Ce qui ressemble à une « exception d’euthanasie » est bien une forme d’euthanasie

Julien Defoug

 

Sans employer le mot d’euthanasie la proposition 21 du candidat François Hollande plaide pour une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. Sur le site du magazine Marianne du 17 février 2012, il fait valoir qu’il n’est pas favorable à l’euthanasie. D’aucuns pouvaient croire que les choses en resteraient là mais une interview de Marisol Touraine dans La Croix du 22 février relance le débat. Deux phrases retiennent l’attention dans ses propos : « Dans des conditions strictement encadrées, une personne doit pouvoir demander que soit abrégée une vie qui n’en est plus une pour elle. Il revient au législateur de prendre ses responsabilités en légalisant ce qui est aujourd’hui la transgression d’un principe. » N’en parler jamais mais y penser toujours. L’euthanasie revient sur le devant de la scène mais il ne faut surtout pas utiliser ce terme à connotation négative.

La reconnaissance d’un droit à la mort peut-elle reposer sur des critères médicaux qui en limitent l’exercice ?

On est d’autant plus fondé à s’inquiéter que dans le même temps Marisol Touraine, à qui pourrait échoir la responsabilité du ministère de la Santé si François Hollande était élu président de la République, s’est déclarée hostile au suicide assisté le 26 janvier sur Europe 1.

 

Le juge reste gardien, non un comité d’experts

Si cette option est refusée il ne reste dès lors que l’option de l’euthanasie. Mais c’est alors que les difficultés commencent. Marisol Touraine souhaite que ce droit soit enserré dans des conditions très strictes. Il s’agirait en quelque sorte de reconnaître un droit éminemment subjectif, qui serait encadré. Mais la reconnaissance d’un droit à la mort peut-elle reposer sur des critères médicaux qui en limitent l’exercice ? Quelle serait la légitimité de la collectivité à restreindre une liberté, qui doit en même temps être garantie pour pouvoir s’exprimer ? À ce problème de pure logique vient se greffer un problème juridique. La loi Leonetti a posé des critères de fond et de procédure pour l’arrêt des traitements. Il est fait référence à la « phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ». On peut toujours faire du « belle marquise » mais on ne saurait beaucoup innover en modifiant cette législation. Faut-il alors changer la procédure ? Substituer à la concertation entre la personne de confiance, les proches, le collège médical et la consultation des directives anticipées, l’aval d’une autorité extérieure ? Comment sera-t-elle composée ? Par des experts ? Comment seront-ils désignés ? Leur avis liera t-il le médecin ? Qu’en sera-t-il alors de la liberté individuelle du médecin ? S’agissant de la liberté individuelle du patient, la Constitution ne nous enseigne–t-elle pas que c’est le juge qui en est le gardien et non un comité d’experts ? Si ce comité ne doit intervenir qu’à titre exceptionnel, qui appréciera ce caractère exceptionnel ? Un des arguments de Marisol Touraine est que la justice ne saurait imposer ses solutions au cas par cas et que cette mission revient au législateur. Mais l’intervention d’un comité d’experts n’a jamais empêché de procès.

Une autre logique qui se dessine, dont seront victimes les plus vulnérables.

En réalité on le voit bien, il n’y a pas de troisième voie entre l’euthanasie et la loi Leonetti. Ce qui ressemble à une « exception d’euthanasie » est bien une forme d’euthanasie. Cela ne veut pas dire pour autant que l’application de la loi Leonetti ne doit pas être améliorée, qu’il ne faut pas réfléchir à une extension des droits des malades et à une sanction de l’acharnement thérapeutique. Il y a certainement beaucoup à faire dans ces directions mais c’est une autre logique que celle qui se dessine et dont seront victimes les plus vulnérables.

 

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