les bons, s’acharnent, n’écoutent ni les patients ni les soignants. Quand on met la charrue avant les bœufs : quand on donne une solution «facile» pour en finir avec une situation ingérable à des médecins qui ne savent pas quoi faire d’autre, l’euthanasie est une réponse évidente et elle devient une demande normale des patients qui ne veulent plus finir à petits feux en souffrant. Je n’ai été témoin que de deux demandes d’euthanasie mais j’ai bien compris les patientes qui malgré cela n’ont bénéficié que d’un acharnement de la part des médecins : alors, oui ma position n’est plus la même, mes certitudes se sont envolées, et comme ces patientes, je ne suis pas prête à souffrir pour rien… »

« La fin de l’acharnement? Non ! J’ai l’impression que ce sont les mêmes qui s’acharnent et qui euthanasient : ils restent dans le contrôle, le « faire », le pouvoir sur la vie, la mort, l’autre…. Je ne constate aucune diminution de l’acharnement, bien au contraire… »

 

 

Quels sont les impacts psychologiques de l’euthanasie pour les professionnels de santé impliqués ?

 

Aucune des personnes interviewées ne conteste l’impact parfois important des pratiques d’euthanasie sur elles-mêmes et sur leur rapport au soin. Ce point, peu étudié, mériterait d’ailleurs une plus vaste exploration. Il apparaît clairement que c’est une expérience psychiquement complexe, qui pèse lourdement sur les praticiens.

 

« Dans les médecins, il y en a pas mal pour lesquels cette démarche est très difficile mais d’autres pour lesquels cela ne pose aucun problème. »

« Certains soignants vivent très mal le fait qu’une euthanasie puisse être pratiquée dans leur unité de travail. »

« J’ai eu connaissance d’impacts psychologiques néfastes, notamment par une infirmière libérale qui n’était pas forcément à l’aise avec la question. Mais on a l’impression que s’est passé dans les mœurs et que chaque soignant subit (ou ne subit pas) sans rien dire. »

« C’est une loi qui demande du temps, de la réflexion éthique si on ne veut pas être mal. Les soignants, comme les médecins, ne sont jamais obligés de participer à un acte d’euthanasie. »

« Je rencontre des médecins qui acceptent et peut-être plus qui refusent ou qui ont peur et fuient… »

« Dans ma pratique, je constate que les médecins traitants, généralistes du domicile, oncologues ou neurologues qui connaissent leur patient de longue date sont sensibles à la souffrance de leur patient, ils ne le laissent pas tomber. Et ils demandent plutôt le soutien de leurs collègues pour vivre cet acte le moins difficilement possible, en respectant leur patient et en prenant soin d’eux aussi (faire l’acte en fin de journée, jamais seul, en parler…). »

« C’est compliqué sur le plan émotionnel. Moi je le fais pas souvent, mais quand je le fais, après, je ne suis pas bien. Je suis dans un état particulier, paisible, planant. Ça dure 2 ou 3 jours. Je le vis assez difficilement. Ça a des répercussions sur moi, il y a des implications personnelles. Si je ne me sens pas bien, je ne le fais pas de toute façon. »

« Bien sûr: personne ne sort intact d’un tel acte; a fortiori s’il se répète. La « souffrance » des soignants prend souvent, ici, tout son sens; j’ai reçu des témoignages poignants. La dépénalisation de l’euthanasie a clairement fait bouger les limites et va encore les faire bouger dans des domaines parfois moins soupçonnés, comme le don d’organe. »

« Cette expérience, au total très difficile et pénible dans le contexte d’une éthique narrative, a permis de fédérer pas mal de personnes et ce, dans une mesure absolument parfaitement inimaginable et également de pouvoir supporter cette démarche qui pour moi reste très difficile et angoissante. »

« L’objection de conscience ou la clause de conscience doit être respectée. Mais ils ont l’obligation d’envoyer les patients chez un médecin en accord avec la pratique de l’euthanasie. Dans la pratique même si la loi a été votée en 2002, beaucoup de médecins ignorent ou du moins ne savent pas comment cela se passe. Nous sommes alors confrontés à des médecins spécialisés ou étiquetés ‘Dr euthanasie’. En cas de refus de pratiquer l’euthanasie, on peut imaginer la difficulté et pour le médecin de famille et pour le patient de rompre cette relation de confiance, ainsi que sur la crédibilité de la médecine en générale : il y a les bons médecins d’un côté et les mauvais de l’autre. Certains médecins et en particulier les généralistes perçoivent nettement des pressions dans un phénomène de culpabilité. Notamment par les dénonciations des militants de l’ADMD qui pointe dans leurs journaux semestriels (magasine Kaïros) les mauvaises pratiques de certains médecins. »

« Il n’y a aucune étude faite sur le sujet. En revanche il est évident qu’une euthanasie n’est pas une pratique anodine, qu’elle implique des émotions violentes, plus ou moins fortes selon l’attachement ou le lien crée avec la personne. »

