Plus digne la vie » leonetti http://plusdignelavie.com Le site du collectif Plus digne la vie, défenses et réflexions autour de la dignité de la personne, notamment en situation de handicap et de fin de vie Sun, 05 May 2019 23:10:46 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=3.8.29 Le droit de chacun à bénéficier de soins dignes http://plusdignelavie.com/?p=2902 http://plusdignelavie.com/?p=2902#comments Mon, 27 Apr 2015 11:44:58 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2902 Clémence Joly

Médecin, responsable de l’unité de soins palliatifs, Centre hospitalier de Pont Audemer (Eure)

La proposition de loi Claeys-Leonetti, en proposant « une sédation profonde et continue (…) jusqu’au décès associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » à « la demande du patient . . . → Read More: Le droit de chacun à bénéficier de soins dignes]]> Clémence Joly

Médecin, responsable de l’unité de soins palliatifs, Centre hospitalier de Pont Audemer (Eure)

La proposition de loi Claeys-Leonetti, en proposant « une sédation profonde et continue (…) jusqu’au décès associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » à « la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger inutilement sa vie » crée un droit-créance. En cela, elle reflète parfaitement la postmodernité occidentale, avec sa tendance à réifier la personne et à utiliser chacun « comme un moyen et non toujours comme une fin ».

« Pathologisation » de la souffrance
La première condition est la demande du patient d’éviter toute souffrance. Comment « soulager la souffrance », principe même de la médecine hippocratique, peut-il se transformer en « éviter toute souffrance » ? L’Occident a pathologisé la souffrance, qu’elle soit physique, psychique, sociale ou spirituelle. Comme pour la mort, nous assistons à une désymbolisation et une désocialisation de la souffrance. En objectivant la souffrance, l’homme postmoderne espère la maîtriser. Et en réponse à cette souffrance pathologisée, la médecine propose un agir réducteur lors de sa prise en charge, par une réponse purement pharmacologique. Ainsi, « éviter toute souffrance » par une sédation est un avatar de l’illusion de pouvoir avoir un contrôle sur la souffrance. La demande de « ne pas prolonger inutilement sa vie », est significative d’une pensée utilitariste et d’une vision de la vie centrée sur la performance. Or qui peut être juge de l’utilité d’une vie : le patient, le médecin, l’entourage ? L’expérience de ceux qui accompagnent les personnes en fin de vie montre que bien souvent, c’est l’entourage qui questionne sur l’utilité de la vie qui se termine. L’assertion « ne pas prolonger inutilement la vie », si elle n’est pas liée à l’intention bienfaisante du médecin, entraîne clairement un risque euthanasique.
Le but classique d’une sédation est de diminuer la perception de la douleur, le risque d’abréger la vie étant accepté mais non voulu, contrairement à ce que laisse entendre la rédaction ambiguë de la proposition de loi. Entretenir une ambiguïté sur les termes, laisser penser qu’on peut se passer de l’intentionnalité quand on pose un acte, quel qu’il soit, c’est nier la raison, c’est se laisser emporter par ses émotions, sans prendre le temps de les analyser. Le patient, comme le soignant, est soumis à des contradictions et des projections sur la vie et la mort. Le rôle de la loi est d’encadrer ces ambivalences, pas de les laisser flotter, encore moins de les encourager.
Un effet secondaire majeur de l’altération de la vigilance du patient est la perte de la relation. Double paradoxe, quand on sait l’importance du langage et de la relation dans le soulagement des patients, et ambivalence de celui qui veut maîtriser sa vie jusqu’au bout en demandant une sédation, mais qui, pour ce faire, s’en remet sans retour aux professionnels de santé.

Favoriser le contrat ou la relation ?

Plus profondément, cette proposition de loi, éloignant la pratique médicale de ce qui fait son fondement depuis Hippocrate nous interroge sur le sens de la médecine et du soin. Car il s’agit là d’un changement de paradigme de la médecine.
Ce projet de loi purement contractualiste, réduit la relation malade-médecin à un simple contrat dans une visée hyper individualiste, avec un demandeur et un exécutant, et nie ce qui en fait pourtant son fondement : la relation. Car un malade, surtout s’il est atteint d’une maladie grave et incurable, vient d’abord chercher auprès du professionnel de santé une écoute, un accompagnement, la certitude de ne pas être abandonné. La confiance réciproque et la bienveillance du médecin n’annulent pas l’autonomie du patient, elles en sont au contraire la condition. La souffrance du soigné appelle la responsabilité du soignant. Ce projet risque d’entraîner le contraire de ce qu’il recherche, en cassant la confiance et l’alliance thérapeutique : une plus grande solitude des malades.
Changement de paradigme également en transformant la traditionnelle obligation de moyens de la médecine hippocratique en une obligation de résultat, dangereuse quand on connaît la complexité de nombre de situations de fin de vie : « les traitement n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie (…) sont suspendus » Or les décisions médicales ne peuvent résulter d’injonctions données aux médecins. Elles sont adaptées à chaque cas, et font appel à des facteurs multiples (situation clinique, environnement, singularité du patient) et à une réflexion éthique complexe, impliquant le patient, son entourage, les équipes de soins. Imposer une logique numérique du tout ou rien, c’est ignorer totalement la façon dont se prennent les décisions médicales, l’incertitude inhérente à la pratique médicale, le lent travail d’herméneutique des professionnels de santé. C’est faire fi également de la notion de proportionnalité des soins qui est au cœur de toute pratique médicale. C’est, hélas, prendre le risque de déresponsabiliser les médecins et de limiter leur créativité éthique.

Le droit de chacun à bénéficier de soins dignes

Venons-en enfin aux questions économiques. Certes, les médecins ont des progrès à faire pour faire reculer l’obstination déraisonnable. Mais n’y a-t-il pas une hypocrisie des pouvoirs publics à favoriser par la T2A les actes techniques voire l’acharnement par rapport à l‘accompagnement ? Ce qui soulage l’angoisse existentielle de l’homme devant la mort, c’est la présence, l’écoute, l’accompagnement, le respect, la sollicitude. Cela demande du temps, des moyens, de la formation. Ce n’est pas l’affaire du seul corps médical, mais de la société toute entière. Pour la Cour des Comptes le « développement des soins palliatifs demeure dans notre pays très en deçà des besoins et des attentes », la France arrivant en 23° position sur 40. Faire dormir en fin de vie coûte moins cher qu’un long accompagnement : nul besoin de psychologue, les patients ne parlent pas, moins de soins de nursing, la toilette est plus rapide chez un patient sédaté, et si on pose une sonde urinaire les mobilisations sont encore réduites. Une agonie est-elle ressentie comme trop longue ? La loi permettra implicitement d’augmenter les doses. La priorité pour bien mourir n’est pas une nouvelle loi, mais d’abord l’accès au droit de chacun à bénéficier de soins dignes, requérant une vraie volonté politique, un engagement réel des pouvoirs publics et la solidarité de tous. Et surtout cette proposition de loi, tant par sa rédaction confuse que par l’anthropologie qu’elle révèle, nous oblige à réfléchir de façon urgente en société au sens du soin et du métier de soignant.

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Dormez, je le veux ! http://plusdignelavie.com/?p=2898 http://plusdignelavie.com/?p=2898#comments Sun, 15 Mar 2015 09:44:54 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2898 Sylvain Pourchet Médecin (Paris)

Sédation : le chaînon manquant d’une équation politique

Le paysage médiatique a vu se multiplier dans les dernières années les considérations autour de la fin de vie, au point parfois d’entraîner une forme de pression, une saturation sur un sujet rarement abordé par plaisir. Fin de vie, euthanasie, suicide assisté, . . . → Read More: Dormez, je le veux !]]> Sylvain Pourchet
Médecin (Paris)

