Le handicapé révolté

Philippe Être
Photographe retraité

Ma grand mère disait « c’est une drôle de chose que la vie ». En effet, si je prends comme exemple l’affaire Vincent Humbert, ce jeune pompier qui était en pleine forme et qui en une seconde est passé à l’état de handicapé profond.

D’ailleurs pourquoi vit-on ? Et s’il y a un créateur, que fait-il d’ailleurs?
Il y a un prêtre qui m’a dit : « Si vous ne priez pas, Dieu va vous punir. » Merci, c’est déjà fait ! Mais je crois qu’il n’y a aucune réponse à ce jour.
Comme dirait l’autre, j’attends de voir…

Pour moi ma vie reste un mystère. Né en 1941 pendant la guerre, enfant prématuré je ne devais pas vivre et étais classé comme incurable par l’hospice de Bicêtre…
Dans mon enfance et après avoir suivi une scolarité assez difficile, j’ai fait un apprentissage de quatre ans au studio STA photo comme apprenti photographe. Cinq ans après j’ai obtenu mon brevet de maîtrise de photographie avec mention bien et une médaille qui doit rouiller tranquillement dans un tiroir.
Ceci m’a donné la possibilité d’être photographe au CHU Bicêtre pendant trente-sept ans, dans le même bâtiment où j’avais entendu que j’étais incurable !
En bref, un éducateur m’avait dit : « Tu as du harceler du monde pour en arriver à une situation extraordinaire… »
J’ai fait partie du jury du CAP photo pendant dix-huit ans. Aujourd’hui je considère l’Assistance Publique comme ma mère adoptive, même si tout n’est pas parfait.

Il est parfois difficile de tenir debout avec les difficultés de la vie, avec parfois certaines réflexions ou des actes surprenants qui finalement vous énervent. Si on y réfléchit on en rigole bien, sinon on risque de le prendre très mal.
Il me reste toujours des souvenirs. L’événement le plus marquant c’est un médecin traitant dans le privé qui me connaissait et m’a dit : « vous êtes un malade mental. » Je lui ai répondu « sans blagues, qui vous a donné votre diplôme ? » Pour toute réponse il m’a frappe de quatre coups de poing sur le visage… A peu près à la même époque, j’ai eu l’occasion de photographier des rats qu’un médecin tuait en les fracassant contre les murs. Il y a douze ans environ.

Le handicap fait peur et j’en ai eu la preuve. Voici quelques remarques qui m’amusent après réflexion. Souvent on me prend pour un grand alcoolique. Avec mon déséquilibre plus mon défaut d’élocution, mon compte est bon…

Un jour, je quitte mon travail et prends le bus pour rentrer chez moi. Une brave dame qui se croyait supérieure à tout le monde me dit : « vous ne tenez même pas debout, vous êtes malade… » Elle insistait tellement que j’ai répondu : «  je viens de m’échapper de l’hôpital de Bicêtre et je suis recherché… » En effet je venais de quitter mon laboratoire photo !

Anne Frank n’affirmait-elle pas dans son Journal : « L’homme reste bon » ?

 

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