« J’ai constaté et accompagné la grande souffrance psychologique tant des médecins que des soignants confrontés ou auteurs de cet acte, avec souvent une mise à distance encore plus grande ou une fuite. »

« Il y a eu beaucoup de souffrance infirmier(e) dans l’accompagnement des patients entrant dans leur service pour être euthanasiés: la décision d’hospitaliser était médicale et prise sans concertation avec les soignants. »

« J’ai une collègue qui était psychologiquement très mal et incapable d’assumer mais qui se sentait obligée de dire oui (pas d’objection de conscience mais fragilité émotionnelle personnelle non respectée : haut risque de décompensation psy). »

« La conséquence de ce passage à l’acte euthanasique reste pénible pour la majorité, malgré l’aide solidaire de confrères choisis. »

 

 

Comment sont pratiquées concrètement les euthanasies autorisées par la loi ?

 

La variété des actes tels qu’exposés indique probablement une absence d’unicité des pratiques, y compris sur la procédure pharmacologique, laissée à l’appréciation du médecin, alors même que la moitié des procédures sont effectuées par des généralistes au domicile.

 

« Il existe des kit d’euthanasie en pharmacie pour la pratique des euthanasies à domicile, ou en maison de retraite. »

« Quand l’acte d’euthanasie a été décidé, une date est fixée, en accord avec le patient. Le patient décide des personnes qu’il souhaite ou non, auprès de lui. Les membres de l’équipe de soins qui le souhaitent, et qui sont acceptés par le patient sont présents. On ne peut obliger un soignant à participer. Le médecin qui a accepté l’acte, doit le réaliser lui même, et rester présent à côté du patient jusqu’au décès. La perfusion peut être placée par l’infirmière, mais c’est le médecin qui injecte les produits. (DormicumÒ 15mg IV, pour endormir le patient, puis DiprivanÒ à 2 %, puis NimbexÒ[4]). La déclaration de décès est une déclaration de mort ‘naturelle’. »

« Les euthanasies autorisées par la loi sont effectuées soit à domicile soit en milieu hospitalier. Il existe sur le net une « recette » concernant cette euthanasie dont l’auteur est le Docteur LOSSIGNOL à Bruxelles[5]. Il faut savoir que les curarisants qui sont préconisés ne sont disponibles qu’en milieu hospitalier… »

« La commission fédérale de contrôle de la loi et les instances professionnelles médicales et pharmaceutiques se sont mises d’accord sur une procédure : injection en IV, par le médecin, d’une substance sédative, souvent d’abord le MidazolamÒ puis du PhénobarbitalÒ[6] pour endormir profondément le patient ; puis injection d’une substance curarisante, toujours par le médecin. Parfois une infirmière est présente, parfois un autre collègue (le 2ème médecin de la loi parfois) et toujours un proche. »

« Plusieurs fois, le patient avait demandé au médecin « vous n’avez pas su me guérir (ou vous avez fait telle erreur), alors vous devez me donner l’euthanasie »…et j’ai constaté que le médecin n’avait pas remis en question cet « ordre » déguisé… et s’est engagé à le faire comme pour réparer ses erreurs ou son impuissance. »

« En principe il y a un délai d’un mois, entre la demande et l’euthanasie, mais parfois on va plus vite. C’est le médecin qui juge, aussi en fonction du malade. Si on a une détresse respiratoire, on n’attend pas un mois, on pratique l’euthanasie dès que possible. »

« Cet acte est parfois pratiqué à la sauvette en exercice libéral en en parlant un peu à un confrère, notamment dans les maisons de retraite : pas forcément considéré comme un problème sérieux, à mon sens un peu banalisé. »

 

 

Comment est apprécié le critère légal de la souffrance psychique ?

 

Il ne semble pas exister de méthodes communes, de grille de lecture objective pour apprécier ce critère autorisé par la loi, permettant la mise en œuvre d’une euthanasie. Dès lors la notion de souffrance psychique est appréciée de façon différente selon les cas.

 

« C’est évidemment toute la difficulté que d’apprécier la souffrance psychique. L’équipe de soins partage ses impressions sur le patient. Un avis est toujours demandé au psychiatre de notre hôpital. Il faut identifier une dépression sous-jacente. Il faut s’assurer que le patient reçoive tous les traitements dont il a besoin : antidépresseurs, anxiolytiques. Les questions font débat : est-il normal ou non, d’être anxieux, ou triste quand on va mourir ? Quand la souffrance devient-elle, une souffrance psychique inapaisable ? »

« Constante, inapaisable, insupportable. Mais ne doit pas être le résultat d’un état dépressif majeur. Elle doit être liée à une maladie incurable. Les personnes ayant essayé de se suicider ou qui ont des idées morbides, mortuaires, n’entrant pas dans un contexte de chronicité d’une maladie incurable n’ont pas accès à la pratique de l’euthanasie. Un psychologue, voir psychiatre peut évaluer la personne. »