Sédation : le chaînon manquant d’une équation politique

Le paysage médiatique a vu se multiplier dans les dernières années les considérations autour de la fin de vie, au point parfois d’entraîner une forme de pression, une saturation sur un sujet rarement abordé par plaisir.
Fin de vie, euthanasie, suicide assisté, soins palliatifs, mort dans la dignité… Autant de thématiques peu digestes dont le brassage n’a pas réellement permis de dépasser une impression générale de confusion.
Cette pression (hyper exposition) et cette impression (confusion), sont venues perturber un équilibre pourtant utile qui nous permet de vivre au quotidien le lien avec l’idée de notre mort. Ainsi réveillé, le fond d’angoisse, jamais très éloigné quand on aborde ces questions, n’a pu trouver de répit. Les incertitudes de l’époque ont fait le reste : dans un climat à tendance catastrophiste, l’angoisse réveillée a pu radicaliser les positions autour d’un « qu’on en finisse ! » mal compris. Loin d’une demande d’en finir vite avec la vie s’exprime sans doute plus simplement un besoin d’en finir vite avec la contrainte de se voir imposer, hors de contexte, un sujet réveillant tant d’insécurité personnelle. Logiquement, puisqu’il y a souffrance perçue, c’est à la médecine qu’il a été demandé de trouver expressément des solutions efficaces. Tout aussi logiquement, dans cet amalgame, l’efficacité médicale a été attendue « face à la mort », et non face à l’anxiété – là où il n’existe pas de solutions plutôt que là où il y en a – poussant dans le même temps la médecine jusqu’à ses limites, elle dont le champ légitime est celui de la maladie.
Dans cette escalade de réponses pressées à un inconfort réel et mal identifié, la sédation est le dernier avatar en date dont s’est emparé et nourri le supposé débat. La sédation est ainsi passée du statut de technique anesthésique dont les subtilités n’avaient jusqu’à présent intéressé que les professionnels de la profession, à celui de chaînon manquant d’une équation politique posée en 2012 en des termes piégeant. Dans proposition 21 du programme présidentiel de François Hollande, le candidat proposait en effet : « […] que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »
Beaucoup de professionnels de santé on lu un soutien encourageant au développement nécessaire de la médecine palliative. Une médecine dont les progrès majeurs ont transformé en quelques décennies notre rapport au soin apporté au malade à la fin de la vie.
Une autre lecture permise par la formulation équivoque de la proposition s’est également répandue : l’assistance de la médecine pour cette mort digne réactualisait l’euthanasie.
Ni le rapport commandé à Didier Sicard, ni les conférences citoyennes, ni le rapport demande au Comité consultatif national d’éthique, ni la survenue d’affaires fortement médiatisées (Vincent Lambert, procès de Nicolas Bonnemaison, hésitations de la Belgique avant de refuser d’accorder l’euthanasie à un détenu) n’ont permis de dépasser le clivage entretenu par le quiproquo initiateur.

 

La tyrannie d’une fausse liberté individuelle

Après la crise sociale vécue à l’occasion de l’évolution législative sur le mariage, le risque de voir émerger une nouvelle cristallisation de réactions extrêmes autour de « la mort pour tous » a conduit à la recherche d’une sortie plus discrète sur un sujet à fort potentiel polémique. L’agenda politique fait qu’on n’a pas remis en question la nécessité, pourtant discutable, de proposer une loi nouvelle. C’est donc d’une posture assez funambule que devait venir l’issue d’un problème auto-généré : « Ni euthanasie, ni suicide assisté »… Alors quoi ?
Les députés Jean Leonetti (UMP), auréolé de la crédibilité légitimement acquise à l’occasion du vote de la loi de 2005 (droit des malades et fin de vie), et Alain Claeys (PS) ont été chargés de cette délicate mission.
C’est le sommeil médicalisé qui s’est imposé aux équilibristes : « un droit à dormir avant de mourir… » Le rêve contemporain d’une mort à l’insu de son plein gré ? Mourir sans s’en rendre compte… La sédation aurait ce pouvoir édulcorant ? Si la douceur du programme politique peut un temps susciter l’adhésion, la solution médicale proposée paraît rapidement dans son imposture. Un traitement, un médicament, seraient de nature à répondre à des questions aussi vastes ? A voir…
La meilleure politique ne fait pas nécessairement la bonne médecine.
Du point de vue médical, d’où vient qu’une mort apaisée est une mort choisie et maitrisée ? D’où vient qu’une bonne mort est une mort accélérée ? D’ou vient qu’une mort endormie est une mort préférable ? D’où vient que la sédation est un sommeil ? D’ou vient que l’euthanasie et le suicide assisté sont de tels tabous qu’il faille nécessairement les intégrer à la médecine alors que leur raison d’être en est une parfaite contradiction ?
Où sont les connaissances, les recherches qui légitimeraient le recours au coma artificiel ? La recherche d’une proposition démontrant une capacité à améliorer la santé est le socle qui légitime l’intervention médicale. La médecine est-elle à ce point différente en fin de vie qu’elle puisse s’en affranchir ?
C’est pourtant l’orientation qui semble être prise. La proposition de loi confirme son absence d’égard à la recherche d’une efficacité qui sous-tend l’exercice de la médecine et va même plus loin : elle introduit l’idée originale d’une sédation opposable. Une automédication qui passerait quand même par un prescripteur, tout en lui contestant une autorité critique et une compétence en la matière…
Dans une acception aussi extrême, le respect de la volonté du patient constitue plutôt un abandon notoire : instrumentaliser l’alliance thérapeutique pour consolider la tyrannie d’une fausse liberté individuelle. Tyrannie, puisqu’elle s’impose. Fausse liberté, car qui décide lorsqu’on veut éviter la fin de vie, sinon la fin de vie elle-même ?
On pourrait multiplier ici les questions (le paradoxe du recours à une collégialité s’agissant de décision qui revient sans discussion au patient, le coût de procédures de plus en plus complexes et chronophages à l’heure de la réduction des budgets de santé..) démontrant la courte vue d’une solution cosmétique et inapplicable. Sans réponses autres qu’incantatoires à ces questions pratiques, le préjudice pour le patient, les proches, les équipes soignantes serait évident. Quelle logique de soin pourrait être construite au sein de tant d’amalgames, d’approximations et de dérives ? Quels repères pour la relation patient/médecin ? Quels repères pour la construction de référentiels professionnels et la constitution de bonnes pratiques médicales ?
La sédation en soins palliatifs est une technique de soin issue de l’anesthésie, pratiquée de manière régulière par les équipes spécialisées, dont l’usage a fait l’objet de nombreuses études et recommandations publiées dans les revues professionnelles. A défaut de cette réflexion, la sédation réalise une fausse promesse thérapeutique et entretient une confusion entre ce qui relève d’une compétence de soin (la technique de sédation) et ce qui relève d’une responsabilité citoyenne (l’euthanasie, le suicide assisté). Une confusion préjudiciable aux progrès légitimement attendus sur ces questions distinctes. La médecine a pour mission le soin prodigué au malade vivant. Améliorer le soin pour faire disparaitre la souffrance n’équivaut pas à faire disparaître le souffrant. Partout où le recours à la sédation ne peut se construire dans le cadre d’un réel projet thérapeutique, il semblerait plus utile de recourir à une autre terminologie pour des pratiques sortant du cadre soignant. Enfermer des champs entiers de questions inédites dans des solutions simplistes et réductionnistes fait courir le risque de passer à côté des meilleures solutions. Une perte de chance médicale et sociale qui ne peut qu’être combattue.

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Fin de vie : pour une évolution législative justifiée http://plusdignelavie.com/?p=2890 http://plusdignelavie.com/?p=2890#comments Sat, 10 Jan 2015 15:13:04 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2890 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, auteur de Fin de vie. Le choix de l’euthanasie ?, éditions le Cherche midi

 

L’intelligence d’une approche politique

La concertation nationale sur la fin de vie engagée par François Hollande le 17 juillet 2012 s’est conclue le 12 décembre 2014 par une « Proposition . . . → Read More: Fin de vie : pour une évolution législative justifiée]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale à l’université Paris Sud, auteur de Fin de vie. Le choix de l’euthanasie ?, éditions le Cherche midi

 

