Le suicide assisté emprunté à la Suisse est-il transposable à la France ?

Note du Groupe de travail « Éthique, droit et santé »

 

Parmi les idées avancées ici et là pour légaliser le suicide assisté on entend parfois qu’il serait bon de s’inspirer de la législation suisse.

En Suisse entre le médecin prescripteur et le suicidant une association militant pour le suicide assisté s’interpose pour donner le médicament qui tuera le suicidant.

 

Le suicide assisté suisse est toléré lorsqu’il est pratiqué pour des motifs non égoïstes. Il est né dans un contexte historique très particulier. Il a été conçu en effet au début du XXème siècle pour permettre à un soldat d’empêcher que son coreligionnaire, s’il venait à tomber dans les mains de l’ennemi, ne livre des informations. Si cette situation se présentait il convenait de l’aider à se suicider en lui tendant une arme. On est bien loin des malades en fin de vie.

 

Peut-on transposer à la France cette règle du suicide assisté pour des motifs non égoïstes, consacrée par l’article 115 du code pénal suisse ? Deux obstacles juridiques ne permettent pas de l’envisager. Le premier est qu’à la différence de la Suisse, la France incrimine la provocation au suicide et l’on voit mal où se situe la différence entre le suicide assisté et l’incitation au suicide, incriminée par l’article 223-13 de notre code pénal depuis la publication du livre Suicide mode d’emploi ? De son côté l’article 223-15-2 de notre code pénal, qui sanctionne l’exploitation de l’abus de faiblesse punit les personnes morales qui se sont livrées à de tels actes. Cette disposition empêche donc l’intrusion d’associations militantes qui pousseraient leurs adhérents au suicide.

 

En dehors de ces questions juridiques qui opposent paradoxalement la tolérance suisse à la précision française, on ne saurait oublier non plus que si en Suisse depuis 2003 le nombre de suicides est à peu près constant, le nombre de suicides assistés augmente régulièrement. En 2009 on comptait un suicide assisté pour 4 suicides et entre 2003 et 2009 il y a eu plus de suicides assistés que de suicides chez les personnes de plus de 85 ans. Or la France vient de lancer un plan d’action contre le suicide des personnes âgées. Cette politique est-elle compatible avec une éventuelle légalisation du suicide assisté, à supposer ces obstacles juridiques surmontés ?

 

1 comment to Le suicide assisté emprunté à la Suisse est-il transposable à la France ?

  • La question posée à la fin du texte a déjà sa réponse : en Belgique et aux Pays-Bas, la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, sous des conditions strictes, a fait baisser le nombre des suicides chez les personnes âgées en fin de vie ! Il semble donc que le fait de savoir qu’on peut mourir quand on le décide rend plus serein, donc permet de supporter les misères de la vieillesse ou de la maladie plus longtemps, voire jusqu’au bout.
    Il est donc malhonnête d’agiter le spectre d’une augmentation des suicides de personnes âgées pour combattre la légalisation du suicide assisté.
    Quant aux arguments juridiques, le texte est mal informé : lors de sa déposition devant la commission Leonetti en 2008, Jean-Marie Huet, directeur de l’application des peines au Ministère de la Justice, précisait que la distinction entre assistance au suicide et incitation au suicide était parfaitement claire et s’imposait aux juges. L’article 223-13 n’a jamais servi à condamner des médecins qui auraient simplement (comme c’est le cas en Suisse) fourni les moyens d’abréger sa vie sans faire de propagande ou de publicité (cf le cas du professeur Schwartzenberg)
    Quant à l’article 223-15-2, l’abus de faiblesse ne s’applique qu’aux mineurs ou aux personnes âgées en état de dépression ou de démence. Ici encore, les associations suisses demandent généralement un examen psychologique pour détecter les cas de dépression.
    Contrairement à ce que dit le texte, l’expérience suisse est donc parfaitement applicable en France, sans même avoir besoin de modifier la législation. D’ailleurs, une association française existe depuis peu pour faire en France ce que Exit fait en Suisse, et elle n’a jusqu’ici pas fait l’objet de poursuites pénales.