« Nous faisons toujours intervenir, en soins palliatifs, en plus des infirmières et des médecins, le psychologue qui atteste de cette souffrance et surtout de l’impossibilité de la faire diminuer par un travail de soutien thérapeutique. Si le psychologue estime qu’il faut attendre, laisser du temps encore, nous essayons alors d demander une hospitalisation dans une unité de SP. Si le décès n’est pas attendu à brève échéance (insuffisance cardiaque, maladie neurologique..), c’et un psychiatre qui doit être consulté en plus. »

 « La souffrance psychique est évidemment un critère très subjectif et il reste des médecins pour lesquels la souffrance est une des conditions de la nature humaine avec tout ce que cela peut comporter comme comportement et dérives. »

« C’est très subjectif : avant, on aurait accompagné, mais maintenant si le patient rejette tout y compris l’accompagnement/dialogue, on ne peut rien faire. »

« Subjectivement. De toute façon, le médecin n’est pas là pour donner son avis (jugement) mais pour bien s’assurer qu’il n’y a pas d’autre solution que celle demandée par le patient. »

 

 

Dans quelles conditions est effectuée la consultation obligatoire d’un second médecin indépendant à l’égard du patient et du médecin traitant ?

 

L’avis d’un second médecin semble être demandé selon des méthodes variables, y compris simplement sur dossier. Il ne s’agit pas ici de l’avis du médecin sollicité quand la mort n’est pas inéluctable à court terme et qui doit être un psychiatre ou un spécialiste de la pathologie concernée. Il s’agit du médecin qui doit, dans tous les cas, être consulté obligatoirement pour confirmer le caractère grave et incurable de l’affection.

 

« Dans notre unité, nous demandons avis à un cancérologue, (aux termes de la Loi, il faut demander l’avis d’un médecin spécialiste de l’affection dont souffre le patient). »

« La consultation du second médecin indépendant du médecin traitant peut être aussi singulièrement banalisée ou tronquée ; des documents arrivant uniquement pour justifier telle pratique alors qu’ils sont un peu éloignés de la situation en cause. »

 

« Elle est obligatoire pour toutes les euthanasies. Il y a un pôle d’aide, de conseils « End Of Life » qui conseille les médecins dans la pratique mais donne aussi une liste des médecins référents. »

 

« Dans les hôpitaux, ce sont souvent les psychiatres qui acceptent ce rôle ; à domicile, un certain nombre de médecins, formés en soins palliatifs, et notamment moi même, médecin de l’équipe du domicile, ces médecins acceptent de se rendre au domicile du patient pour écouter la demande, en discuter, à la demande du médecin traitant. »

« Le second médecin consulte le dossier et donne son avis. Pour ma pratique c’est souvent un oncologue qui confirme le caractère incurable du patient. Il ne le voit pas toujours le patient, mais répond en consultant le dossier. Moi j’accepte qu’il ne vienne pas. Parfois il vient voir le patient, parfois non. »

 

 

Comment est vérifiée l’obligation légale pour le médecin d’informer le patient des possibilités offertes par les soins palliatifs ?

 

L’appréciation de ce critère semble pour nos interlocuteurs, comme le critère sur la souffrance psychique, varier largement selon les cas.

 

« Cela doit être inscrit dans le dossier envoyé à la Commission fédérale de contrôle. »

« Il n’y a pas de vérification. La réalité du terrain c’est qu’on fait le point sur l’histoire de la maladie, on fait ce qu’on peut pour qu’il soit confortable. Si la demande d’euthanasie persiste on est amené à faire l’euthanasie. Le dialogue et le suivi permettent d’en discuter ensemble. »

« Il n’y pas de vérification, à ma connaissance. A domicile, si il y a possibilité d’organiser des soins palliatifs auprès du patient, la réussite de l’entreprise dépend de la volonté de collaboration du médecin traitant, de sa disponibilité, et beaucoup, beaucoup de la collaboration des proches : il faut assurer les gardes de nuits (très difficiles de trouver des gardes, et très cher : 70 € la nuit), l’accueil des soignants, et assumer toutes les émotions de la perte d’un proche. 12 lits, pour 300 000 habitants, ne permettent pas d’accueillir tous les patients qui le souhaiteraient. Enfin, Soins palliatifs et Euthanasie sont parfois synonymes dans l’esprit du public : il faut encore beaucoup expliquer. »

« Le problème dans les demandes d’euthanasies pour lesquelles je suis intervenue comme infirmière de soins palliatifs était la façon dont le médecin qui avait donné son accord pour l’acte semblait présenter la venue des autres intervenants comme une obligation pour qu’il puisse poser l’acte …avec la conséquence que je rencontrais des patients qui me disaient « qu’est ce que je dois vous dire pour avoir droit? » et donc la rencontre, la relation avec ce patient m’est toujours apparue comme faussée, biaisée, impossible à « ouvrir » à une rencontre vraie… »

 « Il y a des euthanasies dans le service d’à côté, l’équipe mobile de Soins Palliatifs n’est pas vraiment consultée en général, et si elle est consultée, elle n’est pas forcément entendue (parfois il suffit que le patient dise qu’il en a assez de vivre, pour que l’on considère qu’il s’agit d’une demande d’euthanasie). »

 

 

Le fonctionnement et l’indépendance de la Commission fédérale de contrôle 

 

Il est spectaculaire de prendre acte de la grande confiance faite majoritairement à cette commission, qui n’a jamais relevé aucune anomalie – autre que de pure forme – sur plus de 3 000 déclarations. Ce « zero default » affiché et cet unanimisme éveillent tout de même des doutes chez plusieurs professionnels.