L’intelligence d’une approche politique

La concertation nationale sur la fin de vie engagée par François Hollande le 17 juillet 2012 s’est conclue le 12 décembre 2014 par une « Proposition de loi modifiant la loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie ». Ce temps d’écoute, de dialogue et d’approfondissement était nécessaire : il témoigne d’une exigence de respect, de prudence et de rigueur qui honore notre vie démocratique. Au-delà de la saisine de compétences convenues dans le champ de la santé et de la réflexion éthique, l’intelligence de cette approche politique aura été de favoriser l’émergence d’expressions trop souvent négligées dans le débat public. Au cours de ces deux années les postures se sont estompées, chacun prenant conscience de l’opportunité qu’il y avait à renoncer aux positions par trop marquées par l’idéologie ou des convictions réfractaires à l’analyse justifiée d’une réalité qui a évolué depuis 2005. Car contrairement aux idées reçues, la loi du 22 avril 2005 s’est implémentée dans le cadre des pratiques soignantes et a, plus qu’on ne l’admet, contribué à une pédagogie sociétale. Son évolution mesurée s’impose aujourd’hui comme le nécessaire ajustement de principes intangibles inspirés par les valeurs que nous partageons. Il me semble donc important de reconnaître la valeur et la signification de ce processus de délibération qui a été mené dans la transparence, avec pour souci d’associer, dans un esprit d’ouverture, le pluralisme des expériences, des expertises et des points de vue, sans concession, sans soumission, avec courage : de manière exemplaire. Cette démarche aboutie a rendu possible l’approche minutieuse de responsabilités complexes, délicates, relevant de nos devoirs d’humanité. Ainsi pouvons-nous dépasser ensemble le stade de controverses, de revendications, de positionnements figés qui s’avèrent aujourd’hui totalement dépassés, d’une autre époque.
La méthode choisie par le président de la République a situé le débat à son niveau d’exigence, renonçant aux slogans et aux sondages pour leur préférer l’argumentation, le discernement, la pondération et la concertation. Dans un premier temps la mission de réflexion sur la fin de vie a su recueillir avec justesse les ressentiments et les attentes suscités par la confrontation personnelle ou professionnelle au « mal mourir ». Remis le 19 décembre 2012, son rapport détaille les multiples circonstances de la fin de vie en France et soumet à une critique solidement étayée les hypothèses d’évolutions législatives avec leurs portée et conséquences possibles. Reprenant ce document de référence et répondant à de nouvelles questions formulées par François Hollande, dans leur avis n° 121 « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir » (1er juillet 2013) les membres du Comité consultatif national d’éthique poursuivent l’investigation, affinent les analyses et examinent avec précision les différentes options de ce que serait une approche de « l’assistance médicalisée en fin de vie » si, notamment, y étaient intégrés le suicide médicalement assisté ou l’euthanasie. Le 20 juin 2014 le Premier ministre confie enfin à deux parlementaires une mission visant à préparer un texte de loi relatif à l’accompagnement des personnes en fin de vie. C’est une « Proposition de loi modifiant la loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie » qui est présentée le 12 décembre au chef de l’État, et non une loi qui dépénaliserait l’euthanasie. Depuis le début de la concertation nationale, aucune instance n’a en effet exprimé une position favorable à une telle mutation législative, même si la notion « d’exception d’euthanasie » aura été évoquée, strictement encadrée, sans pour autant justifier sa transposition dans la loi. Cette proposition de loi procède d’un travail d’élaboration profondément respectueux de la singularité de circonstances intimes et ultimes qui sollicitent, face aux vulnérabilités existentielles, une solidarité profonde, un « engagement solidaire ». Ne serait-ce qu’à cet égard, sa légitimité s’avère indiscutable.

 

Valeurs engagées dans la proposition de loi

La conclusion de ce temps de mise en commun, au cœur de la cité, d’un questionnement à tant d’égards inédit et si délicat à instruire dans un contexte sécularisé et médicalisé, peut surprendre ou décevoir ceux qui depuis des années entravent la mise en œuvre de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie. Ses détracteurs ont en effet décidé qu’elle n’était que transitoire, avant son abrogation et le vote d’une loi dépénalisant l’euthanasie. Pour les deux parlementaires qui présentent cette proposition de loi (Alain Claeys et Jean Leonetti), il convient davantage en effet de rendre effectifs les droits de la personne malade déjà affirmés dans trois lois (9 juin 1999, 4 mars 2002, 22 avril 2005) que de se fixer l’objectif d’un texte législatif qui renoncerait à proposer un cadre conforme aux valeurs de dignité et de respect qu’incarne l’idée de démocratie. Tel est le véritable défi politique des semaines qui viennent, puisqu’un débat parlementaire est annoncé pour janvier 2015 suivi d’une loi vers mars : nos parlementaires doivent saisir la teneur et l’urgence des enjeux présents. Faute de quoi demain, par défaut de résolution, de mobilisation, de compétences, de dispositifs et de moyens il est évident que l’épreuve du « mal mourir » en France conduira inévitablement à décider d’une gestion administrative de la fin de vie en recourant notamment à la pratique de l’euthanasie. Au-delà de tout esprit partisan, au cours cette instruction publique menée depuis deux ans auront été confirmées la valeur et la pertinence de cette approche humaniste, juste et prudente de nos engagements auprès de celui qui meurt. Celle que s’est choisie avec la loi du 22 avril 2005 le pays inspirateur des droits de l’homme : elle constitue du reste une référence reprise dans nombre de pays.
Il me semble important de prendre en compte la signification politique des positions affirmées dans le préambule de la proposition de loi qui sera discutée début 2015 au parlement : « Cette longue marche vers une citoyenneté totale, y compris jusqu’au dernier instant de sa vie, doit déboucher vers la reconnaissance de nouveaux droits. À la volonté du patient, doit correspondre un acte du médecin. » (…) « Ces nouveaux droits nous semblent répondre à la volonté des Français de sauvegarder leur autonomie et de mourir de façon apaisée. » Les valeurs de dignité et de liberté sont posées comme les principes à honorer dans des circonstances où, parfois, l’évolution d’une maladie avec ses conséquences sur l’intégrité de la personne semble les compromettre : « Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit. » Dans l’exercice de cette « citoyenneté totale » aucune option n’est privilégiée, de telle sorte que chacun peut se déterminer selon ses préférences pour autant qu’il ne sollicite pas de l’équipe médicale une euthanasie et qu’il ne soit pas contraint à décider par défaut. Ainsi l’accès aux soins de support et aux soins palliatifs doit pouvoir constituer une alternative tangible. Ce n’est pas le cas aujourd’hui en France, par manque de dispositifs dédiés tant en institution qu’au domicile et tout autant de formations appropriées. François Hollande a annoncé à ce propos un nouveau plan triennal de développement des soins palliatifs, ce qui témoigne de sa volonté de promouvoir cet autre droit que représente la possibilité de bénéficier des soins d’accompagnement en toutes circonstances.

 

Ce que permettra la sédation profonde et continue

Un des aspects particulièrement sensible de la proposition de loi concerne la sédation profonde et continue : elle relèvera d’un droit reconnu à la personne atteinte « d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme (qui) présente une souffrance réfractaire au traitement » ou « d’une affection grave et incurable, (qui a décidé) d’arrêter un traitement, (ce qui) engage son pronostic vital à court terme ». Ce « traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie » sera mis en œuvre à la demande de la personne. Elle en formulera la demande ou en aura exprimé la volonté dans la rédaction de ses directives anticipées qui s’imposeront « au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ». Ces directives deviendront ainsi « opposables » alors que dans la précédente loi elles constituaient seulement un avis ou une recommandation à prendre en compte pour orienter une délibération médicale collégiale, au même titre que la position exprimée par la personne de confiance.
La sédation profonde et continue à la demande d’une personne éprouvant une « souffrance réfractaire au traitement » ou atteinte d’une affection grave et incurable qui « engage son pronostic vital à court terme », représentera une évolution marquante dans les pratiques. L’appréciation des conditions d’indication de la sédation pourra en effet relever de critères personnels qui doivent être respectés, sans pour autant qu’ils interviennent dans le contexte limitatif du stade terminal d’une maladie. Cette conception de la « sédation terminale » applicable à des circonstances qui pourraient a priori ne pas relever au sens strict de la fin de vie est complétée par deux articles de la proposition de loi que certains ne manqueront pas de considérer comme une sorte d’ouverture possible vers ce que serait, faute d’encadrement précis, une logique d’euthanasie (dissimulée) : « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas subir tout traitement. » ; « La nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. » En pratique l’équipe médicale se verra entravée de toute faculté d’appréciation de la recevabilité de la décision de la personne malade, ce qui ne manquera pas d’avoir une conséquence discutable sur les pratiques professionnelles, ne serait-ce que du point de vue de la signification même de l’engagement dans le soin. À cet égard il conviendra d’être attentif aux conséquences de la loi dans le contexte, par exemple, d’une tentative de suicide.
C’est dire à quel point cette proposition de loi ne se limite pas à la reformulation superficielle et opportuniste de certains aspects de la loi du 22 avril 2005. Elle tire de son évaluation critique des avancées significatives susceptibles de répondre y compris aux quelques circonstances qui justifiaient de nouvelles dispositions. À ce propos l’irruption en 2014, au cours de la concertation nationale, de la situation de M. Vincent Lambert, a suscité des clarifications d’autant plus justifiées que le Conseil d’État y a consacré le 24 juin 2014 une décision contentieuse. Encore serait-il indispensable de ne pas assimiler sans une extrême prudence certains états de handicaps sévères ou de maladies neurologiques dégénératives à une approche relevant sans autre discussion d’une législation relative à la fin de vie. Un encadrement rigoureux s’imposera pour éviter les interprétations abusives ou extensives d’un des articles de cette proposition de loi : « Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin a l’obligation de s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée par le patient. En l’absence de directives anticipées, il recueille le témoignage de la personne de confiance et à défaut de tout autre témoignage de la famille ou des proches. »

