Campagne publicitaire pour l’euthanasie – Un message qui peut inquiéter tout démocrate

Signer le Manifeste citoyen pour la dignité de la personne en fin de vie.

Emmanuel Hirsch

Président du Collectif Plus digne la vie

 

Dans son remarquable article « Vous avez dit “violence” », Anne Sinclair se demandait lundi dernier : « Où est enfin le débat sur notre mode de vie, sur le modèle qu’on veut laisser à nos enfants, bref sur la France telle qu’elle devrait être dans quelques décennies ? »

L’Association pour le droit de mourir dans la dignité lui apporte sa réponse, avec sa méthode, ses logiques et ses extrêmes, à travers la campagne promotionnelle qu’elle lance aujourd’hui. Trois candidats à l’élection présidentielle ayant exprimé leur réticence à l’égard d’une légalisation de l’euthanasie, sont représentés dans un lit médicalisé, en situation de fin de vie. L’accroche a pour objet d’interpeller et surtout de provoquer le scandale : « M. Le candidat, doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur l’euthanasie ? » Chacun interprétera ce propos pour le moins ambivalent, et les ressorts dont procède cette forme de scénarisation d’une mise à mort publique d’opposants politiques ainsi condamnés du fait des valeurs qu’ils incarnent.

Il apparaît évident que la stratégie mise en œuvre pour susciter une polémique relayée sans autre forme par des médias avides d’un tel sensationnalisme n’a que peu à voir avec la réalité d’un débat démocratique qui concerne les droits de la personnes malades en fin de vie. D’une certaine manière, les masques tombent, révélant une idéologie soucieuse avant toute autre considération d’imposer, quelqu’en soient les moyens, un système réfractaire à la moindre convenance, hostile aux principes de dignité et de respect qui inspirent notre conception du vivre ensemble.

 

Des conceptions détournées de la liberté et de la dignité

Exposées ainsi à la vindicte publique, ces trois personnalités politiques sont stigmatisés et comme menacées par une formule qui choque — « doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur l’euthanasie ? »  — au motif de concevoir autrement les responsabilités qui s’imposent auprès d’une personne vulnérable au terme de son existence. Dans un domaine d’une complexité extrême, qui concerne chacun de manière intime et engage de manière évidente les valeurs essentielles d’une société, certains poussent l’impudeur et l’indécence au point d’y sacrifier leur respectabilité.

Ces derniers temps, des prises de positions de campagne, ambiguës, approximatives, voire quelque peu démagogiques ont peu servi une réflexion nécessaire et apaisée afin que s’améliorent encore les dispositifs mis en œuvre notamment dans le cadre de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.  Sur le terrain du soin, au plus près des réalités humaines et sociales de la maladie chronique et des handicaps, les controverses portant de manière récurrente et exclusive sur l’euthanasie, sont éprouvées comme des insultes à l’égard de ceux qui investissent chacun de leurs instants pour vivre et être reconnus dans cette revendication. Leur conception de la dignité et de la liberté de l’homme ne saurait être manipulée et détournée afin de servir une cause intellectuelle, un combat idéologique qui à aucun moment ne témoigne la moindre attention à ceux qui aspirent à la sollicitude et à une véritable reconnaissance de leur citoyenneté.

Nous aurions tort de considérer seulement comme un « coup publicitaire » la nouvelle stratégie conçue par l’association pour le droit de mourir dans la dignité [...] Elle suscite de toute évidence des relents de violence qui n’ont plus rien à voir avec le débat démocratique, et sollicitent nos perceptions et nos mémoires dans des registres que l’on pensait révoqués.

 

Sous la menace

Dans le passé, certains se sont indignés des campagnes publicitaires tapageuses, dissimulant sous les prétextes de débats de société indispensables les stratégies commerciales d’un fabricant italien. La relève est assurée, sans susciter le moindre émoi, cette fois encore au nom de la dignité, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, si l’on reprend les différents concepts développés par les partisans de la « mort médicalement assistée ». Démunis d’arguments véritablement recevables et opposés à des avancées constructives, élaborées dans la concertation et avec comme ultime souci le bien commun, certains se sont désormais arrogés une position d’autorité qu’ils tentent d’imposer à nos politiques sous la menace. On nous annonce la liste noire des candidats aux élections législatives qui refuseraient de se soumettre. Alors que les politiques les plus avisés, y compris parmi ceux qui ont cédé au chantage et concèdent des signes d’allégeance pour éviter les représailles,  évoquent l’opportunité d’un débat national comme ce fut le cas avec les états généraux de la bioéthique, le Sénat semble vouloir précipiter le mouvement.  Des auditions ont débuté ces derniers jours dans la perspective probable d’un vote expéditif de la proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour mourir présentée le 31 janvier 2012 par le groupe socialiste et les apparentés.

Cette présentation mortifère de personnalités politiques au cœur de la campagne des présidentielles porte un message qui peut inquiéter tout démocrate.

