François Hollande : «L’euthanasie, je n’y suis pas favorable»

Signer le Manifeste citoyen pour la dignité de la personne en fin de vie.

 

Emmanuel Hirsch

Président du Collectif Plus digne la vie

 

Marianne publie ce 17 février un entretien avec François Hollande : « Hollande réplique à Sarkozy sur les valeurs. »

Le candidat s’emploie à y clarifier sa proposition 21 déjà reprise de telle manière dans une proposition de loi du 31 janvier dernier relative à l’assistance médicalisée pour mourir.

Dans sa proposition 21, le candidat à la présidentielle s’engageait à proposer « que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Certains avaient déjà célébré à force voix et à force invectives à l’égard des positions réfractaires à une légalisation sans autre forme de l’euthanasie, cette avancée démocratique attendue de manière unanime par le peuple français.

Les personnes en situation de fragilité sollicitent de notre part une sollicitude active, concrète qui relève d’autres responsabilités et d’autres urgences que d’envahir la scène publique par une controverse idéologique portant sur les conditions de mise à mort d’une personne socialement et médicalement régulée.

Il est vrai qu’il s’agirait là de la conquête la plus significative en termes de dignité, d’émancipation et de droits des personnes malades ou non, dans un contexte sociopolitique confronté à toutes sortes de vulnérabilités qui marginalisent et meurtrissent ceux qui aspirent, avant toute autre considération, à vivre humainement leur vie en société ! Ils en appellent à une solidarité concrète au cours de leur vie et non à des expressions de compassions fatales dans leurs derniers jours.

C’est tout l’engagement profondément démocratique que soutient le Collectif Plus digne la vie. Les personnes en situation de fragilité sollicitent de notre part une sollicitude active, concrète qui relève d’autres responsabilités et d’autres urgences que d’envahir la scène publique par une controverse idéologique portant sur les conditions de mise à mort d’une personne socialement et médicalement régulée.

Dans nos précédents éditoriaux nous sollicitions des précisions de la part de François Hollande, ne serait-ce que parce que nous ne souhaitions en aucun cas que nos positions à l’égard de la proposition 21 soient considérées comme une forme d’expression d’un choix politique. La force du Collectif Plus digne la vie est précisément de rassembler au-delà des courants politiques, tenant compte de conceptions représentatives de la diversité des opinions dans notre pays. C’est pourquoi notre site présente les textes de référence, de véritables arguments, des analyses, des témoignages de terrain et s’emploie à mieux faire connaître les lois de la République qui concernent par exemple le droit des malades en fin de vie.

 

Une prudence qui rejoint nos préoccupations

Dans son entretien dans Marianne, François Hollande témoigne d’une attention à la complexité des circonstances et d’une prudence qui rejoint nos préoccupations : « L’euthanasie, je n’y suis pas favorable. Je suis pour le droit de mourir dans la dignité. Aujourd’hui, il y a de 10 000 à 15 000 lits pour les soins palliatifs, il en faudrait le double. À quel moment décider ou non d’arrêter les soins palliatifs, même si la souffrance, grâce à eux, est amoindrie ? Il faut avoir une expression de la personne, de la famille, des médecins qui doivent être consultés, et à ce moment-là, dans quelques très rares cas, il s’agit de faire un acte de compassion qui va soulager non la famille, mais la personne. » Mieux, il nous expose ce qu’est la philosophie de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, soucieuse d’apporter les réponses ajustées aux « très rares cas » qui justifient (dans le cadre d’une approche collégiale intégrant le choix de la personne malade et le sentiment de ses proches) la décision d’arrêt ou de limitation des traitements.

Il est important que deux candidats à la présidentielle adoptent une posture digne des valeurs de la démocratie dans un domaine aussi sensible. C’est courageux, d’autant plus lorsqu’une telle position contrecarre celle de sénateurs socialistes et apparentés exprimée dans la proposition de loi du 31 janvier dernier relative à l’assistance médicalisée pour mourir.

Ne pas abandonner […] et persévérer dans notre combat au service des valeurs pratiques de la démocratie.

François Hollande évoque le nombre restreint des lits de soins palliatifs (1913 lits en 2011, 105 unités de soins palliatifs). Il semble évident aujourd’hui que la culture des soins palliatifs se diffuse plus qu’on ne le dit dans les services hospitaliers ou dans les soins à domicile. À tel enseigne qu’en fait (et heureusement) très peu de circonstances extrêmes suscitent depuis quelques années les controverses que l’on connaissait avant le vote de la loi du 22 avril 2005. Le Collectif Plus digne la vie témoigne toutefois une grande attention aux situations qui justifient une meilleure pédagogie à l’intention des professionnels de santé. Depuis des mois il va à leur rencontre sur le terrain, constatant que dans les espaces du soin qui accueillent les personnes les plus affectées par une maladie ou un handicap, les réponses apportées sont bien souvent d’une qualité exceptionnelle. Cet engagement de soignants soucieux des valeurs de notre démocratie semble moins soucier les relais médiatiques que les quelques réalités exhibées avec la caution d’instances à prétention moralisatrice. Le Collectif Plus digne la vie a d’autre part rédigé le livret « Connaître la « loi Leonetti » et l’appliquer ». Il connaît un très vif succès, significatif d’une demande d’informations dans un contexte où les personnes aspirent à mieux que les simplificatrices doctrinales et idéologiques.

Nicolas Sarkozy affirmait le 11 févier une conception opposée à toute justification d’une nouvelle législation dans ce domaine : « L’euthanasie légalisée risquerait de nous entraîner vers des débordements dangereux et serait contraire à nos conceptions de la dignité de l’être humain. […] Pour le reste, laissons place au dialogue entre le malade, sa famille et le médecin. Cela s’appelle faire preuve de compréhension et d’humanité. On n’est pas obligé de légiférer sur tout et tout le temps. »

François Bayrou adopte une position très proche dans Le Généraliste du 17 février à propos de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie qui « constitue un équilibre qu’il faut préserver car elle évite deux écueils que je ne souhaite pas : d’un côté l’acharnement thérapeutique et de l’autre l’euthanasie qui porte un risque non négligeable de comportements contraire à nos valeurs. »

Que des personnalités politiques de cette stature partagent un point de vue, sur un sujet aussi déterminant que nos responsabilités citoyennes auprès de la personne en fin de vie et de ses proches, s’avère finalement rassurant et nous renforce dans la conviction que plus que jamais il ne faut pas abandonner un tel engagement et persévérer dans notre combat au service des valeurs pratiques de la démocratie.

 

Robert Badinter, une personnalité politique incarnant des valeurs d’humanité au-delà de toute option immédiatement partisane l’affirmait au cours de son audition en 2008 par la commission parlementaire qui établissait un premier bilan de la loi du 22 avril 2005 : « Le droit à la vie est le premier des droits de tout être humain — c’est le fondement contemporain de l’abolition de la peine de mort — et je ne saurais en aucune manière me départir de ce principe. Tout être humain a droit au respect de sa vie, y compris de la part de l’État, surtout en démocratie. »

 

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