 

Pour une « assistance socialisée en fin de vie »

L’heure n’est pas encore d’analyser dans le détail une proposition de loi qui risque d’être soumise dès janvier aux controverses politiciennes et aux pressions partisanes convaincues de l’urgence d’aller plus loin et de dépénaliser l’euthanasie. Il est toutefois important, en démocrate, de considérer les conclusions de cette concertation nationale comme l’affirmation de valeurs fortes à propos desquelles on se saurait transiger. Il convient de créer les conditions favorables non seulement à l’appropriation de nouveaux droits reconnus à la personne malade jusqu’au terme de sa vie, mais également à l’affirmation de nos devoirs d’humanité là où nos responsabilités humaines et sociales sont engagées. Car ce n’est pas l’énoncé de procédures, de protocoles et de dispositifs administratifs, voire notariaux qui apportera ce supplément d’humanité et de sollicitude revendiqué comme un besoin fondamental lorsque nous sommes confrontés à la maladie grave, aux handicaps, à la souffrance et à la mort. À elle seule l’anticipation de circonstances si difficiles à se représenter et à assumer n’est en rien garante de notre faculté d’exercer de manière autonome une maîtrise idéalisée sur des circonstances qui par nature défient nos certitudes et rendent inconsistantes nos tentations de contrôle, notre « volonté de puissance ». Cette évocation ou formulation d’une sédation profonde et continue que certains dénomment déjà « sédation palliative », « sédation terminale » ou « sédation euthanasique » n’évite pas d’interroger ce qu’il en adviendra des conditions mêmes de l’accompagnement, de la relation de soin dès lors qu’y renoncer et y mettre un terme anticipé pourra constituer la manière « digne » et « apaisée » de se détacher des vivants. Cette ritualisation de l’endormissement jusqu’à ce que la mort advienne dans cette forme d’apparente sérénité, pourra bien vite perdre toute justification au point de rendre davantage impatient de la mort et de contester cette prolongation d’une existence ainsi dépouillée de la moindre signification. S’y ajouteront, à n’en pas douter, toutes sortes de normes, de suggestions, de contraintes (y compris d’ordres gestionnaires et économiques) qui influeront sur la faculté d’autodétermination notamment des plus vulnérables parmi nous. L’exigence de vigilance s’impose donc à chacun d’entre nous, en dépit de notre intime conviction de la justesse du cadre législatif proposé, attentif à prévenir les dérives et profondément respectueux de la personne dans son humanité et ses valeurs.
Les évolutions législatives qui seront discutées au parlement début 2015 procèdent d’une approche responsable des aspirations à l’autonomie et à la responsabilisation : il convient aujourd’hui de les reconnaître comme les droits fondamentaux (bien que trop souvent formels) de la personne malade. Le défi est donc celui de leur effectivité, ce qui tient certes à une volonté politique mais tout autant à notre capacité d’affronter notre finitude, d’assumer les conditions d’exercice de nos responsabilités sur la vie sans les déléguer à un « acte du médecin », y compris consenti. Il serait pernicieux que les extensions envisagées de la loi du 22 avril 2005 ne soient pas accompagnées d’une mobilisation sociétale qui permette de penser et de vivre la maladie ainsi que la fin de vie en société : reconnu dans une « citoyenneté totale ». Le défi politique ne se limite donc pas à proposer une loi relative aux « droits des malades » ou à « l’assistance médicalisée en fin de vie », là où devrait tout autant être pensée et assumée ensemble « une assistance socialisée en fin de vie ».

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Sondage IFOP : les Français et la fin de vie http://plusdignelavie.com/?p=2883 http://plusdignelavie.com/?p=2883#comments Tue, 23 Dec 2014 11:47:52 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2883 Les deux députés Alain Clays et Jean Leonetti ont remis le vendredi 12 décembre leur rapport sur la fin de vie au Président de la République, proposant des mesures pour assurer une « fin de vie apaisée » aux patients. Le sondage Ifop pour Ouest France interroge les Français sur cette problématique et montre . . . → Read More: Sondage IFOP : les Français et la fin de vie]]> Les deux députés Alain Clays et Jean Leonetti ont remis le vendredi 12 décembre leur rapport sur la fin de vie au Président de la République, proposant des mesures pour assurer une « fin de vie apaisée » aux patients. Le sondage Ifop pour Ouest France interroge les Français sur cette problématique et montre que 53% d’entre eux se prononcent en faveur des soins palliatifs.

Les connaissances des Français sur les questions de fin de vie demeurent imparfaites. Interrogées sur les conséquences de la loi Leonetti de 2005, une courte majorité de personnes interrogées est au courant de l’obligation des médecins à soulager toutes les douleurs même si le traitement a comme effet d’accélérer la survenue du décès (55%) ou de l’obligation des médecins à respecter la libertés des personnes souffrant de maladies incurables et douloureuses de ne pas être maintenues artificiellement en vie (52%). Les connaissances sur les soins palliatifs s’avèrent plus précises. Une large majorité de personnes s’accorde sur le fait que les soins palliatifs consistent à supprimer la douleur des patients (87%) et à accompagner et soulager psychologiquement les patients (86%).

Entre un bénéfice de soins palliatifs (53%) et une injection mortelle (47%), une courte majorité de Français se prononce en faveur de la première option. Au-delà de cet arbitrage, le développement des soins palliatifs est parallèlement souhaité vivement, 95% des personnes interrogées jugeant utile de développer les soins palliatifs pour que toute personne puisse y accéder, en particulier à domicile et en maison de retraite, pour améliorer la prise en charge et l’accompagnement des personnes en fin de vie.

Ce document présente les résultats d’une étude réalisée par l’Ifop. Elle respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par sondage. Les enseignements qu’elle indique reflètent un état de l’opinion à l’instant de sa réalisation et non pas une prédiction.

Capture d’écran 2014-12-23 à 12.45.53Lire le document

 

 

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Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde http://plusdignelavie.com/?p=2878 http://plusdignelavie.com/?p=2878#comments Thu, 18 Dec 2014 12:23:17 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2878 Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde

Jean Fontant

Interne, président de l’association Soigner dans la dignité

 

Nous sommes plus de 500 étudiants en médecine de toute la France, regroupés au sein de l’association Soigner dans la dignité pour encourager la réflexion et la formation sur la fin de vie.

Nous . . . → Read More: Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde]]> Refuser le raccourci mensonger d’une euthanasie par sédation profonde

Jean Fontant

Interne, président de l’association Soigner dans la dignité

 

Nous sommes plus de 500 étudiants en médecine de toute la France, regroupés au sein de l’association Soigner dans la dignité pour encourager la réflexion et la formation sur la fin de vie.

Nous voulons lutter contre les peurs entourant la fin de vie, la défiance entretenue par certains contre le corps médical, et contre un préjugé destructeur : non, on ne meurt pas en France dans d’atroces souffrances, les solutions existent mais manquent de moyens et de visibilité.

Les lois sur la fin de vie ne sont pas assez connues et appliquées. Ce constat unanime motive certains pour demander un nouveau texte. Nous refusons cette démarche. Le cadre actuel de 2005, reconnu et estimé à l’étranger, ouvre une troisième voie raisonnable entre acharnement thérapeutique et euthanasie. La priorité est de faire connaitre cette loi, et non d’en écrire une nouvelle.

Alors que le rapport que vont rendre prochainement Jean Leonetti et Alain Claeys à l’Assemblée Nationale devrait proposer des changements importants dans ce domaine, il nous semble important de revenir sur le cas de la sédation en phase terminale d’une maladie.