 

« A ce jour, aucun dossier n’a fait l’objet de poursuite a posteriori. Je pense que, seulement quelques dossiers ont fait l’objet d’une demande de renseignements complémentaires. Je n’ai pas d’avis formel sur le fonctionnement de cette Commission, sauf, que chacun de ses membres me semble favorable à l’euthanasie. »

« La commission fédérale de contrôle, pour ce que je puis en savoir (en raison de la qualité des personnes qui y siègent), fonctionne correctement et en toute indépendance. »

« Persistance de l’idéologie du « droit à mourir » majoritaire dans le groupe. Impact dans la lecture des situations qu’elle considère systématiquement comme ‘dans le cadre de la loi. »

« Il y règne, clairement, une quasi unanimité qui pourrait être suspecte. »

« Vu la diversité des personnes présentes, j’ai tendance à leur faire confiance, et cela fait assez peur aux médecins de remplir le formulaire après, cela décourage certains qui préfèrent encore les pratiques clandestines de sédation et d’accélération ! »

« J’ai un regard de confiance. Aucune anomalie n’a été détectée depuis la mise en œuvre dans les cas déclarés à la commission. Ils n’ont jamais été obligés d’interroger directement le médecin qui a fait la déclaration. Mais je leur fais confiance. »

« Quel regard je porte sur le fonctionnement et l’indépendance de la Commission fédérale de contrôle? Ironique. Il est illusoire de penser qu’elle peut garder un semblant d’objectivité et de crédibilité par rapport au contrôle. Sa composition laisse également à désirer. »

 

 

Jugement global ou remarques supplémentaires 

 

Certaines réponses à cette dernière question, ouverte, permettent de prendre conscience de la complexité de l’impact de la loi sur les pratiques en soins palliatifs. Une des infirmières témoigne de son changement d’avis sur la question, en constatant que face à la poursuite de l’acharnement thérapeutique et à l’absence de formation des médecins dans certains services, l’euthanasie apparaît aujourd’hui pour elle, comme la moins mauvaise réponse, faute de modifier les pratiques médicales défaillantes.

 

« Je pense que cette Loi sur la dépénalisation de l’euthanasie a été bien faite : le législateur a placé des gardes fous, prévu un délai ‘raisonnable’, pensé à interroger l’équipe de soins, demandé d’expliquer aux patients les soins palliatifs. Mais, je regrette que des patients demandent l’euthanasie,

  • parce que leur traitement antalgique est mal conduit ;
  • parce que les symptômes ne sont pas correctement pris en charge ;
  • parce que les patients n’ont pas accès aux soins palliatifs (manque de lits, temps de séjour limité à 28 jours) ;
  • parce que leur dignité n’est pas respectée en maison de repos (les normes prévoient 1 seule veilleuse pour 60 lits, en maison de repos…) ;
  • parce qu’il y a peu de place en maison de repos, pour les gens âgés de moins de 60 ans ;
  • parce que les maisons de repos sont impayables, et les soins aussi ;
  • parce que notre société a peu de tolérance pour les plus faibles : combien de fois entendons-nous, « à quoi, ça sert ? » ;
  • parce que, à l’approche des périodes de vacances ou de fêtes de fin d’année, on manque cruellement de soignants pour garder des patients au domicile. »

 

« J’ai rencontré des patients qui m’ont demandé une euthanasie par ce que je ne pouvais pas les garder en unité de soins palliatifs. »

« Personnellement, j’ai souhaité que des patients atteints de tumeurs évoluées de la face me demandent une euthanasie, mais ils ne l’ont jamais fait. Il m’est par contre difficile d’entendre une demande d’euthanasie que le patient justifie par la souffrance, tout à fait respectable, de devoir quitter son domicile, son entourage, ce qu’il aime, pour vivre en maison de repos. J’ai envie alors de rappeler des notions de solidarité familiale, sociale, de faire appel à l’imagination, mais je n’ai pas le droit d’imposer mes propres valeurs. C’est parfois bien difficile. »

« Je ne revendique donc pas ce type de pratique comme quelque chose de banal mais la loi permet curieusement des pratiques intéressantes et paradoxales. J’espère avoir répondu à vos attentes ainsi mais vous comprendrez qu’il s’agit d’un sujet qui est toujours délicats et/ou très s difficile même d’en parler sans parti pris et émotion dans la mesure où nous restons des soignants. »

«Je me suis battue contre l’euthanasie il y a dix ans, mais depuis, j’ai changé d’avis parce que je travaille dans une institution où les soins ne sont pas de qualité et où tout le monde s’en fout. »

