Respecter la personne en fin de vie n’est pas dissociable des valeurs du soin

Anne-Claire de Crouy

Médecin chef de service de médecine physique et de réadaptation, CMPA, Neufmoutiers

 

Faut-il avoir peur de son médecin? Peut-être, si l’on écoute le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) au micro de Pascale Clark sur France Inter le 27 janvier 2012 (conseiller régional apparenté PS, Président de l’ADMD). Cette intervention fait suite à la proposition du programme du PS reprise par François Hollande de « permettre une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».

Il n’est pas question de participer à la joute oratoire plus ou moins pertinente et performante que propose Jean-Luc Romero : « La loi Leonetti au fond, on a pourtant soutenu un peu cette loi, c’est la loi du mourir de faim et de soif, elle peut être terrible cette loi, il faut arrêter, on peut plus laisser les gens agoniser pendant des semaines [...] Il faut qu’on sorte de cette affaire médicale. C’est le patient qui doit être au centre de tout ça. Aujourd’hui on en a fait une affaire médicale, on entend les médecins s’exprimer à longueur de temps mais 100 % d’entre nous allons nous mou… allons mourir [...] C’est à nous de décider.» Néanmoins, la proposition de François Hollande mérite d’être débattue même si la formulation retenue est furieusement consensualiste.

Un pas de deux, réajusté en permanence

La question n’est pas tant d’avoir un point de vue a priori sur ce qui nous sera utile quand la maladie aura chamboulé entièrement nos repères de vie, mais d’être sûr de pouvoir être respecté à tout moment. « 100 % d’entre nous allons mourir » affirme le président de l’ADMD, mais 100 % d’entre nous aussi allons être malades et l’enjeu de la fin de vie respectueuse de la personne n’est pas dissociable de la question du soin.

Depuis Hippocrate, la médecine s’exerce dans une intimité entre le patient, le médecin et la maladie. Nier le place quasiment personnifiée de la maladie, c’est réduire la relation médecin-malade à un combat stérile. La rencontre n’a de sens que par la maladie. La maladie, comme la vieillesse, contraint à repenser son rapport à soi et aux autres. Le médecin est un humain soumis aux mêmes contraintes de l’âge et de la maladie, ce qui rend possible cette rencontre existentielle avec le patient. À ce titre, c’est le plus beau métier du monde. Seule cette rencontre permet de mettre une technique au service du projet commun élaboré par le patient et le médecin contre la maladie. C’est un pas de deux réajusté en permanence à l’essentiel du moment et qui respecte la vulnérabilité d’un des partenaires. Le combat pour que les conditions d’exercice de la médecine permettent cette intimité est donc le combat de tous.

 

Les propositions de loi visant à contrôler ce qui se passe dans les espaces de soins fleurissent. Citons comme exemple récent « l’abandon des pratiques psychanalytiques dans l’accompagnement des personnes autistes au profit de traitements opérants » par Daniel Fasquelle, député UMP du Pas-de-Calais. Le simple énoncé de cette proposition montre combien la complexité du diagnostic et des propositions thérapeutiques ne permet pas de légiférer. L’absurde a été atteint quand Françoise Tenenbaum, adjointe au Maire de Dijon à la santé, proposant en décembre 2011 de faire appel aux vétérinaires dans les déserts médicaux. Ce serait drôle si cela ne concernait pas directement l’essentiel de nos vies.

 

Au « n’ayons pas peur des mots » de Jean-Luc Romero, je répondrai n’ayons pas peur tout court. N’ayons pas peur de nous et de ce que nous pouvons construire ensemble comme soin de qualité dans le respect de l’intimité.

 

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