Euthanasie – Une campagne qui fait enfin tomber les masques

 

Emmanuel Hirsch

Président du Collectif Plus digne la vie

Les promoteurs de la légalisation de l’euthanasie viennent de rejoindre tous ceux qui, ayant souvent un intérêt à défendre,  ont décidé de s’inviter dans la campagne électorale.

Portée par une évidente volonté de choquer l’opinion, cette démarche aboutit à la diffusion d’une série de visuels publicitaires mettant en scène les candidats opposés à leurs revendications. Vieillis, usés, mourants et allongés sur ce qu’il est bien convenu d’appeler leur lit de mort, ils sont interpellés en quelques mots porteurs d’une extrême violence « Monsieur (ou madame) le candidat, doit-on vous mettre dans cette position pour faire évoluer votre position sur l’euthanasie ? ». On pourra toujours juger du bon goût d’une telle approche, mais après tout la publicité emprunte parfois d’étonnants chemins pour appâter le chaland. Plus symptomatique en revanche, l’univers graphique et visuel volontairement dramatiques témoignent de la part de l’émetteur d’une méconnaissance profonde de la réalité que des milliers de patients, de proches et de soignants vivent au quotidien : lourdement appareillés, les candidats apparaissent systématiquement isolés et plongés dans une extrême détresse que rien ne semble pouvoir éteindre… Ils n’ont ni famille, ni soutien. Ils sont déjà dans l’autre camp.

Outre cette représentation de la fin de vie qui semble tout droit sortie d’une série télévisée à succès, on ne sait ce qui du sentiment d’impudeur ou de dégout domine pour susciter un tel malaise devant ces images livrées à l’opinion publique.

Peut-être finalement, cette campagne tire-t-elle son étrangeté dans ce qu’elle ne nous montre qu’insidieusement, à bas bruit : résumer la fin de vie à une forme de non-choix. Le masque tombe et les tenants d’une fin de vie qu’ils envisagent comme digne nous regardent droit dans les yeux pour nous marteler que la seule solution qui vaille, au fond, ce n’est pas de continuer à participer à la communauté humaine, mais bien de s’en exclure. Sous couvert de liberté, l’alternative devient la norme. Vieillir en quelque sorte n’est plus un droit, mais un devoir, celui d’en finir.

Nos pauvres candidats sont ainsi placés dans un tel état que la seule issue pour eux, c’est de choisir l’euthanasie, et cela au mépris de toute forme de relations humaines que la plupart des patients dans cette situation appellent de leur vœux : de l’attention, de l’écoute, de la fraternité de la part du monde qui les environne. Ils ne sont pas ces individus isolés que l’on veut bien nous représenter, mais les indispensables maillons d’une société plus grande qu’eux, une société portée par des valeurs démocratiques qui  leur donne toute leur place.

Vouloir réduire la fin de vie à la solitude d’un corps souffrant, c’est signifier l’échec de tout ce à quoi nous sommes, en tant que républicains, résolument attachés. C’est un message réducteur, d’autant plus nocif qu’il est asséné avec l’argument massue du bon sens. Il constitue une énième variation du proverbe populaire qui veut que « c’est au pied du mur qu’on voit le maçon » et qui tendrait à démontrer que l’expérience  personnelle est le préalable à toute décision.

La décision politique, parce qu’elle implique des millions de Français ne saurait s’inscrire dans le seul champ du singulier. Elle est avant tout universelle, sans jamais céder sur les principes–mêmes qui la fondent. En d’autres temps, les promoteurs de la peine de mort auraient pu avantageusement détourner cette campagne en interpellant à leur tour des candidats dont on aurait vu l’enfant ou le conjoint froidement assassiné, lui demandant instamment de réfléchir à sa position.

Au moment où des échéances importantes se présentent, la courte vue ne saurait faire office de réflexion. La fin de vie est un sujet suffisamment grave pour que le populisme ne s’invite pas dans le débat, sauf à courir le risque d’ouvrir une boîte de pandore que certains de nos voisins plus avancés sur la voie de l’euthanasie peinent désormais à refermer.

 

Signer le Manifeste citoyen pour la dignité de la personne en fin de vie.

 

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