« Un seul conseil : résistez ! »

« La loi va être modifiée. Une commission travaille sur les propositions d’élargissement. Le vote reste à venir. Par exemple sur la sanction financière ou non pour les établissements (par exemple catholiques) qui refusent de pratiquer l’euthanasie En fait à mon avis il n’y aura pas de sanctions au final. Par contre la loi devrait obliger qu’on propose au malade un contact avec des médecins d’accord pour pratiquer l’euthanasie. Ce qui se fait en Hollande est une piste : création d’équipes mobiles venant pratiquer l’euthanasie si le médecin s’y refuse. Je pense que la Belgique va adopter des mesures semblables. Moi j’ai beaucoup évolué sur ces questions. Au départ j’étais très réservé mais des situations m’ont fait réfléchir. Par exemple ce patient qui m’avait demandé l’euthanasie que j’avais refusé car sa situation ne me paraissait pas correspondre. Il est sorti du service et le lendemain il s’est tiré une balle dans la tète. Il s’est raté et je l’ai repris dans le service dans une situation abominable. Un autre cas m’a fait réfléchir : j’ai eu à m’occuper d’un jeune homme qui a fait une tentative de suicide par pendaison. Suite à l’hypoxie cérébrale il est resté gravement atteint. Je l’ai suivi 2 ans dans un état pauci relationnel avec une souffrance terrible. Je me dis que s’il était venu me voir la veille de son suicide en me demandant l’euthanasie, je l’aurais fait … »

« Pour le moment la loi n’autorise pas la pratique de l’euthanasie pour des personnes mineures (contrairement à la Hollande) mais les groupes de pression s’engage aussi dans ce domaine là pour élargir le champ des possibilités à des personnes mineures responsables. Le médecin de la structure dans laquelle je travaille a déjà pratiqué l’euthanasie sur une personne mineure. »

« Le plus gros problème pour moi c’est cette désinformation, banalisation médiatique et autre… les « gens » pensent vraiment qu’ils ont maintenant « droit » à l’euthanasie et les familles pensent qu’elles peuvent l’exiger pour un de leur proche…. Pour moi-même, dans l’état actuel des choses, je ne souhaite pas être euthanasiée et j’ai prévenu mes proches que je ne ferais pas ce genre de demande pour eux, que je ne voulais pas y participer. Par contre, j’ai rédigé un acte avec mes volontés précises de non acharnement et de demande de soins de confort et avec le désir que ma mort reste quelque chose qui m’appartienne et qui n’oblige ni mes proches ni un médecin et des soignants à pratiquer un acte aussi important et toujours extrêmement source de souffrance pour chacun. »

« Je travaille depuis plusieurs années dans une unité qui pratique les euthanasies ce qui me pousse dans mes réflexions personnelles et me donne l’opportunité d’exercer mon jugement. Il est souvent difficile pour moi de travailler dans ce service, car je suis profondément convaincue au fil de mon expérience de la non-nécessité de légaliser l’euthanasie. »


Conclusions

 

Plusieurs conclusions ressortent clairement de cette enquête :

 

• L’objectif principal assigné à la législation belge n’a pas été atteint : elle n’a pas mis fin aux euthanasies clandestines. D’autres que des médecins sont toujours impliqués dans la réalisation d’injections létales (donc hors cadre légal, ce qui rejoint le premier point). Des infirmières, voire des stagiaires ont pu en être chargées. La volonté de la personne n’est pas systématiquement prise en compte.

 

• La législation belge n’a pas fait échec à l’acharnement thérapeutique, qui reste une réalité forte et qui peut même être la principale justification de la demande d’euthanasie.

 

• La procédure qu’édicte cette législation n’est pas toujours respectée ; le second médecin consulté peut statuer simplement sur dossier sans voir le patient; on ne peut pas s’assurer que l’obligation d’informer le patient des possibilités offertes par les soins palliatifs soit remplie ; la notion de souffrance psychique peut être appréciée de manière très différente.

 

• Le contrôle de l’application de la loi éveille des doutes. Officiellement les 3 451 euthanasies pratiquées entre 2002 et 2009 ont été entièrement conformes à la loi. Cependant plusieurs professionnels s’interrogent sur le fonctionnement d’une institution de 16 personnes où semble régner une quasi unanimité. Cela conduit à se poser des questions sur l’efficacité d’un contrôle, qui dans un domaine aussi complexe, ne constate aucune méconnaissance de la loi, alors que les témoignages recueillis montrent l’inverse.