Ce procédé consiste à faire baisser la vigilance du malade de manière réversible dans les  situations extrêmes de souffrances liées à une angoisse forte, de détresse respiratoire ou de très rares douleurs réfractaires au traitement antalgique. Ce protocole n’intervient qu’en dernier recours, il concerne une très faible proportion des personnes accompagnées en soins palliatifs. En effet, les médicaments utilisés sont néfastes pour l’organisme, et peuvent abréger la vie du patient par ailleurs.

La loi encadre l’utilisation de tels produits. S’applique alors le principe du double effet : un tel acte médical n’est possible que si l’intention et la volonté du médecin sont d’apaiser les souffrances de la personne, et non d’abréger sa vie. Le critère d’intentionnalité introduit ici ne se réduit pas à un concept moral, au contraire. L’intention qui préside à la mise en place d’un traitement régi par le double effet est visible dans les doses mises en place. Les médecins recherchent en effet la plus faible dose efficace, pour minimiser les effets secondaires du produit.

Nous sommes alertés par certains propos tenus actuellement à propos de la sédation. On nous parle notamment d’un « droit à la sédation profonde et terminale », évacuant le principe du double effet. On autoriserait alors très clairement le médecin à donner la mort à son patient, en conscience. Il pourrait ainsi utiliser un sédatif à forte dose, sans que la loi ne prenne en compte son intention. Nous refusons le raccourci mensonger et malheureux d’une euthanasie par sédation profonde, hypocritement déguisée sous ce nom de sédation terminale. Cette mesure n’est pas un ajustement. Elle franchit une limite dangereuse : nous entrons dans la  logique euthanasique.

Nous payons aujourd’hui le lourd tribu du manque critique de praticiens formés et disposant des moyens nécessaires à accompagner le mourant dans le respect de sa dignité d’homme. Nous, soignants de la France de demain, voulons être une force de proposition au service d’une médecine à visage humain. Nous constatons l’urgence d’informer nos concitoyens sur la loi. Nous désirons être formés à l’accompagnement et refusons  toute mesure qui donne au médecin le pouvoir de mettre fin à la vie de son patient. Notre vocation de médecins reçue d’Hippocrate est de « guérir parfois, soulager souvent, réconforter toujours ». Nous sommes au service de nos patients, nous ne voulons pas d’une médecine qui distille la vie ou la mort à volonté.

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L’Association Soigner dans la dignité http://plusdignelavie.com/?p=2860 http://plusdignelavie.com/?p=2860#comments Tue, 28 Oct 2014 13:33:34 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2860 Soigner dans la dignité est une association fondée au printemps 2014 par des étudiants en médecine issus de toute la France, désireux de promouvoir une conception de la médecine à l’écoute du patient, s’opposant résolument à une légalisation de l’euthanasie tout en condamnant aussi fermement l’acharnement thérapeutique.

 

Une vision pour la médecine de . . . → Read More: L’Association Soigner dans la dignité]]> Soigner dans la dignité est une association fondée au printemps 2014 par des étudiants en médecine issus de toute la France, désireux de promouvoir une conception de la médecine à l’écoute du patient, s’opposant résolument à une légalisation de l’euthanasie tout en condamnant aussi fermement l’acharnement thérapeutique.

 

Une vision pour la médecine de demain

Notre conviction est que la médecine doit rester attachée aux principes qui la structurent depuis la nuit des temps, proclamés urbi et orbi par les préceptes du serment d’Hippocrate.
- « Primum non nocere » : en premier lieu, nous refusons toute action visant à donner la mort, fut-ce pour un motif prétendument altruiste. Nous avons la conviction que ce principe est cardinal, structurant la société, et a fortiori la médecine. Dans ce domaine situé par essence à la frontière de la vie et de la mort, l’introduction d’une confusion entre ces deux réalités consisterait à mettre le doigt dans un engrenage infernal.
- Nous ne nous berçons toutefois pas d’illusions naïves : bien sûr, le médecin est confronté fréquemment à la mort, et parfois à des situations si complexes qu’elles ne peuvent déboucher sur une solution idéale. Face aux défis de la fin de vie, nous refusons avec une égale fermeté l’acharnement thérapeutique.
- Nous soutenons que l’accompagnement digne des personnes en fin de vie passe par un développement des soins palliatifs, une meilleure coordination entre les services d’hospitalisation et un renforcement des possibilités de soin à domicile.

 

Une action au sein du monde étudiant

Notre constat est celui d’un manque cruel de formation concernant les sujets de la fin de vie. Les étudiants et les médecins ne sont que trop peu initiés à la démarche palliative, à l’accompagnement du patient, dans les souffrances physiques et psychiques qu’il endure à cette période difficile, au dialogue avec la famille et les proches et à l’application de la loi Leonetti. Ce constat est symbolisé par ce chiffre publié en 2012 par le rapport Sicard : 63% des médecins n’auraient jamais été formés à la limitation ou à l’arrêt de traitements.
Face à cette lacune indéniable, nous souhaitons utiliser le poids que nous confère notre nombre d’adhérents (plus de 500 étudiants en médecine aujourd’hui), pour exiger des facultés une attention plus vive sur ces sujets. Nous voulons également agir par nous-mêmes pour sensibiliser les étudiants à ces problématiques. Nous le faisons déjà activement aujourd’hui, par le biais de notre site internet, des réseaux sociaux et de la presse.

 

Une voix au chapitre

Pour s’opposer à une légalisation de l’euthanasie, où à toute évolution législative qui irait dans ce sens, nous voulons porter la voix de nos membres dans le débat public. Pour cela, nous n’hésitons pas à interpeler la société sur les sujets qui font l’actualité aujourd’hui, souvent porteurs de graves questions, à faire de notre mieux pour former nos concitoyens et les pousser à la réflexion. Une telle démarche nous semble salutaire alors que l’opinion publique sur ces sujets se limite trop souvent au ressenti pur, habilement suscité par la médiatisation de certains cas. Nous sommes convaincus en particulier que le choix et l’emploi des mots de la fin de vie pèsera lourd dans le débat, et nous voulons promouvoir une connaissance de ces termes souvent alambiqués ou peu transparents. Nous sommes particulièrement attentifs à une confusion entre la sédation en phase terminale, relevant du principe du double-effet, et la sédation terminale, relevant de l’euthanasie. Dans la même optique, nous nous inquiétons de ce que le législateur entend faire des « directives anticipées » qui, si elles sont bienvenues car étant source de dialogue et d’écoute entre le patient et le médecin, sont improprement nommées. Les prises de position de nombreux psychologues et l’expérience de personnes sorties de comas profonds nous incitent à considérer que ces déclarations ne doivent pas devenir « directives », c’est-à-dire contraignantes, de par l’ambivalence de l’état psychologique du patient, qui change avec les situations et la maladie. Une évolution législative dans ce sens nous semble ainsi néfaste, dédouanant le médecin de toute responsabilité, et allant radicalement à l’encontre de toutes les initiatives prises ces dernières années pour encourager la réflexion éthique dans le monde médical.
Quand la loi s’intéresse de si près à la médecine, le choix des mots peut avoir des conséquences terribles ; il nous appartient d’engager les citoyens et le corps législatif à les peser soigneusement avant emploi !

Contacts : https://www.soignerdansladignite.com/definition.php

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Vincent Lambert : réponse de l’académie de médecine à la saisine du conseil d’Etat http://plusdignelavie.com/?p=2803 http://plusdignelavie.com/?p=2803#comments Tue, 24 Jun 2014 15:52:49 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2803 Par sa décision du 14 février 2014 relative à la situation de Monsieur Vincent Lambert, le Conseil d’État a invité l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil national de l’ordre des médecins ainsi que M. Jean Leonetti à lui présenter des observations écrites de caractère général de nature à l’éclairer . . . → Read More: Vincent Lambert : réponse de l’académie de médecine à la saisine du conseil d’Etat]]> Par sa décision du 14 février 2014 relative à la situation de Monsieur Vincent Lambert, le
Conseil d’État a invité l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national
d’éthique, le Conseil national de l’ordre des médecins ainsi que M. Jean Leonetti à lui
présenter des observations écrites de caractère général de nature à l’éclairer utilement sur
l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens
de l’article L.1110-5 du Code de la Santé publique, en particulier à l’égard des personnes qui
sont, comme M. Lambert, dans un état pauci relationnel.
Cette demande a été notifiée par lettre de M. le Vice-Président du Conseil d’État à M. le
Président de l’Académie nationale de médecine, en date du 18 février 2014.
L’ANM tient à préciser que dans les observations ci-dessous formulées, en réponse à la
saisine du Conseil d’État, en l’absence de toute connaissance du dossier médical du
patient et de toute responsabilité de soins à son égard, elle s’abstient formellement de
formuler quelque avis que ce soit sur le cas précis de M. Vincent Lambert.
Avant de formuler la réponse à la question qui lui est posée, l’ANM expose ici les
observations et arguments sur lesquels elle est fondée.

