Euthanasie : courage politique et fin des ambiguïtés

Signer le Manifeste citoyen pour la dignité de la personne en fin de vie.

 

Emmanuel Hirsch

Président du Collectif Plus digne la vie

 

En l’espace de quelques jours, des personnalités politiques marquantes ont affirmé de manière solennelle leur refus de l’euthanasie. Les clarifications s’avéraient nécessaires puisqu’il n’est plus question dans le contexte de la présidentielle que des « valeurs ».

N’en déplaise aux thuriféraires de « la mort dans la dignité » ou de « l’assistance médicalisée pour mourir », ce « sondage d’opinion », certainement plus crédible que ceux que l’on manipule au point de leur faire perdre toute valeur, nous rappelle à bon escient où se situent les valeurs de la démocratie et de l’État de droit.

 

« La vie d’autrui n’est à la disposition de personne »

Ces responsables politiques s’inscrivent avec courage et lucidité, au-delà de tout esprit partisan, dans la perspective évoquée avec tant de justesse par Robert Badinter  en 2008 : « S’agissant des problèmes que vous évoquez (l’euthanasie), ma position fondamentale, bien connue, est simple et catégorique : le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain – c’est le fondement contemporain de l’abolition de la peine de mort – et je ne saurais en aucune manière me départir de ce principe. Tout être humain a droit au respect de sa vie, y compris de la part de l’État, surtout en démocratie. […] Je ne défends pas du tout une vision stoïcienne ou extrêmement religieuse, selon laquelle la souffrance fait partie de la condition humaine et qu’il y a lieu d’accepter la souffrance jusqu’au bout ! Tel n’est pas du tout mon état d’esprit. En revanche, je soutiendrai toujours que la vie d’autrui n’est à la disposition de personne. » (Mission d’évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, 16 septembre 2008)

 

Des réponses sans ambiguïté

Alors que les propagandistes de la dépénalisation de l’euthanasie ont tenté en vain ces dernières semaines une nouvelle entreprise de manipulation idéologique en acculant les politiques, contraints à prendre position, à concéder à leurs théories une acceptation ne serait-ce que tacite, la réplique est cinglante et les formulations sans la moindre ambiguïté.

François Bayrou : « [la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie] constitue un équilibre qu’il faut préserver car elle évite deux écueils que je ne souhaite pas : d’un côté l’acharnement thérapeutique et de l’autre l’euthanasie qui porte un risque non négligeable de comportements contraire à nos valeurs. » (Le Généraliste, du 17 février 2012)

François Hollande : « L’euthanasie, je n’y suis pas favorable. Je suis pour le droit de mourir dans la dignité. Aujourd’hui, il y a de 10 000 à 15 000 lits pour les soins palliatifs, il en faudrait le double. À quel moment décider ou non d’arrêter les soins palliatifs, même si la souffrance, grâce à eux, est amoindrie ? Il faut avoir une expression de la personne, de la famille, des médecins qui doivent être consultés, et à ce moment-là, dans quelques très rares cas, il s’agit de faire un acte de compassion qui va soulager non la famille, mais la personne. » (Marianne, 17 février 2012)

Nicolas Sarkozy : « L’euthanasie légalisée risquerait de nous entraîner vers des débordements dangereux et serait contraire à nos conceptions de la dignité de l’être humain. […] Pour le reste, laissons place au dialogue entre le malade, sa famille et le médecin. Cela s’appelle faire preuve de compréhension et d’humanité. On n’est pas obligé de légiférer sur tout et tout le temps. » (Le Figaro Magazine, 11 févier 2012)

 

Aveugles à la seule intention qui importe

À n’en pas douter, en dépit de ce fiasco retentissant que représente un tel démenti apporté à ceux qui avançaient pour acquise une évolution de notre législation relative à la fin de vie, célébrant déjà un « victoire » d’une nature pour le moins équivoque, la controverse ne tarira pas pour autant. Au contraire elle servira les démagogies du moment, les discours simplificateurs des chantres de la dignité, de la liberté et de la justice qui trouvent là de quoi combler leurs carences en idées et en engagements forts. Effectivement, ils peuvent affirmer en toute candeur que « le droit à l’euthanasie » constitue l’enjeu supérieur dans le contexte présent, notamment pour les personnes les plus vulnérables parmi nous. Effectivement, ils peuvent envahir l’espace public et les réseaux médiatiques de leur revendication compassionnelle, et solliciter les solidarités que l’on refuse à nos malades lorsqu’ils aspirent à vivre dignement leur existence plutôt qu’à bénéficier de l’octroi légal d’une « assistance médicalisée pour mourir ». Effectivement ils peuvent encore se targuer de « sondages » aussi convaincants que ceux qu’exhibent les « Républiques bananières », et se détourner avantageusement de la seule attention qui importe dans le désespoir de la maladie et du handicap : celle d’un témoignage concret d’une sollicitude active dans la vie.

Il est pourtant désormais avéré que ces propagandistes ne tromperont plus que ceux qui veulent bien l’être.

Les principes de la vie démocratique que défend le Collectif Plus digne la vie nous sont rappelés par trois prétendants (parmi d’autres) à l’investiture suprême. Ils sont porteurs d’un projet de société qui ne renonce pas à la responsabilité de penser la personne vulnérable parmi nous autrement qu’un « cas difficile ou douloureux » à « assister » pour mourir…

Nous comprenons comme un signal fort cet engagement à l’origine même de notre démarche citoyenne et qui se retrouve dans les initiatives menées sur le terrain par le Collectif. Il renforcera notre résolution et notre envie d’aller plus avant dans l’élaboration de propositions favorisant l’existence sociale et les droits de la personne malade ou handicapée, comme ceux de ses proches. Il nous confirme dans notre mission de mieux faire connaître la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Dans quelques jours, nous publierons un ouvrage réunissant 70 contributions de fond à ce propos. À lui seul sont titre exprime parfaitement le propos du Collectif Plus Digne la vie : Fins de vie, éthique et société.

 

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