Annexe 1 : questionnaire adressé à des équipes de soins palliatifs belges

 

  1. La légalisation de l’euthanasie en Belgique a–t-elle mis fin aux euthanasies clandestines ? Avez-vous une estimation de ces euthanasies clandestines ? A-t-elle mis fin aux pratiques d’acharnement thérapeutique (obstination déraisonnable) ?
  2. Comment sont pratiquées concrètement les euthanasies autorisées par la loi ?
  3. La volonté de la personne exprimée dans sa déclaration anticipée est-elle toujours pleinement respectée ? La personne de confiance est-elle consultée ?
  4. Comment est apprécié le critère de la souffrance psychique ?
  5. Dans quelles conditions est effectuée la consultation du second médecin indépendant à l’égard du patient et du médecin traitant ?
  6. Comment est vérifiée l’obligation légale pour le médecin d’informer le patient des possibilités offertes par les soins palliatifs ?
  7. Savez-vous si beaucoup de médecins opposent leur clause de conscience ?
  8. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 28 mai 2002, le secteur des soins palliatifs a –t-il été négligé ?
  9. L’entrée en vigueur de la loi a-t-elle eu pour effet de diviser la communauté médicale et dans quelle mesure ?

10.Vous a-t-il été rapporté que l’application de cette loi avait des conséquences psychologiques sur le comportement des soignants et sur le sens de la pratique du soin ?

11.Savez –vous si l’injection létale a pu être pratiquée par du personnel infirmier ?

12.Quel regard portez vous sur le fonctionnement et l’indépendance de la Commission fédérale de contrôle ?

13.Des mineurs ont-ils pu faire l’objet d’injections létales ?

14.Souhaitez-vous porter à notre connaissance d’autres informations qui méritent d’être relevées ?


Annexe 2 : Les quatre réponses non exploitables

 

 

Une réponse d’un chef de service soins intensifs

 

« J’ai pris connaissance de votre demande d’information par les médecins travaillant en soins palliatifs sur l’application de la loi sur l’euthanasie en Belgique, en espérant recevoir de leur part de nombreux exemples de dérives. Je crains bien que je ne vais pas par un simple message modifier votre manière de voir les choses. Votre questionnaire démontre pourtant une très grande méconnaissance de ce qui se passe en Belgique. Depuis dix ans que la loi existe les esprits ont évolués substantiellement et surtout parmi beaucoup de médecins confrontés à des demandes d’euthanasie et travaillant en soins palliatifs. Beaucoup d’euthanasies sont effectuées dans des unités de soins palliatifs ou après que les patients demandeurs aient été pris en charge par des médecins spécialistes en soins palliatifs. Au moins une déclaration sur deux envoyée à la commission d’évaluation mentionne la participation de structures palliatives à la prise en charge du patient, à la décision et à l’application du geste euthanasique. L’euthanasie, comme le prévoit la loi, est un acte qui ne se fait qu’à l’initiative du patient, dans le cadre d’un suivi thérapeutique au long cours et suivant des modalités de dialogue, d’entretien avec les proches, de prise en charge typique d’une philosophie des soins dont se réclame les soins palliatifs. »

 

Il conseille de consulter le dossier : Euthanasie et soins palliatifs en Belgique,10 ans après la dépénalisation de l’euthanasie.

Il fait également parvenir des témoignages assez idylliques, recueillis par la commission d’évaluation elle-même dont il fait partie.

 

« Le patient a lutté pour la vie dans les camps de concentration et demande actuellement une mort digne. (Homme de 88 ans atteint de leucémies). »

 

« En milieu hospitalier, après une belle et très humaine discussion, en présence de l’infirmière en chef du service d’oncologie, entourée de ses deux fille et de sa soeur. (Femme de 68 ans cancer du pancréas). »

 

« C’est une chose heureuse que cette loi qui permette un geste d’humanité au médecin et une mort douce au patient entouré de tous les siens. (Néoplasie pulmonaire chez un ho de 69 ans). »

 

« C’était ma première euthanasie en 20 ans de soins palliatifs au domicile. Expérience très marquante, tout le reste devient secondaire dans les jours avant, le jour même et le lendemain. Mais cela amène un immense soulagement pour l’entourage, les soignants et le malade lui-même dans une telle situation. C’est une richesse d’avoir une loi qui permet d’aider nos patients de cette manière. Signé : un médecin catholique qui ne regrette pas d’avoir fait le pas dans cette direction. Merci. (Néoplasie ORL et envahissement carotidien). »

 

« Nous nous étions réunis, la famille et toute l’équipe soignante de l’unité oncologique et des soins palliatifs qu’elle avait fréquenté depuis certains deux ans , dès 18h pour un dernier rendez-vous “festif”. La patiente a remercié chaque personne qui était là puis s’est endormie paisiblement. (28 ans cancer métastasé du sein; décès à 20h.) »

 

« Le patient m’attendait sereinement et avait mis son plus beau costume et ses souliers vernis pour partir “en beauté”. Ses deux fils dont un est médecin avaient passé la dernière journée avec leur père et l’ont accompagné jusqu’au bout mêlant chagrin et humour. (Néo pulmonaire homme de 78 ans). »

 

« La patiente m’a appelé un dimanche. Toute la famille et de nombreux amis étaient présents. Elle a voulu que l’on partage un dernier repas puis après avoir fait lire devant tous ses dernières volontés, elle a dit au revoir à chacun puis s’est endormie paisiblement dans le salon entourée de tous dans une véritable cérémonie d’adieu simple et très émouvante. (42 ans cancer du sein, métastases pulmonaires, hépatiques et cérébrales : deux ans de chimio-radio et chirurgie). »

 

• Réponse reçue également d’un chef de clinique, soins supportifs et palliatifs. A noter que finalement et contrairement à ce qui était annoncé dans le message ci-dessous, aucune réponse au questionnaire ne nous est finalement parvenue.