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Vincent Lambert : Observations du Conseil national http://plusdignelavie.com/?p=2798 http://plusdignelavie.com/?p=2798#comments Tue, 24 Jun 2014 15:40:49 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2798 Le Conseil d’Etat statuant au contentieux a saisi le Conseil national de l’Ordre des médecins, à titre d’amicus curiae, d’une demande d’avis relative à l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L.1110-5 du code de la santé publique, issues de la loi dite Leonetti du 22 avril 2005, aux termes desquelles les . . . → Read More: Vincent Lambert : Observations du Conseil national]]> Le Conseil d’Etat statuant au contentieux a saisi le Conseil national de l’Ordre des médecins, à titre d’amicus curiae, d’une demande d’avis relative à l’application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L.1110-5 du code de la santé publique, issues de la loi dite Leonetti du 22 avril 2005, aux termes desquelles les actes médicaux : « ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L.1110-10 ».

Le Conseil d’Etat demande plus spécialement au Conseil national de l’ordre des médecins de lui présenter « des observations écrites de caractère général de nature à l’éclairer utilement sur l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens de l’article L.1110-5 du code de la santé publique, en particulier à l’égard des personnes qui sont, comme M. Lambert, dans un état pauci-relationnel ».

Le Conseil national de l’Ordre des médecins y répond :

Télécharger le document  - Avis au Conseil d’Etat 

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Vincent Lambert : leçons éthiques et politiques du Conseil d’État http://plusdignelavie.com/?p=2774 http://plusdignelavie.com/?p=2774#comments Mon, 05 May 2014 06:57:00 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2774 Emmanuel Hirsch

Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Les valeurs de respect et de solidarité que prône notre démocratie

Depuis quelques semaines, les stratèges des controverses publiques portant sur la fin de vie étaient parvenus à imposer un discours ne portant plus que sur l’indécence des conditions de survie de M. Vincent Lambert et . . . → Read More: Vincent Lambert : leçons éthiques et politiques du Conseil d’État]]> Emmanuel Hirsch

Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud

Les valeurs de respect et de solidarité que prône notre démocratie

Depuis quelques semaines, les stratèges des controverses publiques portant sur la fin de vie étaient parvenus à imposer un discours ne portant plus que sur l’indécence des conditions de survie de M. Vincent Lambert et sur l’inconstance du dispositif législatif actuel. En état de crise, il convenait donc de le révoquer dans l’urgence, sans plus attente. En attestait, de surcroît, la multitude d’appels désespérés, adressés nuit et jour, nous disait-on, à une association qui proposait l’enregistrement informatisé de directives anticipées comme un viatique indispensable au salut ou encore un acte suprême de dignité et de liberté !
Alors que la concertation nationale sur la fin de vie initiée en juillet 2012 par François Hollande se conclura dans quelques semaines sur un rapport du Comité consultatif national d’éthique qui devrait être représentatif d’avancées mesurées mais significatives, ce dernier combat idéologique revêtait un intérêt stratégique indiscutable. Au mépris même de ses conséquences délétères pour les 1700 personnes en état dit végétatif chronique (EVC) ou pauci relationnel (EPR). Sans autre forme de procès, leur existence découverte de manière fortuite au détour d’une actualité douloureuse, n’inciterait en effet qu’à revendiquer pour soi une « mort dans la dignité » et même à consentir sans le moindre état d’âme à ce que cette position puisse tenir lieu de norme…
Le fait même d’avoir à recourir à une appellation comme celle d’EVC ou d’EPR en dit long, du reste, de notre difficulté à se représenter humainement cet impensable que certains ont décidé d’emblée – sans même avoir été auprès de ces personnes lourdement handicapées ne serait-ce que par sollicitude et afin de mieux comprendre – de considérer insupportable, voire « indigne d’être vécu ». Un médecin réanimateur avait même considéré ces personnes comme des « intermédiaires entre l’animal et l’homme », provoquant le 24 février 1986, à la suite de ses expérimentations dans des conditions éthiquement irrecevables, un avis de Comité consultatif national d’éthique en devoir de préciser : « Ce sont des êtres humains qui ont d’autant plus droit au respect dû à la personne humaine qu’ils se trouvent en état de grande fragilité. »
Le Conseil d’État apporte le 14 février 2014 un démenti flagrant à ces discours hâtifs, catégoriques, pour ne pas dire expéditifs, qui ont consisté pour l’essentiel à instrumentaliser la douleur émanant de cette situation singulière pour exprimer une position dogmatique sur le droit au suicide médicalement assisté et à l’euthanasie. Un simple détour « coté vie » auprès de ces personnes en état de conscience altérée aurait sans aucun doute changé la teneur de tels discours, tant leurs proches et les établissements qui les accueillent sont loin de donner le sentiment de s’acharner à maintenir abusivement en vie des mourants. Car c’est bien à des personnes en vie, à des membres de notre cité, certes en situation de vulnérabilité comme d’autres le sont, que s’adressent ces signes de sollicitude et d’affections dans le quotidien et la justesse d’un soin digne des valeurs de respect et de solidarité que prône notre démocratie.
Le Conseil d’état évoque, avec une rigueur et une prudence qui manquaient au débat, les enjeux propres à cette situation singulière : une réalité humaine « de grande fragilité », sensible, délicate car si spécifique ; l’approche médicale et scientifique qu’elle appelle : complexe, incertaine, irréductible aux positions péremptoires et définitives ; l’environnement au sein duquel les circonstances évoluent et qui, lui aussi, justifie une grande pondération. Il convenait d’implanter de la dignité et de l’intelligence dans des disputations qui dérivaient de manière pernicieuse, sans émouvoir apparemment les instances nationales en charge de la réflexion éthique. Elle sont désormais, elles aussi, sollicitées afin de préciser et de rappeler solennellement les valeurs d’humanité et de liberté sur lesquelles une démocratie ne transige pas, sans pour autant s’exonérer d’une exigence de compassion.

 

