Équipes mobiles d’euthanasie : provoquer la mort des patients n’est pas un moyen médical

Sylvain Pourchet

Médecin, responsable de l’unité de soins palliatifs, Hôpital Paul Brousse, AP-HP

 

La nouvelle de la création aux Pays-Bas d’équipes mobiles d’euthanasie par l’Association néerlandaise pour une fin de vie volontaire (NVVE), avec l’accord du gouvernement, apporte un éclairage nouveau et réconfortant sur un sujet méritant toute notre attention.

Voilà une expérimentation sociale de l’euthanasie, à l’échelle d’une nation européenne, qui vient confirmer à quel point cette pratique se situe hors du champ de la médecine. En effet, si les médecins néerlandais affichent une opinion favorable à l’euthanasie, une minorité la pratique en réalité. C’est ce fait avéré que cherche à contourner le projet associatif de NVVE. Provoquer la mort des patients n’est pas un moyen médical : la médecine a la possibilité d’offrir aux grands malades et à leurs proches bien d’autres réponses efficaces et bien d’autres formes de sollicitude.

Autrement, pour qui reconnait l’euthanasie comme une option souhaitable, le projet de NNVE apporte une véritable innovation, à la fois dans la réflexion et dans la pratique.

La Société royale de médecine (KNMG), qui émet des réserves sur ces euthanasies pratiquées par des équipes qui ne connaissent pas les patients, néglige le fait qu’à l’évidence, mieux les patients sont connus des équipes soignantes et moins les médecins pratiquent d’euthanasies. Un « obstacle » à l’accès à l’euthanasie identifié par NNVE qui dès lors, poursuivant sa logique, a souhaité se constituer maître d’œuvre. L’association prévoit une activité de 1000 euthanasies par an (soit 1/3 des euthanasies réalisées annuellement au Pays-Bas) ce qui représente environ1 euthanasie/jour ouvré et par équipe mobile.

 

Démédicalisation de l’euthanasie

Certes, pour rester dans le cadre de la législation actuelle, lesdites équipes mobiles sont encore constituées de soignants mais qui ne lira pas dans cette organisation un prise d’autonomie par rapport à la médecine : une démédicalisation de l’euthanasie.

Reconnaissons qu’il parait de plus en plus difficile de justifier dix années d’études pour parvenir à la dispensation d’un poison efficace. La médecine enseigne précisément l’inverse. Sa science cherche systématiquement la réduction des toxicités.

Quand à la notion essentielle du contrôle de la légitimité de la demande d’euthanasie, de l’absence de conflit d’intérêt, de bénéfice financier à la mort de la personne… : qui affirmerait que les études de médecines préparent à de telles compétences ou même qu’il y a là matière médicale ?

 

Ainsi levé le déguisement médical d’une certaine bonne conscience collective, les questions posées sont bien celles de l’articulation d’une responsabilité individuelle et collective dans l’organisation de l’administration du don de la mort. Ces questions se posent bien au-delà de la médecine, aux citoyens que nous sommes.

On en vient à regretter que l’homologue français de NNVE, lasse de ses 30 années d’échec à proposer une réflexion pertinente, poursuivant son entêtement revanchard contre un pouvoir médical fantasmé, en soit réduite à une campagne non seulement stérile au débat et également d’une violence inacceptable (qui peut admettre que soient publiquement formulés des vœux de mort ?).

 

Loin de cette confiscation regrettable, l’exemple néerlandais confirme tout l’intérêt qu’il y a à construire véritablement le débat au niveau qu’il mérite. Puisse-t-il éviter à notre pays des années d’expérimentations vaines.

Je le souhaite pour la médecine, pour tous les patients qui veulent continuer de vivre en bénéficiant d’un soin au-dessus de tout soupçon et pour les personnes qui, en leur fort intérieur, pensent vouloir mourir.

 

Laisser un commentaire