 

« J’ai reçu via l’association des soins palliatifs de la province de Namur un questionnaire concernant la pratique de l’euthanasie. J’y répondrai avec plaisir mais sachez que cette procédure risque d’être faussée par des propos partisans. En tant que responsable du Forum EOL (End of Life), vice président de l’ADMD Belgique et surtout comme médecin, je tenterai de répondre au mieux à votre requête. Cela étant, les questions sont pertinentes mais les réponses devront être analysées avec beaucoup de discernement. Sachez également que la commission d’évaluation et de contrôle publie régulièrement un rapport sur les cas déclarés en Belgique, qu’elle est pluraliste et n’a jamais eu à transmettre un dossier à la justice. Voir http://www.ieb-eib.org/nl/pdf/rapport-euthanasie.pdf »

 

• Réponse reçue d’un président de fédération de soins Palliatifs, responsable d’une plate-forme provinciale de soins palliatifs

 

« Je suis totalement stupéfait par votre questionnaire. La nature de vos questions est même apparue comme très heurtante par bon nombre de praticiens en soins palliatifs. Un biais important semble bien y transparaître au long des questions posées. De plus, si vous souhaitez vous intéresser à ce qui se ferait toujours en dehors du cadre légal qui est le nôtre, les questions posées n’y apporteront sûrement aucune réponse (s’il est évident que des euthanasies qui n’en portent pas le nom ont encore lieu, aucun praticien ne le révélera ainsi). »

 

« Par ailleurs, vous ne semblez pas tenir compte de la réalité légale belge et de ce qu’elle a permis comme évolution dans la prise en charge de nos patients en termes de pratique de fin de vie.

 

« Nous avons un cadre légal, il se doit d’être respecté. Ce cadre légal, qui comporte – outre une loi concernant l’euthanasie – une loi sur le droit des patients et sur l’accès aux soins palliatifs pour tous, a favorisé un questionnement aux seins des équipes soignantes et a enrichi le paysage des soins palliatifs, plutôt que de le brimer de quoi que ce soit, comme certaines de vos questions semblent le sous entendre.

 

« Les patients sont, probablement plus encore qu’auparavant, respectés dans leurs choix, les soignants (y compris les médecins) restent libres de leurs opinions et pratiques.

 

« L’ensemble de ces lois favorise encore à l’heure actuelle la réflexion éthique autour de ces pratiques ; ceci constitue une ressource et une évolution indéniable dans nos pratiques et non pas un appauvrissement. Le débat, en Belgique, ne se pose plus en termes de « pour ou contre » une pratique légale de l’euthanasie. »

 

• Réponse reçue d’une maison de soins palliatifs construite suivant le modèle anglo-saxon.

 

« Le refus de l’euthanasie est un choix institutionnel pour lequel le comité d’éthique a développé un argumentaire, toujours en travail, que vous trouverez en pièce jointe. Votre questionnaire a été soumis  à notre comité d’éthique, qui y a répondu brièvement.

 

« La légalisation de l’euthanasie en Belgique a-t-elle mis fin aux euthanasies clandestines ? Avez-vous une estimation de ces euthanasies clandestines ? A-t-elle mis fin aux pratiques d’acharnement thérapeutique (obstination déraisonnable) ?

 

« Si l’euthanasie est « clandestine », il est bien évident qu’on ne peut facilement en évaluer la pratique. Nous ne sommes pas à même de répondre à cette question. Notre institution refusant d’un commun accord que des euthanasies soient pratiquées dans notre service. D’autre part, la loi n’a, semble-t-il, pas eu d’influence sur l’acharnement thérapeutique. Il semble que de plus en plus, surtout en Flandre, les soignants discutent avec les patients, dès le début de la maladie, du projet thérapeutique et du moment de l’arrêt des traitements.

Nous serons peut -être obligés d’évoluer vers une économie de soins vu la majoration des coûts des soins de santé… »

 

Comment sont pratiquées concrètement les euthanasies autorisées par la loi ?

Les médecins qui pratiquaient les euthanasies avant la loi les réalisent maintenant en remplissant les critères de la loi.

 

« La volonté de la personne exprimée dans sa déclaration anticipée est-elle toujours pleinement respectée ? La personne de confiance est-elle consultée ?

Nous n’avons jamais rencontré cette situation. A plusieurs reprises, nous avons rencontré des patients qui avaient rédigé leurs volontés de non acharnement et qui les présentent lors de leur entrée en unité. Comme nous affichons clairement notre position de ne pas pratiquer d’euthanasie dans notre service, les patients et leurs familles en sont informés. »

 

 

Comment est apprécié le critère de la souffrance psychique?