Loyauté, compétence et clarté

Avec le dispositif d’instruction qu’il impose pour les prochains mois, le Conseil d’État affirme la singularité et la complexité de la situation de M. Vincent Lambert. Elle doit désormais relever d’une expertise appropriée qui tienne compte des compétences les plus actuelles dans le champ des neurosciences et permettre ainsi de disposer de données factuelles indispensables à une prise de décision d’une telle gravité. Le caractère emblématique et extrême des circonstances justifie les clarifications qui font défaut afin d’envisager un arbitrage fondé sur une argumentation solidement étayée. Cette décision s’avère d’autant plus sage qu’elle nous fait comprendre de manière pédagogique qu’un tel dispositif est rarement mobilisé et devrait donc constituer un référentiel applicable dans d’autres circonstances analogues. Les avancées des techniques de réanimation ont induit des circonstances dites limites qui ne bénéficient pas toujours des modalités les mieux ajustées à des prises de décisions complexes, même si la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie a permis à cet égard des évolutions significatives.
Lorsque dans le cadre d’une formation dite collégiale, une équipe médicale se prononce à propos d’une limitation ou d’un arrêt de traitement, il serait en effet important d’être assuré de la valeur du consensus décisionnel obtenu à la suite d’une délibération à la fois loyale, juste, et donc argumentée sur la base de principes clairement établis. Le Conseil d’état exprime à cet égard une exigence dont certains estimaient à tort qu’elle n’avait plus à être rappelée. Il saisit l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et l’Ordre national des médecins afin de recueillir leurs définitions de notions comme celle d’obstination déraisonnable ou de maintien artificiel de la vie. L’analyse de ces concepts, au même titre que d’autres déterminants d’ordre médico-scientifique, est requise dans des prises de décisions qui concernent près de 100 000 arrêts de traitement chaque année.
À n’en pas douter nous disposerons ainsi dans quelques mois de repères qui s’avèrent indispensables à cette haute instance, ce qui interroge, malgré tout, certains critères de décision privilégiés jusqu’à présent. Encore conviendra-t-il d’être assuré de la qualité des compétences et des procédures mises en œuvre une fois ces définitions validées. Les services hospitaliers concernés ne font pas apparaître de manière homogène une même expertise qui relève d’une culture et d’une rigueur méthodologique exigeantes.
Le Conseil d’État sollicite également, et cela me semble significatif, le point de vue de Jean Leonetti. Ce choix n’est pas anodin dès lors qu’il réaffirme la place déterminante de la législation dont il est l’auteur dans le contexte présent. Depuis des mois en effet la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie est soumise aux assauts constants des propagandistes d’une loi favorable à l’euthanasie. Le Conseil d’État considère d’une part que cette loi est applicable à une personne qui se trouve dans un état de maladie ou de handicap dont l’irréversibilité est caractérisée, et d’autre part que le dispositif législatif incluant la loi du 09 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, et la loi du 04 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, apportent les modes de négociation les plus ajustés à des situations qui pourraient même ne pas être directement assimilées à la période de fin de vie. De telle sorte qu’il ne faudrait certainement pas trouver dans les circonstances présentes la justification à une évolution législative.
Pour autant, nous ne pourrons pas nous exonérer d’une réflexion délicate mais nécessaire portant sur les personnes dans l’incapacité d’exprimer un choix personnel (ne serait-ce que parce qu’elles n’ont pas souhaité rédiger des directives anticipées) qui, bien que n’étant pas en situation de fin de vie, suscitent les questionnements délicats relatifs au maintien artificiel de leur vie. À cet égard les trois instances consultées devront être attentives aux conséquences de leurs conceptions au regard de personnes atteintes par exemple de maladies neurologiques, évolutives ou non, à impact cognitif.

 

L’exigence d’une pensée politique

Le Conseil d’État se réfère à l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour rappeler que « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement (…). » Mais simultanément il consacre une autre liberté fondamentale : celle d’être reconnu dans le droit de ne pas subir une obstination déraisonnable. Cette position ne fait que renforcer à cet égard la pertinence de loi du 22 avril 2005 qui proscrit toute obstination déraisonnable. À ce propos l’approche à la fois humaine et responsable de la sédation en dit long des évolutions profondes qui sont intervenues depuis des années dans la relation de soin : elles semblent rendre caduques certaines controverses d’arrière-garde.
Reste posée de manière entière la question si délicate à aborder d’une personne qui n’est pas en capacité d’exprimer son refus d’un traitement, y compris d’une hydratation et d’une alimentation puisque le Conseil d’État considère que, dans certaines circonstances, il pourrait s’agir d’un maintien artificiel de la vie. Il paraît évident que ces aspects si particuliers du respect du droit des personnes malades justifieraient une approche qui ne relève pas d’un dispositif de fin de vie. Cela d’autant plus que les proches des personnes en situation d’EVC ou d’EPR en parlent comme s’agissant de grands blessés. Ils portent sur eux un regard et leur témoignent une prévenance de chaque instant, attentifs au moindre signe de présence. Ces « grandes fragilités » se croisent, se partagent et se surmontent dans l’acte de soin vécu auprès de la personne comme un acte de vie, l’expression d’une résistance qui engage des valeurs si essentielles qu’y renoncer compromettrait une certaine idée que l’on se fait de la dignité humaine.
S’impose donc une pensée politique de réalités humaines qui défient nos représentations de la vie, de l’existence humaine, de nos responsabilités individuelles et sociales à l’égard de personnes qui éprouvent autrement un parcours de vie dont il me semble a priori irrecevable de discuter la légitimité. L’exigence de liberté pourrait relever du souci de démédicaliser notre approche de ces existences ainsi fragilisées et de tout mettre en œuvre pour leur conférer une part de sociabilité. Une telle visée impose d’emblée une réflexion relative aux conditions d’accueil et de suivi de ces personnes, à leur environnement personnel et familial, aux soutiens apportés à leurs proches et aux professionnels intervenant auprès d’eux. Les controverses actuelles ne sauraient dénaturer ces responsabilités qui nous incombent, sans pour autant renoncer à affronter, dans le cadre d’une concertation digne, les dilemmes provoqués par une existence qui se poursuivrait sans qu’on ne parvienne plus à être assuré de la signification qu’elle aurait pour la personne. À cet égard la réflexion à la fois politique et éthique doit être approfondie, sans quoi s’accentuera le risque d’être tenté de plaquer d’inacceptables réponses sur des questions, certes redoutables, mais que l’on ne peut pas pour autant négliger. Soucieux des libertés individuelles, le Conseil d’État déploie pour servir la cause supérieure de M. Vincent Lambert un dispositif minutieux. On sait d’évidence qu’il n’est certainement pas appliqué avec tant de rigueur lorsque, de manière quotidienne et trop souvent routinière, se prennent certaines décisions collégiales cruciales. Il importerait que les sociétés savantes concernées accordent une grande attention à cette intervention éclairée du Conseil d’État dans une sphère trop souvent confinée dans des logiques ou des certitudes médico-scientifiques. On est bien loin des caricatures d’une intrusion des « robes noires » dans l’espace où interviennent les « blouses blanches » dès lors que prime l’intérêt supérieur d’une personne vulnérable à protéger dans son intégrité, voire dans son droit à la vie.

Dans la sagesse et la justesse des décisions qu’ils ont adoptées pour protéger les droits de M. Vincent Lambert, les membres de la section du contentieux du Conseil d’État nous éveillent à un sens de la retenue et de la responsabilité qui devrait s’imposer à nous en situation d’incertitude et d’exposition à des défis qui engagent nos valeurs.
Nous devons donc à M. Vincent Lambert comme à ses proches, mais également aux autres personnes dans une situation qui le justifierait, une approche singulière, pondérée, soucieuse dans le respect et la discrétion, de leurs droits fondamentaux. Ces personnes ne sauraient être réduites de manière indifférenciée à des catégories, ou devenir l’otage de causes qui les instrumentalisent dans un combat qui dénature une fois encore les véritables enjeux.
Lorsque, dans quelques mois, les expertises médicales permettront de produire de manière incontestable les conclusions indispensables à une décision médicale fondée pour M. Vincent Lambert, encore conviendra-t-il d’être assuré qu’une même rigueur s’imposera désormais dans tout processus décisionnel collégial. Car la décision que rendra alors le Conseil d’État concernera une personne en particulier et ne saurait donc faire jurisprudence. Mais ses modalités de mise en œuvre et le souci accordé à la sollicitation des compétences les plus légitimes dans l’arbitrage devront viser une même exigence. Il y va de leur recevabilité d’un point de vue démocratique.

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Vincent Lambert : reconnaître d’autres droits de la personne malade http://plusdignelavie.com/?p=2742 http://plusdignelavie.com/?p=2742#comments Thu, 20 Feb 2014 01:00:22 +0000 http://plusdignelavie.com/?p=2742 Emmanuel Hirsch Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud Des soins prolongés

« La personne malade a droit au respect de sa dignité. » La référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui énonce ce principe pourrait s’imposer dans . . . → Read More: Vincent Lambert : reconnaître d’autres droits de la personne malade]]> Emmanuel Hirsch
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Des soins prolongés

