Manipulation à des fins inavouées

Eugénie Poret

Anthropologue, le Havre

Dans le dossier du quotidien Le Havre Dimanche du dimanche 26 février : « Fin de vie. Faut-il légaliser l’euthanasie ? », la rédaction met en regard deux personnes qui défendent, l’une les soins palliatifs, l’autre une loi permettant l’euthanasie active.

Alors que l’un défend la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie qui permet d’accompagner les personnes souffrantes dans une démarche humaniste et solidaire, l’autre parle du mouvement de « l’élite contre les gens[1] », des puissants financés par des mouvements politiques ou religieux. Il en fait une forme de lutte des classes, des riches et croyants contre les pauvres laïcs, avec comme référence éthique Bernard Kouchner dont on ne se souvient pas qu’il ait brillé par la fidélité à ses convictions.

On voit ainsi que le président de l’ADMD tient du monde politicien les formules creuses destinées à « emporter » le public dans la pauvreté de ses arguments. Mourir dans la dignité : qui voudrait mourir dans l’indignité ?  Les 20%  qui demeurent défavorables à  l’euthanasie active ?

Ceux qui veulent défendre l’idée selon laquelle la fin d’une existence est encore de la vie, ne veulent pas infliger de souffrances inutiles ; ils veulent que l’on permette à chacun de partir dans des conditions humainement dignes. Ils ne parlent ni de religions ni de croyances, et prétendent qu’une personne doit pouvoir reconnue dans ses droits humains jusqu’à la fin.

La « loi Leonetti » que nous envient bien des pays, évite le simplisme et  permet que chacun, jusqu’au bout du chemin, soit soulagé de ses douleurs et considéré décemment. À nous de faire appliquer la loi, ne pas réduire la vie et la mort à des caractéristiques relevant des normes médicales. À nous de défendre l’idée que l’indignité ne se situe pas dans l’altération d’un corps, mais plutôt dans la manipulation à des fins inavouées.