Les personnes engagées jour et nuit dans la sollicitude et la fraternité d’une présence sans condition, profondément respectueuse de la liberté de l’autre en fin de vie, ne se reconnaissent pas dans une société tolérante ou plutôt indifférente aux excès d’invectives et de sentences publiques qui bafouent ce qui nous est le plus précieux : une certaine idée de la dignité humaine. Quelle respectabilité accorder aux propagandistes de doctrines qui sacrifient les moyens à une fin bien équivoque, tout en affirmant avec un aplomb surprenant qu’ils encadreront les pratiques légalisées de l’euthanasie de règles de minutie qui prémuniront les plus vulnérables de la moindre dérive ? Quelle crédibilité accorder aux personnalités promptes  à se scandaliser de la moindre invective à leur encontre, mais pourtant inconséquentes lorsque les excès injurient l’existence même de personnes parmi nous ?

Nous aurions tort de considérer seulement comme un « coup publicitaire » la nouvelle stratégie conçue par l’association pour le droit de mourir dans la dignité qui annonce un grand rassemblement politique samedi 24 mars à Paris. Elle suscite de toute évidence des relents de violence qui n’ont plus rien à voir avec le débat démocratique, et sollicitent nos perceptions et nos mémoires dans des registres que l’on pensait révoqués.

Cette présentation mortifère de personnalités politiques au cœur de la campagne des présidentielles porte un message qui peut inquiéter tout démocrate. Elle permet de mieux cerner les motivations des manipulateurs d’opinions qui dissimuleront désormais difficilement leurs véritables objectifs. La dignité et les droits de la personne en fin de vie méritent mieux. Notre démocratie également.

 

1 comment to Campagne publicitaire pour l’euthanasie – Un message qui peut inquiéter tout démocrate

  • Normand

    « Monsieur le candidat, doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur l’euthanasie ? »

    si l’admd appelle ça un consentement libre, nous voilà informés!

    comment a-t-on pu laisser s’installer de telles associations dans nos hôpitaux? pour informer sur « les droits des usagés » à la dignité de mourir?
    On est très loin des droits des patients , et des enjeux de la réalité de fin de vie, mais très prés d’une mise en bouc émissaire des personnes vulnérables dans une arène politique .
    devant de telles propagandes humiliantes pour les personnes malades ou en fin de vie, il vaut mieux être prudent et bien choisir La personne de confiance qui sera à notre chevet ou viendra nous rendre visite en EHPAD ou à domicile.
    faudra-t-il faire comme les animaux, se cacher pour mourir, pour éviter les prédateurs?
    c’est ça la modernité?
    c’est ça la fin des fins pour l’admd, être dans un lit avec une sonde à oxygene dans le nez?
    C’est comme cette image dans le film de Mme humbert où l’on voit ce jeune sur son fauteuil roulant électrique entrer dans un camion et le subjectif du regard de Mme
    humbert comédienne dire  » je ne veux pas ça pour mon fils ».
    C’est cela la fin des fins???
    c’est ça qu’ils appellent la fin de vie??
    Tout cela est bien caractéristique de ce qui distingue une image d’un regard sur la réalité.
    Je souhaite que nos politiques et leurs électeurs ( c’est à dire nous) sauront capter la différence entre une caricature bouffonesque de la fin de vie et la réalité vécue bouleversante de toutes les personnes arrivant au terme de leur vie , accompagnés par ceux qui restent aptes à les accueillir dans leur réalité , que ce soient des proches, des professionnels de santé ou quiconque se sentirait concerné.
    quand on aura fini de colporter des images certes efficaces, mais réductrices de situations complexes et délicates, qui n’engendrent que confusions entre des extrêmes, entre acharnement thérapeutique et euthanasie, peut-être qu’un juste regard serait de ne pas s’attacher aux apparences mais d’employer son énergie à faire avancer la manière d’approcher la fin de vie avec toute la délicatesse nécessaire qui récuse toutes ces manifestations de violence qui mettent les personnes les plus vulnérables entre deux feux, pris en otage d’un débat qui n’est pas le leur.
    Le leur est un combat pour finir sa vie décemment, dans la bienveillance et l’apaisement que leur confère leur dignité.

    Un regard lucide ne s’arrête pas à l’image mais au sens qu’il génère, au message qu’il délivre aux générations futures.

    il faut protéger notre système de santé de ces pulsions de mort qui n’hésitent pas à menacer les gens dans leur plus grande intimité en véhiculant la honte au lieu du respect et de la solidarité.
    Évacuer de nos hôpitaux ce qui représente un danger potentiel pour la sécurité de nos patients, de nos proches et de nous-mêmes, serait la plus grande décision démocratique que pourraient prendre nos politiques.
    Il est insupportable lorsque l’on vit une maladie incurable de trouver au sortir d’une consultation , sur le pare-brise de notre voiture des propagandes sectaires qui vont profité de la vulnérabilité des gens, de leur crédulité pour leur soutirer les derniers deniers de leur vie.

    Si la société et la justice ont un sens, c’est bien celui de protéger celui qui ne peut plus se défendre lui même.

    La décence voudrait que la fin de vie soit épargnée de ces affrontements qui n’ont plus lieu d’être et de laisser place à cette disponibilité, à ces compétences qui tous les jours œuvrent à porter la vie , à en remettre au monde le sens et à porter non pas des droits en étendard mais le souffle de vie, qui coule de source.

    V. Normand

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