« La personne malade a droit au respect de sa dignité. » La référence à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui énonce ce principe pourrait s’imposer dans le contexte des controverses suscitées par la situation de Vincent Lambert. Cette même loi précise : « Les professionnels mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. » Du reste, deux mois après son vote, une circulaire du ministère chargé de la santé était consacrée le 3 mai 2002 « à la création d’unités de soins dédiées aux personnes en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel ». Le concept de « soins prolongés » y est évoqué en tenant compte de ses spécificités : « ils s’adressent à des personnes « atteintes de maladies chroniques invalidantes avec risque de défaillance des fonctions vitales, nécessitant une surveillance médicale constante et des soins continus à caractère technique ». On le voit donc, l’approche des modalités d’accueil et de suivi des personnes cérébro-lésées n’est à aucun moment conditionnée par une réflexion portant sur la fin de leur vie, même s’il convient d’anticiper de manière concertée les phases d’évolutions. Il peut même apparaître surprenant que le cadre d’existence actuel de Vincent Lambert soit une unité de soins palliatifs et non une structure dédiée. Des professionnels compétents ont su développer une expertise indispensable dans un contexte douloureux, complexe et incertain qui sollicite une qualité d’attention et de retenue tant à l’égard de la personne en état de conscience minimale que de ses proches.
L’existence de ces personnes se poursuit sans le recours aux moyens qui « apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » que réprouve la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Et, si elle s’imposait selon des critères médicaux probants, la décision relative à une limitation ou à un arrêt des traitements encadrée par la « loi Leonetti » serait intervenue dans la phase intensive de réanimation. À cet égard se pose la question du pronostic, lorsqu’à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme crânien les séquelles sont susceptibles de compromettre la qualité de vie de la personne et ses facultés relationnelles. Il serait intéressant d’évaluer à cet égard dans les pratiques les conséquences d’évolutions tant législatives que du point de vue de l’imagerie fonctionnelle. Tout semble indiquer que les décisions s’envisageraient désormais en amont, « dans les premières heures », ne serait-ce qu’avec le souci d’éviter l’engrenage de situations estimées insupportables. Le doute est-il alors favorable à la survie de la personne alors qu’elle aura rarement anticipé une réalité aussi catastrophique et qu’il est humainement impossible de se la représenter ? Les proches sont-ils à même d’exprimer un point de vue fondé, alors que l’impact d’un tel désastre que rien ne permettait de présager bouleverse leurs repères et les soumet à des dilemmes sans véritable issue satisfaisante ? Serait-il possible de définir un seuil temporel au-delà duquel la situation serait considérée irrévocable, s’agissant par exemple de traumatisme crâniens dont l’évolutivité est incertaine ? Dans ce cas c’est en termes de mois, voire d’années que le processus décisionnel s’élabore, et aucune législation actuelle n’intègre la situation d’une personne stabilisée dans un état de conscience minimale dont la poursuite des soins apparaitrait à un moment donné injustifiée.

 

Une exigence de prudence

Dans ce contexte extrême, éprouvé dans sa violence, son injustice, l’arbitrage de la décision ne saurait relever de la seule procédure médicale formellement recevable. D’autres enjeux conditionnent la recevabilité d’une décision qui doit tenir compte de la pluralité des points de vue et surtout de l’intérêt direct la personne concernée. Lorsque la discussion porte sur l’irréversibilité d’un traumatisme, sur les facultés, même limitées, d’évolution dans le temps, quels principes ou quelles valeurs faire prévaloir alors que rien n’indique ce que serait la préférence de la personne ? Peut-on se satisfaire de l’interprétation hasardeuse de postures, de crispations qui inclineraient à y voir l’expression d’un refus ou au contraire d’une volonté de vivre ? Au nom de quelle autorité et selon quels critères assumer le choix de renoncer ou au contraire celui de poursuivre ? La position des proches doit-elle s’avérer déterminante alors que l’on sait l’impact des circonstances sur leur vie au quotidien ? Les compétences médicales elles-mêmes n’auraient-elles pas parfois leurs limites dans la capacité de discernement lorsque le soin d’une personne relève de considérations humaines et sociales autres que strictement techniques, et plus encore lorsque certains aspects de ce qui apparaît de l’ordre de la survie semblent échapper aux tentatives d’évaluations strictement scientifiques ? Le débat portant sur les caractéristiques mêmes d’un état pauci-relationnel en disent long des incertitudes qu’il importe de ne pas négliger en préservant une exigence de prudence.
Un projet de loi relatif à la fin de vie nous est annoncé dans les prochains mois. Il devrait concerner les conditions d’assistance médicalisée en fin de vie, et déjà certaines discussions de qualité portent sur des directives anticipées qui pourraient être opposables, sur le suicide médicalement assisté et sur la sédation terminale. Il y a quelques jours encore, le président de la République a rappelé son attachement à l’encadrement strict des évolutions qu’il souhaite. Les valeurs de solidarité et de compassion sont sollicitées, ainsi que l’importance de situer de tels enjeux au plan de la responsabilité politique. Après s’être laïcisée, puis médicalisée, notre approche de la mort s’est politisée. Demain l’enjeu sera de la resocialiser et de tenter de reconstituer l’expression d’une sollicitude témoignée à la personne malade et à ses proches jusqu’au terme de son existence qui ne se limiterait pas à définir les seules conditions de sa mort.
Pour autant, a priori cette évolution législative ne paraît pas relever de circonstances liées à la maladie chronique, aux maladies neurologiques dégénératives, à certaines formes de handicaps qui ne sont pas assimilables d’emblée à la fin de vie. À commettre cet amalgame, nous serions conduits à condamner à la mort certaines formes de vie qui, pour inhabituelles et endommagées qu’elles soient, continuent de solliciter notre attention. Afin d’éviter toute interprétation hasardeuse ou ces dérives observées dans les quelques pays qui ont dépénalisé l’euthanasie, les instances sollicitées par François Hollande pour éclairer sa décision estiment que la difficulté sera précisément de caractériser ce qui justifierait spécifiquement une extension des indications de la loi relative à la fin de vie. Des notions comme celle de « sédation euthanasique » ou d’« exception d’euthanasie » sont avancées, notamment pour tenter d’apporter une réponse compassionnelle aux situations les plus délicates. A propos de la décision collégiale arbitrée dans les conditions que l’on sait par l’équipe de l’unité de soins palliatifs où est hospitalisé Vincent Lambert, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation est interprétée comme une « euthanasie passive ». Outre l’importance qu’il y aurait à clarifier les concepts afin de nous prémunir d’interprétations préjudiciables à l’intérêt direct de la personne malade, ne serait-il pas opportun de consacrer une véritable réflexion aux situations inhérentes à la chronicité de certaines maladies, aux conséquences des maladies évolutives ou aux handicap sévères qui limitent ou abolissent les facultés cognitives, voire la vie relationnelle de la personne ? Il n’est pas sage d’appréhender ces réalités humaines sous le seul prisme des conditions du terme de l’existence.

 

Une révision de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades

Lorsque la personne n’est pas ou plus en capacité de consentir, son assentiment peut-il encore être sollicité, ainsi que le préconise l’Association Médicale Mondiale dans la version de la déclaration d’Helsinki revue en octobre 2013 ? Comment apprécier, de manière rétrospective, quelles étaient les préférences d’une personne incapable de communiquer afin d’en tenir compte dans une prise de décision médicale ? Ne devrions-nous pas repenser notre approche d’obligations qui, pour s’avérer plus fortes à l’égard de la personne du fait même de son extrême vulnérabilité, engagent en toutes circonstances à ne se préoccuper que de son intérêt propre et à y consacrer les dispositifs adaptés ?
En fait, une voie jusqu’à présent inexplorée me semble s’imposer désormais dans la concertation nationale sur la fin de vie et, au-delà, s’agissant des personnes dans l’incapacité de consentir ou de refuser un traitement. Ne serait-il pas cohérent d’intégrer les évolutions législatives annoncées portant sur la fin de vie, à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé révisée, tout en accordant un soin particulier à la prise en compte des réalités complexes de la maladie chronique, des maladies neurologiques évolutives et des handicaps complexes ? D’autres droits doivent donc être reconnus à la personne malade : susceptibles de répondre avec humanité et compétence à des attentes jusqu’alors négligées ou dévoyées. De telle sorte que le « parcours de vie » dans le « parcours de soin » évoqué avec tant de justesse dans la Stratégie nationale de santé puisse relever de l’engagement effectif d’« assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort » ?
La dignité du soin tient essentiellement aux conditions qui favorisent une relation de confiance. Cela engage à tenir compte de valeurs d’humanité qui ajoutent à la complexité d’arbitrages redoutables, notamment dans le contexte d’incertitudes, d’ambivalences et d’approximations évoquées publiquement dans l’accompagnement de décisions qui touchent à l’existence de Vincent Lambert. C’est pourquoi, peut-être, la justice garante des droits de la personne a par deux fois affirmé une position contradictoire à celle arbitrée par des médecins du CHU de Reims. Plutôt que de déplorer ces jugements ou de dénoncer « une mauvaise loi » qu’il conviendrait d’adapter y compris aux circonstances ne relevant pas de la fin de vie, ne convient-il pas d’approfondir notre réflexion et de mieux comprendre nos responsabilités dans les circonstances qui nous interpellent aujourd’hui ?

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