 

« Pas d’objet chez nous. »

 

Dans quelles conditions est effectuée la consultation du second médecin indépendant à l’égard du patient et du médecin traitant ?

 

« Face à un patient en souffrance et en demande d’euthanasie dans notre service, il nous arrive d’interpeller un médecin de soins palliatifs qui ne refuse pas de pratiquer des euthanasies. Celui-ci vient dans notre service rencontrer le patient et éventuellement sa famille. Cela permet au patient de se sentir entendu et respecté. Nous n’avons encore jamais dû procéder à un transfert du patient vers un lieu où l’euthanasie pourrait être pratiquée. Nous avons beaucoup réfléchi à cette démarche qui nous semble par certains aspects hypocrite (on fait faire par d’autres ce que nous refusons) mais qui respecte fondamentalement des valeurs plus hautes. »

 

Comment est vérifiée l’obligation légale pour le médecin d’informer le patient des possibilités offertes par les soins palliatifs ?

 

« Pas d’objet chez nous. »

 

 

Savez-vous si beaucoup de médecins opposent leur clause de conscience ?

 

« Nous ne sommes pas les seuls à refuser de pratiquer des euthanasies. C’est relativement bien perçu en général, mais certains patients ou famille pensent que le médecin a l’obligation de répondre à une demande conforme à la loi. »

 

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 28 mai 2002, le secteur des soins palliatifs a –t-il été négligé ?

 

« Les soins palliatifs n’ont pas été négligés (nombre de patients qui fréquentent les services, argent alloué aux SP…). La loi autorisant l’euthanasie sous conditions est sortie en même temps que la loi sur les soins palliatifs.

L’euthanasie ne concerne que peu de patients par rapport au nombre de patients pris en charge en soins palliatifs. »

 

L’entrée en vigueur de la loi a-t-elle eu pour effet de diviser la communauté médicale et dans quelle mesure ?

 

« Dans beaucoup d’hôpitaux confessionnaux, la décision de ne pas pratiquer d’euthanasie est prise. Dans d’autres hôpitaux, l’autorisation de pratiquer des euthanasies n’est pas clairement énoncée, mais personne n’est disposé à en pratiquer dans la structure. Sans doute, parce que les médecins francophones se rendent compte que gérer une demande d’euthanasie et l’appliquer selon les modalités de la loi prend énormément de temps. Par ailleurs, nos collègues qui pratiquent l’euthanasie se justifient par une volonté de bienveillance vis-à-vis des patients et tentent de ne pas le faire à la légère. Par contre, il existe un assez grand respect des positions devant la pratique de l’euthanasie dans la communauté médicale francophone. »

 

Vous a-t-il été rapporté que l’application de cette loi avait des conséquences psychologiques sur le comportement des soignants et sur le sens de la pratique du soin ?

 

« Psychologiquement, les soignants qui la pratiquent en sont perturbés ensuite. Ce qui permet d’aider les soignants dans leur souffrance psychologique, c’est d’avoir l’impression de poser un geste bienveillant pour le patient, de l’avoir respecté et accompagné jusqu’au bout. »

 

Savez –vous si l’injection létale a pu être pratiquée par du personnel infirmier ?

 

« Théoriquement, les infirmières ne font pas le geste. Sauf exceptions, les médecins semblent être présents au moment de l’acte. A notre connaissance, nos collègues de soins palliatifs qui pratiquent des euthanasies sont toujours très engagés dans ces accompagnements. »

 

 

Quel regard portez-vous sur le fonctionnement et l’indépendance de la Commission fédérale de contrôle ?

 

« Vu de l’extérieur, cette commission n’est guère critique. Elle fait a priori confiance à tout le monde. Lorsqu’elle ouvre un dossier, il semble que ce soit souvent pour vérifier la façon dont l’euthanasie a été pratiquée. En effet, la loi ne spécifie pas la manière dont elle se pratique, mais il y a des règles de « bonne pratique ». Par contre, dans les demandes, on retrouve de plus en plus de cas psychiatriques (dépressions…) et de patients non cancéreux….La plupart des demandes le sont pour des souffrances psychiques. »

 

Des mineurs ont-ils pu faire l’objet d’injections létales ?

 

« A notre connaissance, non. »

 

Souhaitez-vous porter à notre connaissance d’autres informations qui méritent d’être relevées ?

 

« Vous trouverez en pièce jointe l’argumentaire développé par le président du comité d’éthique de notre établissement. »

 



[4] NDLR : DormicumÒ (MidazolamÒ, benzodiazépine sédative) NimbexÒ (CisatracuriumÒ, un curare d’action rapide), DiprivanÒ (PropofolÒ, anesthésique d’action rapide).

[6] MidazolamÒ : cf. supra, PhenobarbitalÒ : il s’agit probablement d’une confusion avec le ThiopentalÒ (PenthotalÒou NesdonalÒ anesthésique barbiturique cité dans certains « protocoles » d’euthanasie.

 

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